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Critique de Lune


Lune
06 février 2022
Quel livre!
Avec une lucidité allant parfois jusqu'au cynisme, il se lit comme un réquisitoire contre les dérives de notre société de consommation abusive.

Parmi elles, un tourisme de mauvais aloi, un tourisme de masse qui
étouffe de grandes villes courues pour leur histoire, leurs témoignages d'une lignée culturelle et de traditions.
Certains n'hésitent pas à le reconstruire ou à le rétablir (cfr les toits de chaume de Giethoorn au Pays-Bas - la reconstitution de Venise à Las Vegas,…).
Quelques portraits de touristes hollandais sont particulièrement caustiques, mais! Il n'y a pas qu'eux!

Dans cette tournée des lieux envahis, l'auteur nous emmène en voyage et nous les décrit avec précision : Venise, Gênes, Amsterdam, Skojte, Abu Dhabi, etc…

Il fréquente les musées et discourt avec sa muse, son amour, du mystère d'une peinture disparue du Caravage. Il nous raconte ce peintre, son histoire avec détails.
Nous frémissons à l' évocation de l' exposition de Damien Hirst :
"Treasures from the Wreck of the Unbelievable", une supercherie mégalomane, fruit d'un travail de dix ans.

L'hôtel Europa qu'il fréquente est une métaphore de l'Europe vieillissante, confite dans la nostalgie de son passé, en retard sur d'autres nations qui regardent l'avenir, envahissent, créent et recréent sur les ruines (le directeur reprenant la direction de cet ancien hôtel est chinois et fera plus « européen » que nature - « business is business »).

L'envahissement par facebook et compagnie… permettant à chacun d'être uniques, irremplaçables, en compétition où reconnaissances et succès balaient ceux qui ne voyagent pas ou voyagent à l'ancienne ou peu.
Écraser l'autre? Est-ce la clef de la réussite et du respect?

Le passage sur Malte est édifiant et l'histoire éclaboussée par celles des migrants donne la nausée devant cet étalage destiné au fric, c'est-à-dire aux touristes en mal de souvenirs.
Même leur habillement dévoile le manque de respect quant aux lieux fréquentés et ce qu'ils représentent.

Il y a des passages qui claquent et mettent en face de la bêtise humaine.
Il y en a d'autres qui instruisent, d'autres qui émeuvent (l'échange final avec le groom et « l'intertextualité » sont éloquents).
Des joutes verbales riches avec sa muse, historienne d'art, avec l'un des hôtes de l'hôtel philosophant sur cette Europe en voie d'être dépassée, des pirouettes avec la poétesse originale et féministe outrancière, etc… sont des moments riches, denses, critiques. L'humour ne manque pas non plus.

De quoi réfléchir et se remettre en question, Ilja Leonard Pfeijffer dit les faits, observe les dérives et les livre sans concessions.

Une histoire d'amour aussi avec le sang italien qui bouillonne.

Un livre parfois un peu redondant mais remuant.
Quel livre!

Je remercie Babélio et les Éditions Les Presses de la Cité pour cette découverte.
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