Un bien agréable petit « ciné-roman » par le fort talentueux auteur serbe Goran Petrović, dont le premier roman à être traduit en français, «
Soixante-neuf Tiroirs », a connu un joli petit succès de librairie ( édité au Serpent à Plumes / Rocher puis chez Zulma ), et dont vous retrouverez plusieurs critiques enthousiastes de babéliotes chevronnés.
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Ici on l'apprécie pour sa seule parution chez l'éditeur québécois « Les Allusifs », à qui l'on doit également d'excellentes sorties de compatriotes tels Matijevic et Basara.
La quatrième de couverture sonne quelque peu curieusement, car bien que situant correctement l'action dans la Yougoslavie de 1980, elle anticipe en nous parlant d'une « métaphore de la société serbe », alors qu'il s'agît bien de cette population multi-nationale dont il est question, portrait d'un pays au bord de l'effondrement alors que son redoutable cimentier, maréchal d'obédience croate, Josip Broz Tito, vient de s'éteindre.
Je ne reviendrais pas ici, tentation à chaque nouvelle critique d'un livre issu de cet ex-état, sur la trouble et hyper-compliquée histoire de cette dislocation, évidente balkanisation annoncée, des tonnes de papiers existant à ce sujet, dont beaucoup nous viennent des éditions L'Age d'Homme avant la mort accidentelle de son fondateur. Une documentation qui permet de relativiser, tout en embrouillant à l'extrême, la vison que l'on peut avoir d'un grand morceau conflictuel de l'histoire européenne, beaucoup trop facilement résumé à un duel de gentils et de méchants… comme d'habitude, vous dîtes ? Mais je m'égare encore…
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Donc l'ami Petrović ( que c'est mignon, cet accent sur le c ) nous figure sa nation déchue par un vieux cinéma rempli d'une galerie de personnages, que l'on va suivre alternativement, avec un certain systématisme, donnant parfois l'impression d'un manque de liant.
Certains personnages, comme ce mélancolique ouvreur, mériteraient un roman à eux tout seuls, accentuant le côté légèrement décevant de passer au rang suivant, suivant cette organisation selon le placement de chacun dans la salle. Ce dispositif pourrait tenir, mais pâlit franchement à son deuxième passage, l'auteur obligé de rafraichir la mémoire du lecteur comme avec de petits cartons brandis depuis le trou du souffleur, confirmant le caractère possiblement caricatural de certains.
Un mince fil rouge, permettant de parcourir l'histoire hors de la salle, est incarné par une perruche nommée « Démocratie ». L'auteur en use comme d'un évident paradigme, mascotte d'un livre qui augure d'un joli talent de conteur, sans toutefois convaincre par sa forme structurellement trop dénudée.
J'y reviendrai bientôt, disposant de toute son oeuvre ; la littérature balkanique, et plus largement slave, comme profonde source de plaisirs.