Citations sur Nuits nantaises, tome 4 : Greg Brandt (17)
– Greg Brandt, je viens prendre mon poste.
Chenal approchait les quarante ans, il avait un visage rond, un léger embonpoint et portait un costume croisé et une cravate bleu nuit. Une photo sur son bureau le montrait avec sa femme et une enfant joufflue, devant une maison au jardin rutilant. Il a jaugé mon mètre quatre-vingt-cinq et ma carrure. Je me suis senti mal à l’aise, navré d’avoir choisi de porter cet imper stéréotypé qui a semblé l’amuser.
– C’est vrai, j’avais oublié que c’était ta rentrée des classes.
Il a ouvert une chemise et s’est mis à lire comme s’il découvrait mon dossier.
– Tu as fait des études de droit.
– Je préparais un doctorat, en prenant mon temps… avant d’entrer à Cannes-Écluse…
Il a hoché la tête.
– Je suis moi aussi rentré à l’école de Police sur le tard, j’ai consacré mon mémoire au Commissaire de police, fonctionnaire d’autorité d’État…
Il a entrelacé ses doigts et m’a regardé avec un air peiné.
– Ton père était de la maison… une sale affaire.
Je me suis contenté d’un oui évasif.
Il a tourné plusieurs feuilles.
– T’es sorti bien classé… Un petit tour au secrétariat de la Préfecture de Police de Paris et tu choisis le terrain à Nantes… Nous sommes heureux de t’avoir avec nous.
Je l’ai remercié d’un signe de tête, un peu intimidé.
La vente de haschich, c’est du ressort des blousons noirs, des zonards en bottes cloutées qui braquent les pharmacies, des marginaux accros au cannabis et aux hallucinogènes… Les braqueurs du milieu n’ont rien à voir avec ces loubards et autres soixante-huitards… Finalement, sans vouloir les glorifier, ces trafics ne sont pas de leur standing.
- Eh bien t’es un humaniste, toi. On dirait le discours d’Albert Camus, quand les suédiches lui ont filé le prix Nobel de la paix ?
-C’est le Nobel de littérature, mais peu importe, tu as lu ça toi ?
Depuis que le maire a eu l’idée d’installer des parcmètres, la ville a embauché des contractuels pour coller des prunes aux contrevenants… Et nous, on fait la chasse à ceux qui dévalisent ces tirelires sur poteaux à coups de marteau ou au pied-de-biche.
- Eh bien t’es un humaniste, toi. On dirait le discours d’Albert Camus, quand les suédiches lui ont filé le prix Nobel de la paix ?
-C’est le Nobel de littérature, mais peu importe, tu as lu ça toi ?
-Au risque de te surprendre, j’ai lu son discours de 57. Je trouve que c’est plein de belles intentions… Je suis d’accord quand il s’oppose à ceux qui soutiennent le totalitarisme soviétique. Sartre au premier plan, l’intello de mes deux, inculpé pour injure sur les flics. Des hommes comme Camus, il en faudrait plus, c’est triste qu’il se soit bousillé en bagnole
Depuis que le maire a eu l’idée d’installer des parcmètres, la ville a embauché des contractuels pour coller des prunes aux contrevenants… Et nous, on fait la chasse à ceux qui dévalisent ces tirelires sur poteaux à coups de marteau ou au pied-de-biche. Ensuite, la ville les remplace… Si tu fais le compte, je suis pas certain que la ville y gagne un radis…
L'amitié, c'est comme l'amour,
ça n'est possible qu'entre deux personnes qui tiennent debout lune sans l'autre..
Mon crâne bourdonnait comme si un essaim de guêpes en cherchait la sortie.
Le garde du corps et Ange Muntoni m'ont encadré, j'ai jeté un œil par-dessus mon épaule, Pierrick m'a fait signe qu'il me couvrait. Je me suis collé devant Robert, si près que je pouvais sentir son haleine.
— Emmenez vos bras cassés et tirez-vous. Ou je vous embarque pour agression.
Son regard m'a pulvérisé, comme si personne ne lui avait jamais parlé de cette façon.
— Qu'est-ce qu'il fout ce trouduc !
Trois hommes étaient sortis de la 504. Leurs visages dissimulés sous des masques à l'effigie de Valéry Giscard d'Estaing et de ses rivaux malheureux à la présidentielle, François Mitterand et Jacques Chaban-Delmas.
Pistolet au poing, Chaban avait couru vers le jeune italien, lui collant le canon sous le nez.
— Si tu touches à ton flingue, connard, je t'explose la tronche !