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Critique de soniamanaa


Avant toute chose, un immense merci à @Bobby_The_Rasta_Lama dont le billet, il y a maintenant fort longtemps, a initié l'envie de cette lecture. Chaïm Potok vient officiellement d'intégrer mon panthéon des auteurs juifs américains aux cotés de Bellow, Malamud ou Singer.
Ce roman, en apparence simple, écrit d'une plume leste et limpide, ouvre pourtant un abîme de réflexions. A l'instar d'un professeur en yeshiva, il nous invite aux commentaires, aux questionnements et aux dissensus quant à la judaïté.
Qu'est-ce qu'être un juif rationaliste ou un juif orthodoxe dans une société laïque et séculière ?
En nous décrivant l'amitié de deux adolescents new-yorkais dans les années 40, l'auteur initie un décryptage minutieux de deux mondes que tout oppose, révélant un schisme décidément inhérent aux religions.
Bien que vivant à quelques rues l'un de l'autre, les vies de Reuven et de Danny expérimentent des réalités opposées voire antagonistes. le premier habite en juif pratiquant un New-York laïc et modéré auprès d'un père aimant, érudit et engagé socialement. Danny est quant à lui le prochain Tzadik d'une communauté hassidique rigoriste. Tzadik signifie en hébreu « homme juste » et « en relation avec Dieu », c'est dire si le poids est lourd pour cet héritier d'une dynastie rabbinique née des pogroms de L'Europe centrale médiévale. Pour lui, point d'évolution hors d'une culture toute entière tournée vers l'étude de la Torah et l'application stricte des innombrables règles prescrites.
Toute lecture profane lui est prohibée. Pourtant, Danny franchit la ligne rouge entre les murs d'une bibliothèque publique en s'abreuvant d'écrits impies. Sa rencontre avec Reuven va redéfinir le paradigme de sa vie.
Précis dans ses commentaires talmudiques, Chaïm Potok ne peut que l'être, lui-même ayant grandi dans une famille de rabbins orthodoxes depuis leur lointaine Pologne.
La violente déstructuration que subit Danny, notamment lorsqu'il découvre et se passionne pour les textes et travaux de Sigmund Freud (mécréant parmi les mécréants) a très probablement tout à voir avec le trajet intime de l'auteur.
Quelle transgression pire que celle d'écrire et de publier de la fiction, qui plus est en rapport avec le hassidisme ?
Au-delà de cet empirique exorcisme hors des carcans d'une doctrine ancrée plusieurs siècles en arrière, les trajectoires de Reuven et Danny offrent une lecture passionnante de la seconde guerre mondiale, de la Shoah et de la création de l'État d'Israël par le prisme des juifs américains.

Je n'oublierai plus Reuven et Danny, qui par delà leur amitié éminemment tendre et profonde, restent in fine dans mon esprits comme les représentants de questions capitales. Quel rôle doit jouer la religion dans la cellule familiale et plus largement dans la citoyenneté ? Comment la transgression peut tout à la fois permettre l'émancipation et l'ostracisme ? Enfin, en regard de la détresse ou de la souffrance individuelle ou collective, quel amour l'emporte ? Celui de Dieu, ou celui des hommes ?
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