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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Livre gratuit reçu de la Fondation Orange, à charge pour moi de le chroniquer dans le mois.
Ce n'est sans doute pas un livre que j'aurais spontanément acheté en librairie, mais l'occasion faisant le larron, je me suis intéressée à ce roman (on devait choisir le livre qu'on voulait se voir adresser) car il évoquait un thème qui ne m'est pas familier : la transidentité, et la difficulté pour un être humain de vivre dans un corps avec lequel il ne se sent pas en adéquation.
De plus, il s'agit d'un premier roman écrit par une romancière espagnole Alana S. Portero et je n'ai vraiment pas l'habitude de lire les auteurs étrangers. Donc, cela m'intéressait de connaître à la fois un style d'écriture nouveau, un contexte nouveau (l'Espagne des années 80/90), ainsi qu'un rapport à la langue différent.

D'emblée, j'ai été emportée par cette histoire pas commune (l'histoire de ce garçon qui se sent être une fille et qui se doit de vivre la vie qu'on attend d'un garçon, avec ses codes qu'il refuse) et par cette narration très forte, puissante, et particulièrement crue.

Déroutant est ce parti-pris de l'auteure de faire parler, dès le début du livre, sa narratrice au féminin. Comme pour mieux gommer les frontières possibles entre roman fictionnel et possible vécu autobiographique ? Une narratrice non nommée d'où un moment de doute sur qui parle ? Mais très vite, on se rend compte qu'il s'agit de ce garçon, héroïne du roman, qui fait le choix de nous faire entrer dans son esprit : il voit, il pense, il parle, il réagit, il ressent, il pleure comme la fille qu'il se sent être.

Cette histoire touchante et très douloureuse m'a marquée par l'enfermement affectif, familial, amical, social dans lequel se trouve l'héroïne (oui, très rapidement, on pense à elle comme à une fille et à une femme et non comme à un homme) et dont elle témoigne à travers l'expérience vécue. Et même s'il n'est pas évident de s'identifier, on comprend quel peut être le douloureux ressenti de ces personnes coincées dans deux univers qui, d'une façon ou d'une autre, leur sont hostiles.

J'ai particulièrement été touchée par l'évocation du vécu de ces familles ouvrières ou border line, laissées pour compte, par un pouvoir en place particulièrement réactionnaire. Confrontées à l'isolement, à la misère, à la non prise en compte de leurs besoins les plus élémentaires, elles n'ont souvent comme autres alternatives que celles de tomber dans la délinquance ou dans la drogue.

L'incipit du livre est particulièrement fort, car il débute sur l'évocation d'une scène de suicide et donne à voir la décrépitude dans laquelle sombrent les anges déchus, gangrénés par la drogue, des jeunes générations. le style est âpre. Les images sont particulièrement violentes. D'emblée, on comprend le parti pris de l'auteure d'appeler un chat, un chat. Il sera donc question de drogue, de saleté, de merde et d'urine, de violence, de sexe (consenti ou pas, rémunéré ou pas)... et de la nécessité de vivre avec, dès lors qu'on n'a pas la chance de vivre dans les beaux quartiers !

Très vite, on voit l'héroïne évoluer dans ce milieu interlope, ce mode des ruelles obscures ou ce monde de la nuit, à la recherche de "modèles" auxquels elle/il pourrait s'identifier. A l'évocation de portraits particulièrement truculents (l'anormalité) alterne l'évocation de scènes familiales quotidiennes (la normalité) au sein desquelles l'héroïne est enfermée dans ses non-dits et doit se cacher pour trouver quelques moments de respiration.

On assiste donc au cheminement ambigu de l'héroïne vers son devenir : rentrer dans le rang en continuant à faire semblant d'être un homme ? ou s'assumer en tant que femme et le donner à voir ?

Je ne rentrerai pas trop dans le détail de l'histoire pour ne pas déflorer le sujet. Je pense qu'il appartient à chacun et chacune de s'approprier (ou pas) ce qui est dit et de se faire sa propre opinion du sujet.

Certes, il s'agit d'un thème dérangeant car il donne à voir une réalité à laquelle nous ne sommes guère habitués. Certes, cela se passe en Espagne (les lieux et les habitudes de vie ne sont pas forcément familiers) mais on imagine bien que la même situation peut se rencontrer dans tous les pays du monde.

Pour ma part, je pense avoir vécu la lecture de ce livre comme une vraie claque (tant par son fond que par sa forme). Je pense qu'il s'agit d'un livre qu'il faut avoir lu pour mieux comprendre cette problématique de vie, mais aussi parce que, au plan littéraire, ce premier roman est particulièrement bien écrit : par la force de ses mots, de ses images, de ses évocations, il nous transporte vraiment dans cette réalité qui n'est pas la nôtre.

Merci donc à la Fondation Orange de m'avoir permis cette belle découverte !







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Mille mercis à Babelio et aux éditions Flammarion de m'avoir adressé lors de la dernière masse critique ce fabuleux roman tout en clair-obscur, magnétique, lumineux, grave et tellement bouleversant.
Il s'agit d'un premier roman mais l'écriture est là, nourrie de références, de mots recherchés, de gouaille et de caractère. le livre est découpé en courts chapitres aux titres évocateurs… de véritables tableaux. le lecteur suit la traversée d'une petite fille née dans un corps de garçon au coeur des années 80 dans une Espagne qui se réveille dans une gueule bois politique. Franco est mort, la movida s'installe, la pauvreté est là, l'envie de vivre, de désirer explosent sur les trottoirs de San Blas, cité ouvrière. Entre peur d'exister, quête d'identité et de figures tutélaires, luttes féministes, combats homosexuels, addiction (sexe, drogue, alcool…), masculinité parfois toxique, l'héroïne explore, observe, vacille, chute et se libère sur presque 40 années de vie. Roman d'amour de soi, de la famille (les portraits des deux parents pudiques et du frère vigilant m'ont ému aux larmes), de celle qu'on se créé (Eugénia, Margarita, La Chinchilla…), chaque phrase respire une analyse sociologique, poétique d'être au monde ou d'être soi et interroge sur la folie et la mort qui peuvent nous guetter quand les deux pans de nos existences ne sont pas en accord.
J'ai adoré même si je n'ai pas été épargnée par cet entremêlement constant entre Eros et Thanatos.
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Coincée dans un corps qu'elle ne comprend pas, notre narratrice tente de prendre exemple sur les femmes de son entourage. Coincée dans un quartier de Madrid, elle nous décrit sa vie au milieu de la drogue, des suicides, de la pauvreté et de la violence. Une violence qui s'étend partout, chez tout le monde et surtout envers ceux qui sont différents. Elle nous dresse le portrait de sa mère, véritable madone, de certaines de ses voisines frappées par un mari violeur d'enfants. Elle nous donne à voir les prostituées, les coins où elle peut s'adonner aux caresses et surtout, elle décrit ses sentiments face à ce corps encombrant, trop ou pas assez.

Un texte d'une gravité profonde, d'une moiteur sale mais empreint de moments tendres qui pour un temps laisse de côté la peur et le désespoir. Une écriture vibrante qui prend pourtant son temps face à l'adolescence et l'apprentissage. Un premier roman puissant et poisseux...
Lien : https://topobiblioteca.fr/
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La mauvaise habitude, c'est l'histoire d'une femme enfermée depuis l'enfance dans un corps de garçon. Nous sommes à Madrid dans les années 1980, à San Blas, un quartier populaire où la drogue et la violence font partie du paysage. La mauvaise habitude, c'est une histoire de trans, d'amour, d'abandon et de résilience. Et c'est sublime. Parfois long, souvent terrifiant, mais sublime.
"Elle" apprend à devenir une femme, à se maquiller en cachette dans la salle de bain, et à ne pas regarder son corps qui la dégoûte. "Elle" a l'urgence de se découvrir et la peur d'être découverte. Mais "elle" devient "il" dans la bouche des autres, comme un gros mot. Dans la bouche de tous ceux pour qui elle se cache et ne se travestit que la nuit. Eux ne l'appelle ni "mon chou" ni "ma cocotte".
La mauvaise habitude, c'est celle de pleurer. Trop proche de cette féminité qu'il faut refouler. Pourtant, ce premier roman d'Alana S. Portero est beau dans sa manière d'être un portrait de femmes. de toutes les femmes. Des mères, des amies, des putes et des reines: de toutes ces femmes qui s'aiment et s'entraident. La dernière scène de ce roman est d'une grande beauté. Voilà ses derniers mots:
"Je n'avais pas de nom mais j'existais. J'habitais ma propre légende [...]. J'étais toutes les femmes."
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C'est le premier roman d'une historienne madrilène transgenre qui publie dans de nombreuses revues sur le féminisme et le transgenre.

Nous sommes dans les années 80 à San Blas , quartier populaire et délaissé de Madrid ou grandit une petite fille , prisonnière de son corps de garçon. On va suivre l'évolution de ce personnage au sein d'une société madrilène en pleine mutation après la chute de Franco ou règne la misère dans les quartiers ouvriers.

Ce texte explore la quête d'identité de cette jeune fille trans , initiée et épaulée par de nombreux personnages du quartier qui deviendront une famille de coeur. Malgré toute son obstination , elle restera figée dans son corps masculin malgré quelques échappées nocturnes féminines . On pénètre dans le monde des trans et homosexuels qui font face à la violence, au mépris mais aussi à l'entraide miraculeuse de cette communauté.
Ce récit est bouleversant de noirceur, de lutte féministe, de solitude pour ces femmes incomprises . J'ai particulièrement été émue par le personnage de Margarita, cabossée par la vie, qui tente de garder sa dignité jusqu'à la fin de sa vie dans un dénuement extreme.
C'est aussi une description fine de la société ouvrière de ces années, rejetée et oubliée dans les quartiers de périphérie ou règne la drogue et la prostitution. Mais persiste une belle entraide de quartier , soulignée dans les passages tendres du récit.

Le roman, constitué de courts chapitres titrés , instille une voix tranchée et puissante, aux expressions imagées et poétiques, qui suit les pensées du personnage aussi belles que sinistres et crues.
J'admire ce vibrant hommage à toutes ces femmes !
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Premier roman féroce (mais pas autant que ce qu'elle a vécu), émouvant voire éprouvant... Et pourtant sa voix, lumineuse et vibrante, nous entraîne dans sa quête d'identité pour être enfin, et juste, elle même...une femme trans en Espagne dans les années 80. Période encore hyper conformiste et machiste où les femmes n'ont pas vraiment beaucoup de choix pour s'émanciper de leur milieu populaire : faire le ménage ou le trottoir et pour les trans, il est encore plus réduit. Mais c'est compter sans sa détermination...
C'est fort et ça remue pas mal toute cette souffrance mais aussi cette solidarité, sororité... vues de l'intérieur par les yeux d'une gamine, puis adolescente et enfin adulte.
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L'une de mes meilleures lectures de l'année. Qui parle de nous, des queer, des rejeté.es . Qui sait saisir l'universalité de notre vécu.

Tantôt discriminé.es, tantôt enthousiasmé.es par la jouissance de notre existence. Cette histoire raconte le vécu d'une enfant puis d'une adolescente et bientôt adulte, prise dans les tourments identitaires de qui se sait différente.

Tantôt pédé, tantôt femme, virevoltante et flamboyante la nuit, se dévoilant au détour d'un café du quartier TPG madrilène, tantôt performant une masculinité malhabile lors d'un match de foot.

Ce roman d'une puissance rare réussit à toucher et saisir ce qui est habitué à rester dans la clandestinité. Il défait les masques avec tendresse et nous fait appréhender le quotidien d'une jeune femme trans, dans une Espagne encore empreinte du Franquisme et, toujours, de l'homophobie et de la transphobie.

Une manière de toucher la beauté d'une existence empêchée, violentée, reniée. Mais finalement revendiquée avec une bravoure qui nous émeut aux larmes et nous donne à voir un futur libérateur, même si on le craint semé d'embûches.
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