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Critique de Merik


Merik
25 septembre 2021
Si Théo embarque d'emblée son fils Robin pour une semaine dans la nature en lieu et place de l'école, il l'embarque plus souvent dans l'imaginaire astronomique et les exoplanètes que son travail d'astrobiologiste l'amène à inventer. Théo Byrne est créateur de mondes où la vie est possible, de planètes « où le vivant vivait dans le panache atomisé des geysers ». Un astrobiologiste libéré des préjugés « à la manière d'un enfant, comme si notre exemple unique prouvait que les possibilités étaient infinies ».
Stase qui ressemblait tant à la Terre, Pélagos aux légions de créatures sous-marines ou Falacha l'orpheline sans soleil, les exoplanètes dont Théo se sert sont probablement issues du « guide Byrne des extraterrestres » qu'il a construit peu à peu. Elles lui permettent en tout cas de nourrir la curiosité insatiable de son fils hypersensible, aux troubles sans diagnostics fiables et aux mains capables de s'embrouiller contre son seul véritable ami. Elles lui permettent aussi d'enrichir le lien avec ce fils habité de supers pouvoirs, au nom d'oiseau « dont il suffisait de dire le nom pour que la vie soit plus belle », né « grâce au 1,5% de taux d'échec » du « contraceptif habituel ». Un fils de 9 ans aujourd'hui, perçu comme un miracle par le père quand « toute la chance du monde » s'est écroulée : depuis la disparition de la mère Aly, Robin est au centre de l'attention de Théo.
Leur relation vibre de tendresse, de poésie et de créativité malgré leur désarroi, elle se réinvente sans cesse dans les abysses de l'univers ou les mystères de la nature. Les deux semblent se retrancher derrière la science et ses étoiles comme un bouclier pour leur coeur palpitant et blessé, dans une quête de vie au sein de la Voie lactée insondable tout autant que « l'univers de poche » de Robbie, similaire aussi au vide abyssal laissé par Aly.
En habitué des romans aux contours scientifiques (on pense au père féru de mécanique quantique dans « Le temps où nous chantions », ou à la botanique de « L'Arbre-Monde »), Richard Powers rend la science omniprésente ici. Teintée de simple curiosité de chercheur chez Théo, elle est aussi objet littéraire empreinte de poésie quand le père dessine des planètes au fils, accessible pour le lecteur même si parfois érudite. Une science qui interroge aussi l'état de notre planète, avec la disparition des espèces dont Robin se fera le défenseur en digne héritier de sa mère, et qui représente Théo et Robin « perdus dans un monde qui devenait autre chose à une vitesse accélérée ». Elle apparaitra aussi sous une forme neurobiologique quand il s'agira pour Robin d'expérimenter les techniques du neurofeedback, porteuse avec l'IA de transcendance vers l'au-delà. Une science qui au final sert de liant pour les membres de la famille Byrne.

Voilà un roman qui dénonce le désastre planétaire et relie infiniment petit et infiniment grand dans un vertige cosmique, les pieds ancrés magistralement dans la relation émouvante entre un père et son fils, avec un dénouement tel une sidération ultime pour le lecteur. Ce dernier n'étant pas seulement témoin de leur histoire, le ton du récit déroulé par Théo lui faisant ressentir leur cocon de tendresse et de complicité poétique dès les premières instants. On ne saura peut-être pas si d'autres formes de vie existent dans la Voie lactée, mais les vies terrestres de Théo et Robbie nous permettront de comprendre qu'ici, c'est bel et bien le coeur qui est au centre de l'univers.

« Les oiseaux passèrent au-dessus de nous. Robbie, immobile, les regarda s'éloigner à tire-d'aile jusqu'à n'être plus rien. Il semblait effrayé, minuscule, étonné de se retrouver ici, à la bordure des bois, de l'eau et du ciel. Enfin ses doigts relâchèrent leur emprise sur mon poignet. Comment on pourrait reconnaître des extraterrestres ? On connaît même pas les oiseaux. »
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