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Critique de motspourmots


Ce n'est pas toujours facile de se glisser dans un univers et une culture dont on ne maîtrise pas toutes les subtilités. Il faut donc reconnaître un sacré talent à l'auteur pour avoir réussi à m'embarquer et surtout à me garder, puis à me toucher. Il faut dire que j'ai tendance à faire confiance aux choix éditoriaux de Quidam qui me propose souvent de sortir de ma zone de confort et d'aller à la rencontre d'auteurs singuliers qui racontent le monde loin des stéréotypes et du prêt à penser.

Eric Plamondon explore donc l'Histoire du vaste territoire canadien, où se mêlent conquêtes, colonialisme, affrontement de cultures et oppression des minorités. Un territoire où, au commencement étaient les Indiens et où, à la fin l'homme blanc conquérant entend bien imposer sa loi, sa société de consommation et sa passion de l'argent. Pour cela, il tisse une intrigue qui se lit comme un thriller où il est question de trafic, de braconnage ou d'enlèvements, mais qui se déroule sur une toile de fond mettant en scène les habitants d'une réserve indienne, des flics chargés de réprimer les émeutes, un garde-chasse passé du côté des Indiens et une institutrice française venue se frotter aux grandes étendues sauvages. L'occasion de brosser un tableau saisissant des réalités qui sous-tendent l'existence d'une nation qui ne semble pas très au clair avec son passé.

Si le saumon est l'un des personnages centraux de l'histoire (superbe spécimen sur la couverture par ailleurs), c'est qu'il représente le symbole de ce qui se joue sur ce territoire. Pour les Indiens c'est une ressource importante qu'ils pêchaient pour se nourrir avant qu'on ne leur impose des règles les obligeant à vendre le produit de leur pêche pour pouvoir acheter de quoi se nourrir et s'aligner ainsi sur les pratiques de la "civilisation"... Absurde ? Pire que ça si l'on en croit l'auteur qui explique comment on a organisé la pénurie et qui parle de "génocide par tuerie interposés".

"Dans l'Ouest, l'homme blanc a réussi à éliminer les Indiens en éliminant les bisons. Dans l'Est, il y a des saumons. On les a pêchés à coups de barrages, de nasses et de filets jusqu'à l'épuisement des stocks. Les Indiens aussi sont épuisés."

Pour expliquer les crises d'un pays il faut la plupart du temps remonter à la source comme le font les saumons qui reviennent sur leur lieu de naissance et que l'on nomme alors Taqawan dans certaines tribus. Et Eric Plamondon fait ici preuve d'une rare ambition, de celles qui ne se contentent pas d'aligner les faits mais utilisent le maximum de points de vue pour mettre au jour toutes les salissures enfouies sous des couches multiples de badigeon. On en sort un peu plus instruit, pas mal secoué aussi parce que L Histoire est souvent la même dans différents endroits du monde. Comme le dit l'un des personnages "le colonialisme, c'est un peu comme le saumon, tu peux le jeter à la mer, il finit toujours par remonter là où il est né."

Roman aussi ambitieux que divertissant, Taqawan est de ces lectures dont on mesure l'importance au fur et à mesure que ses propos s'ancrent en nous et contribuent à enrichir notre regard sur le monde.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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