Déjà, je préfère annoncer que je ne juge ici en aucun cas la performance des acteurs, ni l'ambiance sonore instaurée (d'une excellente facture), pas plus que je ne juge la qualité du papier, de la reliure ou des estampes dans le cas d'un livre imprimé. Je ne m'en tiens qu'à l'histoire.
“Série” audio oblige, ici peu de narration. Ce qui s'en rapproche le plus tient dans les enregistrements de cassettes réalisés par l'agent Kappa (notre héros), lorsqu'il relate certains événements qui ont échappé à la présence du lecteur/auditeur que nous sommes. La quasi-majorité du temps donc, nous avons affaire à des dialogues.
Et malheureusement, aïe. Pour vous partager ma peine, j'ai tenté de retranscrire en bref l'une des premières scènes :
“Allo, qu'est-ce que tu veux encore ?
– Oh putain ta gueule.
– Putain, qu'est-ce qui se passe encore ?
– J'ai un mec qui pisse le sang.
– Arrête de me casser les couilles, tu me fais chier.
– Je déconne pas.
– Putain, tu fais carrément chier, t'es vraiment casse-couille.”
Et je n'exagère même pas.
Un peu plus loin, Taker (l'autre personne au bout du fil) se permet même de lâcher un “Si tu te fais chier, abonne-toi à Amazon Prime et arrête de me faire chier.” Méta, peut-être ? J'opte surtout pour affligeant.
Les dialogues donc, c'est un gros non pour moi, et je n'ai même pas encore évoqué l'humour forcé à base de punchlines flapies pseudo-cinglantes (comprenant toujours un “putain”, comme si cela créait automatiquement de l'impact). L'auteur force tellement la dose que j'ai parfois eu l'impression d'être propulsé quinze ans en arrière à l'époque du Donjon de Naheulbeuk (pour le côté humour lourd et appuyé). Sauf que là, on est dans un thriller.
Du coup, voilà mon avis sur la forme.
Mais, et pour le fond, du coup ? Qu'est-ce que cela raconte, ce
Killer Social Club ?
Bon, déjà, comme le montrent les dialogues, on surfe sur les codes des gars trop badass. Ainsi, Kappa s'auto-congratule d'être un flic qui ne respecte pas les procédures. du coup, lorsqu'il découvre par hasard une scène de crime, il conduit le “tueur” blessé à l'hôpital, où ce dernier murmure un truc à propos du KSC.
Le KSC, à ne pas confondre avec KFC (l'auteur fait la blague deux fois, mdr trop marrant), c'est un peu une légende dans le milieu. Un truc qu'aucun flic n'a jamais pu approcher du doigt auparavant. du coup, ni une, ni deux, Kappa décide de se déclarer mort à la place du tueur (POURQUOI ?), qui vient de rendre son dernier souffle à l'hôpital, et récupère par la même occasion son attirail de larbin au KSC.
Et c'est là que le bât blesse : la cohérence.
Une flic meurt supposément ? Hop, aucune enquête, personne pour reconnaître le corps. Et puis, puisque nous ne sommes pas à ça près, autant ajouter des péripéties totalement hallucinantes de tous les côtés.
Comme ce flic random (même pas dans la team des méchants, hein) qui tente de les faire brûler vivants parce qu'il pense que Kappa et sa coéquipière ont volé une voiture, par exemple. Un jour normal aux USA, je suppose. (Ah, et vous la sentez venir également : fallait bien insérer une romance sans queue ni tête entre le héros et la seule femelle dans les parages.)
Sauf que, foutre plein d'explosions, au vu du format basé sur des dialogues, ça ne fonctionne pas. Parce que se taper une séquence post-accident, où ils sont obligés d'expliquer à nous, auditeurs, que la voiture s'est retournée (par deux fois même, au cas où), qu'il y a du verre partout, qu'il a du sang sur le visage, que la ceinture est bloquée gnagna, etc, c'est maladroit, surtout lorsque c'est mal écrit. Cela nuit à l'immersion.
Et tant que je suis dans les péripéties tirées par les cheveux, pourquoi ne pas mentionner la fusillade avec des dealers de drogue mexicain, parce que Miyo avait envie de se taper une barre de coke ? Encore, ces faux dramas qui n'ont aucun rapport avec la trame principale. Il ne s'agit que de remplissage, en composant avec des ennemis totalement extérieurs au grand complot du KSC, qui n'ont même pas conscience que ce dernier existe.
Enfin bref, je m'égare. le KSC, disais-je, ça vaut quoi en terme d'antagoniste ?
Eh bien, c'est ridicule, aberrant. Un plan foireux totalement illogique, avec cerise sur le gâteau : un méchant qui rigole comme un méchant très méchant. Un méchant totalement neuneu qui met dans les mains de Kappa le moyen de s'échapper. La chance.
Du coup, pour résumer : les dialogues ne fonctionnent pas, la tension est factice, le plan du KSC tient de la mauvaise SF, le danger est nul. Et notre héros dans tout ça ?
Eh bien, entre autres, Kappa est du genre à oublier son arme dans la voiture, à se faire repérer comme un bleu par une civile qu'il tente de prendre en filature, ainsi que de totalement oublier les règles fixées avec son pote Taker.
En somme, encore de quoi créer du faux drama, du remplissage.
Killer Social Club est une véritable douche froide, jusque dans sa conclusion (absente), nous laissant sur un bon gros cliffhanger absurde, encore une fois lié à une erreur de Kappa qui m'avait bien foutu les nerfs.
Constamment se reposer sur les erreurs de ses personnages (protagonistes comme antagonistes) pour faire avancer l'histoire, c'est fainéant.