Ainsi, la femme est libre avec une telle ville autour d'elle. Devant elle. Ainsi, dans cette coquille, elle peut s'affranchir des jours et des nuits, encore et toujours, à l'infini.
J'ai souvent cherché à comprendre, luttant chaque fois contre la lassitude, essayant coûte que coûte d'aligner encore une phrase, sans elle. Mais rien n'y fait. Sans cette sentinelle, ma main est comme aveugle à ma propre pensée. Alors j'attends. Je lui imagine un décor, au-delà des murs de la chambre, derrière la vitre opaque. Un décor qui justifierait sa solitude et son enfermement. Quelque chose de grand, d'immense, d'ordinaire aussi ; que ce quelque chose d'essentiel soit aussi futile que possible.
J'ai toujours commencé mes histoires par celle d'une femme qui m'observe, derrière une vitre....Que j'imagine un dialogue, que je m'essaie au féminin, la vitre est là, et la femme, en contrepoint. Mon écriture, alors, et seulement, devient possible, adoubée par cette égérie, qui s'essaie à d'improbables cotes.
Elle n'est pas aussi jeune que sa silhouette pouvait le laisser penser. Elle a dû souffrir, elle aussi plus souvent qu'à son tour, pour avoir e regard. Un regard qui ne pèse pas, qui ne juge pas, qui ne plaint pas non plus. Juste un regard qui pardonne.
Elle crie encore lorsqu'elle s'éveille. Elle ressent le choc de son corps contre la terre, tombé de la falaise, l'éclatement brutal de sa chair, de ses dents, de ses os. Le sursaut de son cœur : la douleur qui l'a submergée n'a pas tout à fait disparu. C'est comme une vibration qui l'agite, une pulsation derrière ses paupières, qui fait que la lumière semble cadencée par une sorte de stroboscope. Elle est sur une corde qui vibre.