"- Maman, à quoi ça sert la nature ?
- A rien mon chéri, tout comme toi."
Pouic.
"Pourquoi s'arrête-ton ?
- Nous venons d'écraser un hérisson, monsieur le Premier ministre.
- Merde... Faites demi-tour, il faut le manger pour permettre à son âme wakan de retourner auprès de son esprit protecteur. Oh et puis j'en ai marre de me déplacer en bagnole et en avion... Je vais y aller en vélo au rendez-vous d'Angela... Appelez-la pour le reculer de deux mois.
- Bien monsieur le Premier ministre."
- L'Organisation des Jivaros d’Équateur a porté plainte contre la Commission européenne au sujet d'un communiqué préconisant la protection d'une zone marécageuse du piémont amazonien. Les Jivaros pointent la nature de l'argument: le communiqué souligne que ce marais abrite une espèce de rainette dont l'épiderme contient une molécule active qui pourrait inspirer un nouveau traitement contre le cancer...
- Oh!! honteux scandale!!!
- Les Jivaros tiennent à rappeler qu'un tel argument revient à dire qu'il faut protéger l'Europe dans la mesure où les touristes occidentaux constituent une bonne source de nourriture pour les anacondas.
Nous pensons donc voir le monde tel qu'il est, si bien que lorsque nous constatons qu'une personne compose un monde différent du nôtre, nous avons spontanément l'impression qu'elle se trompe, qu'elle voit mal.
Le discours des éleveurs traditionnels, qui met en avant la rentabilité et le profit, est en contradiction si flagrante avec les faits qu'il faut admettre l'existence d'autres valeurs, implicites et inconscientes, à l'origine de leurs comportements.
Je voudrais faire l'hypothèse que subsiste dans leur esprit le concept ancien de "nature" ; une "nature" d'autant plus effrayante qu'ils la sentent frémir en eux. Ils cherchent donc à la dominer par la force, pour se procurer une illusion de contrôle et s'identifier par là même à leur Dieu démiurge.
Dans cette bande dessinée, j'ai voulu prolonger ce mouvement de mise à distance en imaginant à quoi ressemblerait le monde si l'on empruntait quelques outils de composition aux Jivaros. Le résultat est absurde. Mais l'est-il plus que le monde que nous sommes en train de composer ?
Parmi les outils de composition du monde partagés par la plupart des Occidentaux contemporains, l'un des plus fondamentaux est la séparation bien nette que nous érigeons entre la nature et la culture. (...)
Les Indiens d'Amazonie emploient des outils de composition du monde qui diffèrent des nôtres dans certaines de leurs dimensions les plus fondamentales et, en particulier, ils font l'économie de la distinction entre nature et culture.
Pour un Jivaro, le discours que l'on entend si souvent chez nous, dans lequel la protection de la nature est justifiée par les services qu'elle nous rend (...) est aussi inaudible que, pour nous, un argumentaire qui défendrait un combat pour la liberté, la justice ou l'égalité par des raisons utilitaires (...).
Je conclurai par cette citation de Philippe Descola, qui dit que "la diversité doit être préservée sous toutes ses formes, y compris la diversité des façons de se détruire. "
- J'ai dû aller chercher le grand esprit Arutam en forêt...
- Pourquoi ? T'as tué quelqu'un ?
- Je suis passé sur un poussin de mésange bleue avec la tondeuse...