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Critique de JeanLouisBOIS
Le totalitarisme horizontal.
Il est des livres qui sont précieux non seulement par leur thème, leurs analyses, leur vision, leur style mais surtout par les hypothèses et les perspectives qu'ils élaborent. le Totalitarisme de Claude Polin en fait partie. Il appartient à la célèbre collection « Que sais-je ? » des Editions PUF qui se donne pour contrainte de vulgariser un sujet (ici le totalitarisme) en 128 pages ce qui oblige l'auteur à la concision, à la clarté et au balayage des différents domaines concernés tout en essayant de ne pas masquer les problèmes irrésolus : Vaste programme qui peut très facilement échouer pour au moins un des critères ! Claude Polin s'en sort à merveille et se permet le luxe d'un exposé agréable et très maîtrisé. Il nous conduit du mot au concept, du concept à la réalité et de la réalité au fondement du concept. Cette approche conceptuelle lui permet avec simplicité et didactisme de façonner et de faire évoluer ce qu'on inclut dans l'expression «régime totalitaire ».
Né dans la pensée de Mussolini à la suite de la première guerre mondiale, le totalitarisme est un despotisme ou une tyrannie particulière reposant sur six piliers : une idéologie, un parti unique dirigé idéalement par un seul homme, une police chargée de la terreur, un monopole des moyens de communication de masse, un monopole de la force armée et une économie centralisée (p.13). S'appuyant sur cette définition de départ, on s'aperçoit très vite que seuls le nazisme et surtout le communisme correspondent à l'ensemble des différents critères. On assiste là à une analyse détaillée mais, somme toute, classique du phénomène dans le sens où elle fait le bilan honnête des connaissances qui nous semblent aujourd'hui indiscutables (n'oublions pas cependant que ce livre fut publié en 1983, à une époque où assimiler communisme et totalitarisme n'allait pas de soi pour une certaine partie de l'intelligentsia française).
Cependant, le véritable intérêt de cet essai repose sur l'hypothèse originale permettant de mieux comprendre l'essence du totalitarisme : même si ce type de despotisme trouve son origine au sommet de l'état et diffuse vers l'ensemble de la société (dimension verticale commune à tous les despotismes), l'originalité du régime totalitaire vient du fait qu'il rencontre et s'accorde avec la volonté des individus en société qui lui donnent sa force, sa stabilité et sa longévité (dimension horizontale). Une société ne peut être totalitaire que si les individus, ou un grand nombre d'entre eux, s'y reconnaissent, y participent et y trouvent un certain intérêt. On peut alors se demander si le totalitarisme ne fait pas partie de la nature de l'homme en société et si chacun ne porte pas en lui une « tentation totalitaire » comme l'a ensuite affirmé Jean-François Revel. Pour moi, ces perspectives me donnent une furieuse envie de lire sérieusement Archipel du goulag de Soljenitsyne et de découvrir l'oeuvre d'Alexandre Zinoviev.
NB : Malgré ses très grandes qualités, on peut reprocher deux choses à ce livre. D'abord, l'absence de références aux communismes chinois, cubain ou nord-coréen en ne tenant compte que de la variante soviétique. Enfin, une bibliographie notoirement insuffisante due probablement à la loi d'airain des 128 pages. On se consolera en se disant que ce que cet essai perd en étendue il le gagne largement en profondeur et c'est ce qui me semble essentiel.
Lien : http://www.lescrutateur.com/..
Il est des livres qui sont précieux non seulement par leur thème, leurs analyses, leur vision, leur style mais surtout par les hypothèses et les perspectives qu'ils élaborent. le Totalitarisme de Claude Polin en fait partie. Il appartient à la célèbre collection « Que sais-je ? » des Editions PUF qui se donne pour contrainte de vulgariser un sujet (ici le totalitarisme) en 128 pages ce qui oblige l'auteur à la concision, à la clarté et au balayage des différents domaines concernés tout en essayant de ne pas masquer les problèmes irrésolus : Vaste programme qui peut très facilement échouer pour au moins un des critères ! Claude Polin s'en sort à merveille et se permet le luxe d'un exposé agréable et très maîtrisé. Il nous conduit du mot au concept, du concept à la réalité et de la réalité au fondement du concept. Cette approche conceptuelle lui permet avec simplicité et didactisme de façonner et de faire évoluer ce qu'on inclut dans l'expression «régime totalitaire ».
Né dans la pensée de Mussolini à la suite de la première guerre mondiale, le totalitarisme est un despotisme ou une tyrannie particulière reposant sur six piliers : une idéologie, un parti unique dirigé idéalement par un seul homme, une police chargée de la terreur, un monopole des moyens de communication de masse, un monopole de la force armée et une économie centralisée (p.13). S'appuyant sur cette définition de départ, on s'aperçoit très vite que seuls le nazisme et surtout le communisme correspondent à l'ensemble des différents critères. On assiste là à une analyse détaillée mais, somme toute, classique du phénomène dans le sens où elle fait le bilan honnête des connaissances qui nous semblent aujourd'hui indiscutables (n'oublions pas cependant que ce livre fut publié en 1983, à une époque où assimiler communisme et totalitarisme n'allait pas de soi pour une certaine partie de l'intelligentsia française).
Cependant, le véritable intérêt de cet essai repose sur l'hypothèse originale permettant de mieux comprendre l'essence du totalitarisme : même si ce type de despotisme trouve son origine au sommet de l'état et diffuse vers l'ensemble de la société (dimension verticale commune à tous les despotismes), l'originalité du régime totalitaire vient du fait qu'il rencontre et s'accorde avec la volonté des individus en société qui lui donnent sa force, sa stabilité et sa longévité (dimension horizontale). Une société ne peut être totalitaire que si les individus, ou un grand nombre d'entre eux, s'y reconnaissent, y participent et y trouvent un certain intérêt. On peut alors se demander si le totalitarisme ne fait pas partie de la nature de l'homme en société et si chacun ne porte pas en lui une « tentation totalitaire » comme l'a ensuite affirmé Jean-François Revel. Pour moi, ces perspectives me donnent une furieuse envie de lire sérieusement Archipel du goulag de Soljenitsyne et de découvrir l'oeuvre d'Alexandre Zinoviev.
NB : Malgré ses très grandes qualités, on peut reprocher deux choses à ce livre. D'abord, l'absence de références aux communismes chinois, cubain ou nord-coréen en ne tenant compte que de la variante soviétique. Enfin, une bibliographie notoirement insuffisante due probablement à la loi d'airain des 128 pages. On se consolera en se disant que ce que cet essai perd en étendue il le gagne largement en profondeur et c'est ce qui me semble essentiel.
Lien : http://www.lescrutateur.com/..
