Citations sur Ma ZAD (33)
52 arrestations. Dont Bibi. [...]
[ interrogatoire ]
- Quels sont vos rapports avec tous ces contrevenants ?
- Contrevenants ?
- Ouais. Les chevelus qui campaient sur le site [ZAD] et qui se chauffaient au cocktail Molotov.
- Je les approvisionnais en produits agricoles frais. Il faut au moins manger cinq fruits ou légumes par jour.
- Sans blague.
- Sans déc'.
- Gratos ?
- Un coup sur deux. Ça dépendait.
- Ça dépendait de quoi ?
- Si je les avais eus gratuits ou non.
- C'est-à-dire si vous les aviez volés sur votre lieu de travail ?
- Vous avez des preuves ?
[...]
En tant que 'responsable produits frais', j'avais des contacts avec toutes les épiceries solidaires de la région, et tous ces petits agriculteurs, poussant comme des champignons à l'automne, qui cultivaient naturel, bio, perso, les reins en compote, en désamour avec les pesticides et les engrais chimiques, attention, hein, pas des fondus qui, le matin, parlaient aux légumes pour qu'ils poussent mieux, ou leur chantaient du Bob Dylan pour les faire rougir, non, mais des types qui se souvenaient tout simplement des méthodes de pépé et mémé.
(p. 15-16)
L'Histoire donne mal au cœur. Éternel recommencement, elle n'est faite que de tournants et de poubelles.
Elle voulait jouer, alors en avant.
- 666 ?
- Le nombre de la Bête... elle a répondu illico. Et le 14 ?
- Je ne sais pas. 2 fois 7 ?
- Mais non, réfléchis, 14 c'est le nombre de jours dans une quinzaine. Etonnant, non ? D'ailleurs, dans plein de pays anglo-saxons, ça désigne le treizième étage, histoire de superstition... sauf en Italie où c'est le dix-septième étage qui n'existe pas. Parce que c'est l'anagramme, en latin, de VIXI, j'ai vécu, [donc] je suis mort.
(p. 80)
Ce que l'Etat ne voulait pas comprendre c'est qu'on avait, ici, pris goût à la lutte et au bonheur d'être ensemble, au bonheur de faire ensemble. C'était plié que les zadistes d'ici allaient se déplacer ailleurs. Un certain sens de l'Histoire. p. 117
- [...] Vous savez pertinemment que vous avez côtoyé des activistes, notamment, d'après nos renseignements, des terroristes du Black Bloc.
- Du quoi ?
- Allez, faites le con, en plus...
Pour une fois, il avait raison. Je faisais le con. L'ambiance avait vraiment changé, sur le site, quand tous ces mecs avaient déboulé. Une quarantaine, venus d'ailleurs, mystérieux, habillés de noir et de tee-shirts 'Metallica'. Mais très sympas, même s'ils nous prenaient un peu pour des Bisounours. On était passé, d'un coup d'un seul, de la manif neuneu, avec les enfants dans les poussettes et des chants à la Maxime Le Forestier, à une brigade de résistance à la Maurice Druon (c'est une blague). Hérissée et dangereuse. Levez-vous, saboteurs ! Ces types, qui n'avaient peur de rien, que certains d'entre nous présentaient comme des anarchistes, étaient pourtant très organisés, compétents, et surtout pas pique-assiette. Ils étaient autonomes et globalement respectueux. Une petite armée de l'ombre.
(p. 16-17)
Le type de la Région nous prévint également qu'il y aurait un raout quasi officiel pour annoncer l'événement et informer la population que, ce coup-ci ça ne rigolerait plus, que tout serait fait pour que l'opération réussisse et que ce ne serait pas une petite horde de chevelus anarchisants qui empêcherait un la réussite industrielle de la Région, deux la création de centaines d'emplois, et trois le respect démocratique des décisions prises par une majorité de citoyens...
J'avais de la cancoillotte plein le bulbe. p170
En tout cas, je repartais vers le Nord, vers mes terres, avec une sale sensation. L'impression d'avoir un truc à faire qui me débectait à l'avance. Comme le nettoyage de l'intérieur d'une hotte aspirante, quand il faut éliminer toute une masse indéfinie et gluante empêchant le bon fonctionnement des choses. Comme si j'avais besoin d'un kärcher, comme disait l'autre.
" Où il est, ce putain de tire-bouchon ? hurlait incessamment mon père. -A Baden-Baden !" rigolait, à chaque fois, ma mère qui n'avait pas oublié l'angoisse des évènements de Mai.
La plupart des gens croient que le bonheur est dans l’entassement alors que, de temps en temps, faire le vide, c’est approcher l’essentiel, le concept.