Citations sur Odes à chacun (suivi de) Tombeau de Gérard Philipe (16)
Odes pour veiller jusqu’au jour :
Ma lampe est fille de soleil,
Feu vigilant, zèle de vivre.
J’ai jeté du blé dans un livre,
Il lève durant mon sommeil.
Minuit, midi sonnent pareil.
Ode à la neige
blanche autant qu’absolue
dans un silence d’œil
qui rêve l’éternité blanche
*
neige neigée
tellement soleillée
que d’un blanc aveuglant
et brûlante !
*
moelle de diamant
*
neiges du Harfang aux iris jaunes d’or
et ventre blanc pur de la Panthère des neiges
*
de quel oiseau fléché fuyant à travers ciel
ce pointillé de sang sur la neige vierge ?
Ode aux trois règnes
Nous sommes à la perle …
Extrait 4
Nous habitons comme la loutre une catiche,
Nous funambulons avec l’écureuil,
Nous vivons le cerf qui dague sa biche,
Et nous jouons à la truitelle de ruisseau.
Nous sommes la dent carnassière,
Le bec du tournepierre,
Et la serre du sacre, et l’ongle du pourceau,
Nous sommes la fange et la neige sœurs,
Le soufre qui sort vif des sourdes épaisseurs,
L’émail des volcans, le silex nectique,
Oui, le porphyre du portique.
Nous avons fait le pas,
Du granit des brisants
Au granit des gisants,
Et nous n’ignorons pas et nous ne savons pas.
Du sable remuant nous avons hérité,
Pourtant nous est venu l’astre en sa fixité.
Nous sommes terre d’os, nous sommes terre d’ombre,
Terre de vigne que l’on sombre,
Terre aux lèvres du matelot, terre amoureuse
Tendre à la force laboureuse,
Et de par la fraternité jamais éteinte
Nous sommes terre sainte.
Ode aux trois règnes
Nous sommes à la perle …
Extrait 1
Nous sommes à la perle, aux loges de l’orange,
Aux pointes de l’oursin, aux piquants de la bogue,
Aux rémiges du fou, aux nageoires de l’ange,
Au duvet de l’oison, aux soies du sanglier,
Au front grave et crineux du cheval de collier.
Nous sommes le réveil du bourgeon rédempteur,
Et la sève, et le sang au cœur même du cœur.
Nous sommes les printemps créés au creux des meules,
Le chaume, le glui, le feurre, les éteules,
L’ormille, le couseau, le sarment, la tonnelle,
L’air framboisé, l’air saturé de citronnelle,
Les empires du cèdre et les émois du tremble,
Les pétales quand le bouquet se désassemble,
Le lichen glaucescent sur les vieilles écorces,
La scille en bord de mer, la prêle d’onde douce,
L’hélianthe annuel au zénith de ses forces,
La truffe d’été qui dort sous la mousse.
Ode à la neige
la
légère
candide
capricieuse
tourbillonnante
ouatée
poudreuse
neige dont l’aime
la
lente lente
chute
Ode à la neige
Et
tout là-bas
(à l’heure de mon cœur qui bat tout bas)
quelqu’un
contemple
la rencontre de la neige
floconneuse, innombrable
avec la mer
formidable, comme
de plomb,
glauque
*
1955
Ode à la neige
regardez, par delà
cette grille givrée
d’innocentes hermines
dorment tout de leur long
sur les bras des croix
*
alors qu’à l’intérieur l’enfant
le front appuyé à la vitre
pour jouer
fait de la buée,
dehors chaque flocon
éclate une petite larme
qui roule
en bas
du carreau
où le mastic est vieux comme la maison
*
Ode à la neige
blanche autant qu’absolue
dans un silence d’œil
qui rêve l’éternité blanche
*
neige neigée
tellement soleillée
que d’un blanc aveuglant
et brûlante !
*
moelle de diamant
*
neiges du Harfang aux iris jaunes d’or
et ventre blanc pur de la Panthère des neiges
*
de quel oiseau fléché fuyant à travers ciel
ce pointillé de sang sur la neige vierge ?
*
Ode à la neige
météore
qui touche ma manche
de ratine, y posant des cristaux à six branches
sous mes yeux d’étincelles
*
pluie
de
plumes
de
mouettes
muettes
*
recouvrant la plaine déshéritée
emmantelant la forêt squelettique
*
épaisse, assoupissante et ensevelissante
*
blanche telle
une belle absence de parole
*
Ode à la neige
par un jour de grisaille aux vapeurs violâtres
ou quelquefois même (j’ai vu)
par un ciel terre de Sienne
elle
papillonne blanc,
plus blanc que les piérides blanches
qui volettent en avril
comme fiévreusement,
à moins que ce ne soit frileusement
autour
de roses
couleur d’âtre