AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de daniel_dz


Voilà plus de 40 ans que ce livre au titre intrigant fascine ceux qui ont eu la curiosité de l'ouvrir. Un livre qui sort de l'ordinaire écrit par un homme qui sort de l'ordinaire. Ceci explique sans doute cela.
Robert, l'auteur, emmène Chris, son fils d'une dizaine d'années, pour un long voyage à moto, de Minneapolis à San Francisco. Tout en roulant, il nous expose ses réflexions philosophiques, principalement à propos de la Qualité, qui l'ont à un certain moment mené au bord de la folie. Ses réflexions philosophiques, il les illustre d'exemples concrets relatifs à l'entretien des motocyclettes, dans un esprit proche de la tradition bouddhiste.
On peut trouver des livres de vulgarisation philosophique où les idées sont emballées dans une historiette qui rend la lecture plus plaisante mais qui, finalement, n'a pas un réel intérêt en elle-même. Ici, c'est différent. Tout présente un intérêt, et c'est ce qui rend ce livre fascinant. J'ai lu ce livre il y a une trentaine d'années, sur les conseils d'un professeur de philosophie, et je l'ai relu tout récemment, prêté par un collègue, motard depuis le berceau, qui avait pris plaisir à se retrouver dans les considérations sur l'entretien des motocyclettes. D'autres lecteurs pourront mettre en avant tous les aspects qui concernent la relation entre un père et son fils, ou encore le cheminement d'un homme qui tombe dans la dépression pour ensuite en sortir avec force. Bref, vous l'aurez compris, ce livre est d'une incroyable richesse !
En fait, les passages philosophiques n'ont pas pour but de vulgariser des théories classiques mais bien de présenter un questionnement et des idées qui sont propres à l'auteur. Et tout cela est indissociable de l'histoire de sa vie. Car Robert Pirsig, qui vient de quitter ce monde en avril 2017, était un surdoué, du genre à commencer à étudier la biologie à l'université à l'âge de 15 ans, avec un QI de 170. Comme beaucoup de surdoués, il s'est vite mis en marge du système, pour se retrouver torturé, non pas par ses sentiments, comme cela pourrait être le cas de grands artistes, mais bien par ses réflexions philosophiques. Cela lui a valu un internement en hôpital psychiatrique, pour soigner sa schizophrénie paranoïaque. Dans le livre, on est touché de l'entendre évoquer la personne qu'il était "avant" et qu'il baptise Phèdre. On le voit essayer de se souvenir de Phèdre, comme s'il essayait de se souvenir d'une autre personne. On imagine aussi le trouble de ses proches, et en particulier de son fils, qui ont vécu à ses côtés pendant cette période. C'est poignant, intime, dérangeant...
Pour moi, ce livre résonne d'une manière particulière : je suis mathématicien (une pathologie en soi, je sais...) et des fous géniaux, j'en ai côtoyé pendant mon bout de carrière à l'université. Ils m'étaient sympathiques, il me manquent... Heureux les fêlés car il laissent passer la lumière !
Bien qu'il soit un scientifique, Robert Pirsig nous emmène aux frontières de la raison, arguant par exemple que la Qualité est un concept que la raison ne peut définir. Il fait sauter les limites entre pensée « classique » et pensée « romantique », entre technique et art, au profit d'une meilleure qualité de vie. Lisez donc vous-même et même si certains points vous échappent, vous en sortirez grandis ! Moi-même, je le relirai, à coup sûr, car je suis certain que j'en ai pas encore épuisé tout le contenu.
Note: la version française que je viens de lire est une traduction de l'édition anglaise de 1974. Je possède aussi l'édition anglaise de 1984 (tout cela se trouve facilement en librairie). Dans une postface extrêmement émouvante, Robert Pirsig y relate la mort de Chris, assassiné en rue à l'âge de 22 ans, par des malfrats qui l'ont tabassé pour un peu d'argent. Terrible...
Commenter  J’apprécie          166



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}