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Critique de Enroute


Le Moyen-Age figurait Dieu comme une sphère infinie dont le centre est partout. A l'image des cercles concentriques formés par une pierre jetée dans l'eau, Dieu unit tous les points et toutes les choses du monde depuis ces centres en nombre illimités.

La Renaissance a utilisé cette idée pour donner à l'homme la possibilité de se trouver à l'un de ces centres particuliers et donc de prétendre, en étendant suffisamment son esprit, atteindre à la conscience du divin.

A l'ère baroque, on identifie toujours l'individu à une sphère, mais avec ironie : loin d'atteindre la connaissance du divin, il est plutôt aussi fragile qu'une bulle de savon et menace d'éclater à chaque instant. Puisqu'un souffle peut le déplacer, c'est que le monde n'est qu'illusion et qu'il vaut mieux se laisser porter par le vent que, sous peine de disparaître, s'y opposer.

Pascal reconnaît que la recherche du divin provoque le vertige autant que l'introspection : chercher les limites de la circonférence ou la profondeur du point est aussi illusoire. L'homme ne peut se connaître lui-même, il est une sphère transparente et vide à l'intérieur de laquelle son être est méconnaissable et en dehors de laquelle le monde l'est tout autant. La seule solution se trouve dans la connaissance de ce qui lui est accessible, la connaissance de la divinité humanisée, c'est-à-dire Jésus-Christ.

Au XVIIIème siècle, la science de Newton, de Gilbert (les ondes magnétiques) et de Huygens (le modèle ondulatoire de la lumière) donnent l'impression que l'homme domine le monde en en comprenant les principes : on retrouve la perfection esthétique de la forme circulaire qui organise le monde, mais on lui préfère encore plus l'image de la toile d'araignée. Celle-ci cumule la concentricité des circonférences et les perspectives des rayons. Toutes les choses du monde sont liées pense-t-on de nouveau, cette fois, non par Dieu, mais par les mécanismes du monde. Cette idée déplaît à Rousseau qui pense qu'il faut limiter le nombre de ses rayons, car à lancer trop de liens, on finit par être trop sollicité, à se disperser. Un problème subsiste : si le soleil est le centre du système solaire et que le système solaire n'est pas le centre de l'univers : où celui-ci se trouve-t-il ? Seul Kant propose une solution.

Le romantisme va plus loin que Rousseau : il faut couper tous les liens et favoriser l'introspection seule. Un grain de sable est un monde, l'individu est un univers. Dans sa bulle, le romantique cherche les vérités éternelles, telles que l'Eternité, le sens du présent, le divin et l'infini.

Ainsi chez Goethe, la sphère de son monde a beau être grande, elle est finie et le sens s'enroule autour de son axe centrale comme se répartissent les branches d'une plante autour de sa tige. Lamartine, Balzac, Vigny, Nerval, Poe, Flaubert, Claudel, Baudelaire, Mallarmé, James, Rilke, Eliot, Grillèn déclinent chacun leur conception du monde et de la connaissance en reprenant les limites et perspectives de l'image du cercle.

Un essai très étonnant et très instructif sur l'utilisation d'une figure géométrique dans la constitution de la pensée du transcendantal.
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