- A ce propos, je suis cochon, savez-vous ?
- Il me semblait aussi...
- Il s’agit de mon signe astrologique chinois. C’est ma nouvelle amie qui me l’a appris. Forcément, elle est asiatique…
- Voyez-vous ça ! Vous êtes plutôt extrême-orientale ?
- Plus que ça ! Je suis un fondu de chinoise !
- Et moi, pourriez-vous me dire ce que je suis ?
- Tout de suite; j’ai là un petit mémo… dites-moi quelle est votre année de naissance.
- 1967
- Alors vous êtes Chèvre.
- Normal, c’est ma femme qui me rend comme ça. Pourtant, au début elle m’appelait « mon lapin », puis ça a été « mon cochon », comme vous…
« En fait, c’était une femme en burka, tu sais le voile intégral…. Avec des gants noirs et juste une fente pour voir. Alors elle a voulu payer par chèque ; la caissière lui a demandé de justifier son identité et, comme elle n’a pas voulu la dévoiler, elle a laissé tous ses achats sur place et est partie…
- Tu sais, il y a des fois où, pour la femme, c’est comme pour une roue de vélo : quand elle est voilée, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond… »
Extrait de: J. Pierson. « Camille et la peruche rouge + couv. » iBooks.
A son retour d’Asie, il a été mis en quarantaine ; ça lui a donné un coup de vieux : il n’a que trente-six ans...
La route étroite s’insinue dans la forêt, ouvrant bientôt les ramures sur la lumière qui vient tirer de la terre les frondes des fougères et les tapis d’herbes sauvages égayés de-ci de-là de vivaces fleuries. Sur le sol pentu, l’humus noir et frais, couvert de feuilles ou d’aiguilles selon qu’il nourrit une futaie de caduques ou de conifères, laisse apparaître par endroits, sous la mousse, la roche gréseuse d’où suintent les eaux de la montagne qui finiront leur cours dans la mer ou nos verres.
Les lacets se succèdent, offrant de temps à autre une vue plongeante sur les vallons dont la netteté des verts dessine des prés, des sous-bois et des cimes aux essences variées. Le long de la route, les billes fraîchement coupées et les bûches empilées en stères exhalent des parfums de pin, d’épicéa ou de hêtre, en attendant le tracteur avec sa remorque qui les transportera dans la vallée pour la scierie et les flambées d’hiver. Il est loin le temps où les hommes aux biceps d’acier s’attaquaient aux troncs à la hache tandis que leurs compagnons aux cuisses puissantes dévalaient le chemin de traverses en rondins, devant leur schlitte chargée à bloc, la guidant et la retenant pour qu’elle ne sorte de la voie ou ne leur passe sur le corps.