La géométrie n'est pas vraie, elle est avantageuse.
Qu'est-ce donc que,une bonne expérience? C'est celle qui nous fait connaître autre chose qu'un fait isolé; c'est celle qui nous permet de prévoir, c'est-à-dire celle qui nous permet de généraliser.
Car sans généralisation, la prévision est impossible.
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Pour prévoir il faut donc au moins invoquer l'analogie, c'est-à-dire, déjà généraliser...l'expérience ne nous donne qu'un certain nombre de points isolés il faut les réunir par un trait continu; c'est là une véritable généralisation.
Le jugement sur lequel repose le raisonnement par récurrence peut être mis sous d’autres formes ; on peut dire par exemple que dans une collection infinie de nombres entiers différents, il y en a toujours un qui est plus petit que tous les autres.
Les mathématiques peuvent comme les autres sciences procéder du particulier au général
Les mathématiciens s'efforcent toujours de généraliser les propositions qu'ils ont obtenues
...les traités de mécanique ne distinguent pas bien nettement ce qui est expérience, ce qui est raisonnement mathématique, ce qui est convention, ce qui est hypothèse.
Ce n'est pas tout:
1°) Il n'y a pas d'espace absolu et nous ne concevons que des mouvements relatifs;cependant on énonce le plus souvent les faits mécaniques comme s'il y avait un espace absolu auquel on pourrait les rapporter;
2°) Il n'y a pas de temps absolu; dire que deux durées sont égales, c'est une assertion qui n'a par elle-même aucun sens et qui n'en peut acquérir un que par convention;
3°) Non seulement nous n'avons pas l'intuition directe de l'égalité de deux durées, mais nous n'avons même pas celle de la simultanéité des deux événements qui se produisent sur des théâtres différents ;
4°) Enfin notre géométrie euclidienne n'est elle-même qu'une sorte de convention de langage; nous pouvons énoncé des faits mécaniques en les rapportant à un espace non euclidien qui serait un repère moins commode, mais tout aussi légitime que notre espace ordinaire; l'énoncé deviendrait ainsi beaucoup plus compliqué; mais il serait possible.
Ainsi l'espace absolu, le temps absolu, la géométrie même ne sont pas des conditions qui s'imposent à la mécanique.
Les mathématiques peuvent donc comme les autres sciences procéder du particulier au général.
Je joue avec un monsieur que je ne connais pas ; il a donné dix fois et il a tourné six fois le roi ; quelle est la probabilité que ce soit un grec ?
Peu nous importe que l'éther existe réellement, c'est l'affaire des métaphysiciens ; l'essentiel pour nous c'est que tout se passe comme s'il existait et que cette hypothèse est commode pour l'explication es phénomènes. Après tout, avons-nous d'autre raison de croire à l'existence des objets matériels ? Ce n'est là aussi qu'une hypothèse commode ; seulement elle ne cessera jamais de l'être, tandis qu'un jour viendra sans doute où l'éther sera rejeté comme inutile.
La possibilité même de la science mathématique semble une contradiction insoluble. Si cette science n'est déductive qu'en apparence, d'où lui vient cette parfaite rigueur que personne ne songe à mettre en doute ? Si, au contraire, toutes les propositions qu'elle énoncent peuvent se tirer les unes des autres par les règles de la logique formelle, comment la mathématique ne se réduit-elle pas à une immense tautologie ?