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Critique de karmax211


Ce livre m'a été offert par une amie, qui se reconnaîtra, laquelle amie a eu la chance de travailler à l'hôpital des armées Legouest installé à Metz, avec le médecin général des armées, aujourd'hui à la retraite, le médecin anesthésiste-réanimateur, pionnier de la médecine de guerre et celle dite de catastrophe, Raphaël Pitti.
Je connaissais cet homme de nom, à travers ses engagements humanitaires, en particulier celui en faveur des Syriens massacrés et lâchement abandonnés par les pays occidentaux.
Je connaissais moins l'infatigable défenseur des migrants, dont le bâton de pèlerin n'hésite jamais à se porter au secours des plus fragiles, des plus démunis... au point de rendre son insigne d'officier de la légion d'honneur au Président de la République, écoeuré qu'il est par les promesses non tenues, les trahisons, les désertions, les mensonges, les renoncements, les lâchetés commis par des pouvoirs publics mus par de bas et méprisables intérêts.
La première partie du livre est consacrée au drame syrien et l'appel au secours lancé à Raphaël Pitti par un ami médecin franco-syrien.
Nous sommes en 2011.
Raphaël Pitti va alors faire connaissance avec ce pays qu'il ne connaît pas, traverser clandestinement, au péril de sa vie, la frontière qui sépare la Turquie de la Syrie.
Le constat pour ce spécialiste de l'humanitaire, de la médecine de guerre et de catastrophe, est sans appel : un peuple est massacré par un tyran sanguinaire, et ce peuple qui a peu de moyens pour se défendre, est dépourvu de tout ce qu'il faut pour soigner : structures et matériel, formation et savoir-faire face à une médecine qui ne s'improvise pas : la médecine de guerre et de catastrophe, laquelle ne ressemble en rien à la médecine que nous appellerons de paix ou traditionnelle.
Lorsque vingt ou trente blessés urgents arrivent dans un hôpital de fortune, les soignants doivent apprendre à prioriser, c'est-à-dire à "trier"... au risque de se tromper, et impérativement avoir les bons gestes...
Débutent alors les premiers séjours en Syrie de Raphaël Pitti.
Il en a fait à ce jour plus de trente... il a 71 ans !!!
Il va former des soignants qui à leur tour formeront.
Pour cela il va créer le centre de formation de Bab-El-Hawa.
Il va enseigner, superviser, soigner... au milieu des bombes, des snipers... privé de l'essentiel, mais animé par une volonté inébranlable, une formation solide d'anesthésiste-réanimateur agrégé de médecine d'urgence, un amour de l'humain et une foi... qui a ébranlé l'agnostique que je suis.
Plus de 3000 soignants seront ainsi formés...
Cette première partie, outre le fait de témoigner ( j'espère que beaucoup apprendront ) sur le conflit syrien, éclaire à partir du terrain ce que furent les défections politiques : je parle de la fameuse ligne rouge de Barak Obama, ligne rouge plusieurs fois franchie - Raphaël Pitty a vécu la transgression cynique et sanguinaire d'Assad qui n'a pas hésité à faire usage du gaz hexamino-sarin... il a fait sur place des prélèvements rapatriés en France... utilisation des armes chimiques par le régime de Damas, dont le ministère des Affaires étrangères français a eu connaissance, preuves et confirmation à l'appui en temps et en heure...
On connaît hélas la suite, Obama piégé par son Prix Nobel de la Paix et par son manque de courage lâchera Hollande et abandonnera les Syriens... !!!
La seconde partie du livre est l'autobiographie de l'auteur.
Né en 1950 à Oran de parents italiens, le petit Raphaël va vivre une enfance modeste mais heureuse dans cette cité qu'on appelle " L'Andalouse", rencontrer Dieu et la foi très jeune, vivre la guerre d'Algérie et ses exactions.
Il va découvrir, quelques mois, l'exil à Marseille puis à Paris, avant de retourner à Oran, la guerre achevée.
Il quitte l'Algérie pour Nice en 1968... sa vocation de médecin ayant éclos entre-temps.
Ce seront des rencontres, le choix de l'armée et des commandons parachutistes.
Des missions sur des théâtres de guerre.
L'apprentissage de la médecine de guerre.
Parmi ces rencontres, il en est une qui l'a marqué et à laquelle je suis resté très sensible, touché devrais-je dire : celle avec soeur Marthe, une missionnaire qui a consacré sa vie aux autres.
Il faut dire qu'entre ces-deux-là, il ne pouvait pas ne pas y avoir ce vers quoi la foi profonde qui les habite pousse deux êtres d'exception à se reconnaître.
Il y a bien d'autres rencontres, bien d'autres "anecdotes" dans ce livre de Raphaël Pitti.
La Syrie au premier chef, mais son itinéraire professionnel et personnel, ses réalisations en France et à l'étranger.
En France on peut citer l'hôpital des armées Legouest devenu un des fers-de-lance de la médecine d'urgence, de guerre et de catastrophe.
L'ouverture de centres pour l'accueil des migrants... Raphaël Pitti a oeuvré sur place à Lampedusa... Bouleversant !!!
Pour terminer cette présentation "survolée" de " Va où l'humanité te porte", je voudrais, à l'heure de la pandémie, des hôpitaux en souffrance, des déserts médicaux, du délitement des rapports entre soignants soignés, mentionner ce passage du livre très édifiant sur l'homme et le médecin :
-"Je veux faire comprendre à l'ensemble de l'équipe soignante que le malade est au centre. Il faut humaniser la prise en charge pour le mettre dans le meilleur confort psychologique possible et lui donner envie de se battre et de s'en sortir. Il faut qu'il sente que nous sommes là pour le soigner et pour l'aider. Pour ce faire, je place des surveillants devant chaque porte avec un chronomètre et leur demande de noter qui parle aux patients et combien de temps. La réponse arrive très vite : ce sont de loin les femmes de ménage qui bavardent avec eux et leur consacrent du temps. Par ailleurs, je m'aperçois qu'elles sont les plus stressées car elles sont affectivement très impliquées dans la vie du malade sans être toutefois compétentes pour les aider. Je décide de les intégrer à notre équipe de soins."
..... !!!
J'aurais l'impression d'être passé à côté de ce livre si je ne rapportais pas ce passage sur les migrants :
-"Je découvre dans un bar le poème d'un anonyme, déposé près de la caisse :
-" Pauvre peuple,
Partagé entre peur et peine,
À travers la perdition et le songe
D'une vie heureuse,
Pauvre peuple."
Ce poème me touche énormément. Il se finit ainsi :
-"Pauvre peuple,
La honte de l'Europe,
La fierté de Lampedusa,
Pauvre peuple,
Le coeur, le coeur, le coeur."
Quelques mots encore... ce livre est si riche que je pourrais en parler des heures ...
pour vous conter une de ces petites anecdotes auxquelles j'ai fait référence.
Raphaël Pitti, qui ne me connat pas, à la demande de l'amie qui m'a offert son livre, a voté pour un de mes poèmes en finale sur Short au mois de septembre. Ce que mes contacts Facebook rechignent à faire comme si on leur arrachait un membre ou que sais-je d'autre... cet homme exceptionnel, fraternellement, généreusement, inconditionnellement l'a fait.
J'en ai été ému aux larmes.
Que dire de plus sur cet être rare qui se dit "inspiré" par le père Charles de Foucauld pour "l'accueil" et par l'abbé Pierre pour l'action, sinon qu'il est un modèle inspirant, une référence, une conscience dont l'humanité et chacun de nous avons un besoin essentiel.
Lisez son livre.
C'est le livre d'un homme pour les hommes.
Merci à toi, Pat.
Merci à LUI... j'espère que tu le lui diras.
*Depuis la parution de ce livre, j'ai vu quelques interventions de Raphaël Pitti sur les plateaux de télévision pour parler de la Syrie. Selon lui, lorsqu'on parle d'un peu plus de 500 000 morts causées par ce conflit, on est en deçà de la réalité. Pour ce médecin, il y aurait un million à un million et demi de morts secondaires... c'est-à-dire toutes les morts dues à des maladies comme le cancer, les pathologies cardio-vasculaires, les diabètes non soignés, bref toutes les maladies chroniques qui n'ont pas pu être prises en charge.
D'autre part, ce pays martyr souffre aujourd'hui du Covid et de la famine.
Enfin, il demande aux dirigeants et aux institutions de ce monde que les quatre corridors humanitaires soient ouverts dans une Syrie devenue, selon ses mots, un camp de concentration...
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