![]() |
Goran Petrovic est un auteur serbe né en 1961. Il nous conte ici l'histoire de la Yougoslavie à travers le destin d'un cinéma. Tout commence par une sombre et croquignolette affaire de godillots. 1926, Kieslovo, petite ville de Serbie en Yougoslavie. Laza Iovanovitch, besogneux et roublard petit cordonnier a l'idée d'acheter aux enchères des godillots usagés que l'armée vient de mettre au rebut. En deux fois. Les godillots ont été sciemment dépareillés. Il est le seul à vouloir acheter le wagon de godillots gauches. Puis trois mois plus tard le wagon de godillots droits. Patiemment, durant des années, le petit cordonnier va réparer, ressemeler et réunir ses godillots, enfin quand il peut les réunir car la Grande Guerre a laissé pas mal de mutilés, heu, d'unijambistes. A ceux-là il leur demande un peu plus que la moitié du prix, ce qui fait de lui un bienfaiteur des mutilés tout en augmentant son profit. Désormais à force de se pencher sur ses godillots le petit cordonnier a certes un oeil qui dit merde à l'autre mais il devient très très riche, il effile ses moustaches, aligne ses billets, achète l'auberge la Charrue et son grand terrain. Puis, il va chez Monsieur Petit alias l'Etat, amateur de siestes et de bières qui siège au tribunal. Enfin, le contrat est signé. Il sort du tribunal et donne l'ordre de démolir la Charrue et à la place fait ériger l'hôtel Yougoslavie. Un palace au luxe clinquant. Soyez les bienvenus ! L'hôtel fera faillite mais dans l'ancienne salle de bal au plafond céleste sera construit en 1932 le cinéma Uranie. 1980 le plafond céleste s'écaille depuis longtemps. Il est constellé de chewing-gum et de graffiti. le vieil ouvreur gardien du paradis n'y peut rien. Sa petite perruche n'ose toujours pas dire son nom. Dans la salle de cinéma sont réunis une trentaine de spectateurs bigarrés installés dans un ordre immuable depuis l'arrivée au pouvoir du Maréchal Tito. Rangée par rangée, le narrateur nous les présente de manière très vivante, pittoresque, loufoque avec des digressions, interruptions, interventions des uns et des autres comme autrefois dans les cinémas. Et puis trou noir, le plafond leur tombe sur la tête en même temps que la nouvelle. Dans la dernière partie, le narrateur raconte ce que sont devenus tous les personnages, éparpillés aux quatre vents quand ils ne sont pas morts. C'est long, très long et triste comme un enterrement. Seule consolation, la petite perruche du vieil ouvreur se souvient enfin de son nom : Démocratie. + Lire la suite |