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sur 1220 notes
J'ai terminé ce livre les larmes aux yeux et la sensibilité à fleur de peau. Sidérée je suis. de multiples sidérations d'ailleurs me laissent comme hébétée : la magnifique relation père-fils, la façon d'aborder l'autisme, la construction du livre, son érudition scientifique, son cri écologique, son côté visionnaire, son parallèle avec le troublant « Des fleurs pour Algernon » de David Keyes. Ce livre est brillant et si, au départ, les allusions scientifiques peuvent nous tenir à distance, moi en tout cas, nous plongeons peu à peu dans ce bluffant ascenseur émotionnel.

Oui le terme d'ascenseur, ascenseur vertigineux, me vient à l'esprit car « Sidérations » nous montre que nous sommes tout petits dans cet univers gigantesque, que nous sommes là miraculeusement, et pourtant nous arrivons à la détruire, notre planète. Il montre que l'univers est un être vivant et le cerveau un univers condensé, l'infiniment grand et l'infiniment petit se télescopant et s'entrelaçant dans une danse cosmique pleine de grâce, de simplicité, de complicité entre Théo et Robin, entre ce père astrobiologiste qui a perdu récemment sa femme et son fils de 9 ans, hypersensible. Cette danse, parfois transe, tourne autour de questions existentielles : qu'est-ce qui est plus grand et plus important, l'espace du dedans ou l'espace du dehors ? Autrement dit que ce nous ressentons intimement, notre bien-être ou le devenir de la planète, voire la découverte de vie sur d'autres planètes ? le dehors ne conditionne-t-il pas notre dedans ? Ou devons-nous faire barrière pour ne pas être atteint et se protéger ? Comment ?

Théo Byrne est astrobiologiste, il cherche des traces de vie dans l'univers et créé des mondes où la vie est possible. Il embarque régulièrement le petit Robin dans l'imaginaire astronomique et les exoplanètes répertoriées dans son guide, dénommé par ses collègues le «guide Byrne des extraterrestres » qu'il a peu à peu élaboré. Ces voyages virtuels, dans lesquels nous embarquons également, sont de toute beauté et nous dévoile des formes de vie surprenantes : « Un soir de la mi-août, il demanda une planète avant de se coucher. Je lui offris Chromat. Elle avait neuf lunes et deux soleils, l'un petit et rouge, l'autre grand et bleu. Ce qui produisait trois types de jour de longueur différente, quatre types d'aube et de couchant, des dizaines d'éclipses possibles, et d'innombrables saveurs de crépuscule et de nuit. La poussière dans l'atmosphère transformait les deux types de lumière solaire en aquarelles tourbillonnantes. Les langues de ce monde avaient pas moins de deux cents mots pour désigner la tristesse et trois cents pour la joie, selon la latitude et l'hémisphère».

Ces voyages permettent d'assouvir la curiosité insatiable et la soif inextinguible de connaissances de son fils hypersensible, aux troubles autistiques sans diagnostics précis. Ils permettent d'oublier un moment ce que les hommes font de la Terre, d'aller voir ailleurs, de se protéger et de faire bouclier. Ils permettent enfin de créer un lien fort entre eux, une complicité de toute beauté, une relation vibrante emplie de poésie, de tendresse, de respect.
La maman de Robin, Alyssa, décédée quelques mois auparavant dans un accident de voiture, était une activiste écologique. Elle se battait notamment sans relâche contre la souffrance animale et la disparition de certaines espèces.
Robin semble avoir eu en héritage la révolte maternelle et la curiosité scientifique paternelle, et leur intelligence respective, intelligence naturaliste, intelligence visuelle et spatiale, intelligence logique. Un gamin hors norme qui nous fait fondre de ses remarques, de ses cris, de ses révoltes, de son empathie.

Qui nous fait fondre de son évolution aussi. Car « Sidérations » est l'histoire d'une évolution, de la prise en charge des difficultés de Robin non par un traitement médicamenteux chimique mais par une machine basée sur la technique du neurofeedback, une technique d'intelligence artificielle permettant de mieux décrypter le cerveau, de la cartographier, de canaliser les émotions. Qui permet de soigner une émotion en se calant sur celle d'une autre personne. Nous passons souvent de scènes cosmiques à celles de l'exploration du cerveau, transitions vertigineuses. Robin arrive peu à peu à canaliser ses émotions grâce à cette technique, à l'image de la souris Algernon qui devenait de plus en plus intelligente après une opération au cerveau. le parallèle est évident, d'ailleurs Théo au début du livre raconte à son fils cette histoire. Je vous laisse le soin de découvrir si le destin de Robin sera tout aussi funeste que celui de la souris.

« Papa ? Si tu partais en mer ou à la guerre… si quelque chose t'arrivait ? Si tu devais mourir ? Je resterais immobile, je penserais à ta façon de bouger les mains en marchant, et tu serais encore là ».

J'ai aimé Robin, attendrie, étonnée par ces questions, ces remarques. Un garçon perturbé, « blessé de voir ce que ne voyait pas ce monde somnambule ». Sa façon de savoir prendre son temps, d'être dans le Maintenant, contraignant son père par la même occasion à le prendre également ce temps, quitte même à ne pas respecter les règles du jeu de la vie professionnelle, m'a fait du bien. Cet enfant nous rappelle combien nous courons, sans même nous rendre compte des beautés environnantes, en perdant le sens de toute chose.

« Il voulut aller à pied au labo. C'était à six kilomètres de la maison – deux heures de marche dans chaque sens. Ça ne m'enchantait pas de consacrer une demi-journée à cette expédition, mais c'était le seul cadeau d'anniversaire qu'il désirait. Les érables flamboyaient, orange sur fond de ciel bleu intense. Robbie prit le plus petit de ses carnets. Il le tenait au creux de son bras, et y griffonnait en marchant. Les choses les plus banales ralentissaient son pas. Une fourmilière. Un écureuil gris. Une feuille de chêne sur le trottoir, aux nervures rouges comme de la réglisse ».

Richard Powers dénonce scientifiquement, ce qui pourrait paraitre froid. Il a l'intelligence de le faire par l'intermédiaire de ce couple étonnant. Cette dénonciation devient sublime et bouleversante. Elle est un cri. Un cri pour le désastre planétaire dont nous sommes la cause tout en restant aveugles, un cri pour l'exploration spatiale souvent entravée par la vision de court terme, les échéances électorales et la peur religieuse. Un cri pour l'éducation de nos enfants qui doit respecter leurs différences. Un cri pour la connexion au monde vivant. Comme si la sidération seule, vue cette fois ci comme un aveuglement, nous protégeait d'une guerre civile.

« Un jour nous réapprendrons à nous connecter à ce monde vivant, et l'immobilité sera comme un envol ».

Enfin « Sidérations » c'est La sidération, l'ultime, celle du miracle de la vie. Sans doute cette prise de conscience là permet de tout relativiser et de se battre avant de pouvoir dire :
« Oh, elle était bien, cette planète. Et nous aussi, on était bien, bien comme la brûlure du soleil, la piqûre de la pluie, l'odeur du sol vivant, le chant universel des formes infinies, paraphant l'air d'un monde changeant qui, d'après tous les calculs, n'aurait jamais dû exister ».

De toute façon comme le dit Robin : « T'inquiète pas, papa. Nous, on trouvera peut-être pas la solution. Mais la Terre, si ». J'ai envie de l'enlacer ce petit être. D'enlacer chaque être, comme si nos corps pouvaient maintenir à flot notre frêle esquif dans une mer immense. Et un livre qui me donne une telle envie de vie ne peut être qu'un livre magnifique !
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Depuis le décès de sa femme dans un accident de voiture, Theo Byrne, astrobiologiste, élève seul son fils de neuf ans, Robin. Ce dernier est sujet à des troubles du comportement assez préoccupants sur lesquels les spécialistes ont du mal à coller un nom définitif, allant de TOC à Asperger. Ne voulant pas que l'on administre un traitement à base de psychotropes à son fils, le scientifique se tourne vers une thérapie alternative, le « neurofeedback ». Même si celle-ci est encore au stade expérimental, les résultats dépassent vite toutes les espérances, mais… car il y a forcément un mais !

« Sidérations » est un roman foncièrement humain, axé autour de la relation émouvante et quasi fusionnelle entre un père et son fils et proposant de surcroît des personnages aussi profonds que touchants. Il y a tout d'abord le petit Robin, inspiré de Greta Thunberg, qui met toute son énergie au service de la préservation de l'environnement et qui peine à comprendre cette société gouvernée par le profit et la croissance. Il y a ensuite son père, créateur d'exoplanètes et recherchant toute forme de vie à travers l'espace, qui stimule la curiosité insatiable de son fils et l'invite régulièrement à s'évader de sa planète en voie d'extinction pour aller se réfugier sur celles qu'il invente. Puis, finalement, il y a le vide abyssal laissé par cette mère décédée, mais particulièrement présente tout au long du récit…

En marge de cette relation père-fils particulièrement touchante, Richard Powers invite à réfléchir sur le sort désastreux de notre planète. du dérèglement climatique aux catastrophes sanitaires, en passant par l'extinction rapide de nombreuses espèces et une gouvernance écologique catastrophique, l'auteur aborde des thématiques on ne peut plus actuelles et dresse un bilan qui laisse malheureusement entrevoir le pire pour les prochaines générations.

« Sidérations » est surtout un récit intelligent, qui mêle astrologie et neurologie afin d'embarquer le lecteur au coeur d'un univers si vaste et si riche, qu'il en ressort conscient de son insignifiance à l'échelle de l'univers. Chaque voyage sur les planètes imaginées par Théo, fait brillamment écho aux troubles qui animent ce quotidien difficile qu'il partage avec son fils, offrant non seulement un moment de repos, mais également un moment de poésie, d'érudition, de réflexion et de beauté.

Un récit qui vous emmène sur de nombreuses autres planètes, foisonnantes d'imagination, pour finalement vous inviter à regarder autour de vous, afin d'admirer la beauté et la diversité de la nature qui nous entoure…profitons-en tant qu'elle est encore là et mettons tout en oeuvre pour la préserver.
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Chose que je ne fais que très rarement , j'ai voulu " fourrer " mon nez dans vos critiques , chers amis et amies et j'ai lu celle de Chrystéle et là , je me suis dit que j'allais être très ennuyé pour rédiger la mienne . Elle est , pour moi , tout simplement géniale et sublime . En toute sincérité, je ne peux que vous la recommander . Ça m'apprendra à vouloir " savoir " avant de rédiger mon propre avis . C'est la seule que j'ai lue par anticipation , je ne parlerai donc pas des autres que je lirai avec avidité, comme toujours , APRES ma rédaction. En toutes circonstances , il faut oser parler , donner son avis avant de connaître celui des autres . J'ai dérogé à la règle, je l'avoue , je m'en excuse et je ne recommencerai plus . Promis . En tout cas , Chrystéle , un seul mot , " Bravo".
Bon , vous allez me dire " ça y est , il a fini , ouf , on va éviter ses " délires " , on va presque avoir l'impression d'être en vacances " . Et bien , non .
Non car ce roman n'est vraiment pas anodin . du reste , comment le qualifier ? Bien difficile , je ne m'y hasarderai pas . Ce qui est certain , c'est qu'en tournant la dernière page , on a les larmes aux yeux mais surtout , une fois le vingtième ( ou plus , ou moins selon affinités ) Kleenex plus tard , on se pose vraiment mais vraiment beaucoup de questions quant au devenir de l'Humanité. Pour nous , pour nos enfants , pour....Discours et refrains connus ...Difficile d'accepter le " Aprés moi le Déluge " qui anime les " puissants " ....et les autres .Nous .
Pour nous interpeller , de nombreuses pages " se tournent " vers la science et j'avoue que , sans être infondées , et bien qu'étant en parfaite cohésion avec le thème et le récit , elles m'ont parfois lassé MAIS , je n'ai rien " laissé en route " . C'est dire qu'elles ne devraient absolument pas perturber une grande majorité de lectrices et lecteurs .
Par contre , quelle formidable relation entre un père et son fils , une relation alternant périodes de découragement et périodes de doute pour se terminer par......La présence obsédante d'une épouse et mère disparue , avec le bébé qu'elle portait , dans un terrible accident de voiture . Un père démuni mais " combattant " de première ligne pour un enfant au caractère complexe et " changeant " , atteint de troubles du comportement que les plus éminents médecins ne sauront pas nommer . Je n'en dirai pas plus mais ce " fil rouge " , cette relation entre ces personnages occupent encore mon esprit et risquent de rester bien présents encore longtemps .
J'ai eu , dés le début de ma lecture , l'impression de replonger dans la lecture d'un roman qui m'avait beaucoup marqué voici " quelques " années , le somptueux " arbre de Noël " de M Bataille ( 1967), si ma mémoire ne me fait pas défaut.
Je n'ajouterai rien de plus aujourd'hui , si ce n'est que ce roman a recueilli l'adhésion de bon nombre d'entre nous et c'est tout sauf une surprise . Lorsque l'unanimité se " fait ainsi " c'est que le contenu est de qualité et , encore mieux , que " tout n'est peut - être pas perdu ". Mais ça , c'est une autre " Histoire ".
Si vous ne l'avez pas fait , allez faire un tour " du côté de chez... Swann " , heu , mince , non , chez "Hordeducontrevent" ...Si sa critique figurait au " Guide vert " , elle aurait 3 étoiles et la mention " mérite le détour " .....
Moi , je cours lire les autres et je m'en régale déjà....A bientôt.
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J'ai découvert que Richard Powers avait publié un nouveau livre grâce à la magnifique critique de Chrystèle. Richard Powers est un écrivain hors normes qui mêle dans ses livres, science et émotion de manière magistrale. C'est un magicien qui parvient à nous partager des notions scientifiques que nous ne comprenons pas forcément de façon rationnelle, mais auxquelles nous parvenons à nous confronter et à intégrer par l'émotion qui y est attachée.
Dans ce nouveau livre, il nous raconte quelques mois de la vie de Théo et de son fils Robin : Robin, prénommé ainsi, car le rouge-gorge était l'oiseau préféré de sa maman. Était au passé, car Alyssa est « non pas décédée, mais morte » quelques années plus tôt dans un accident de voiture. Elle était militante écologiste.
Robin est hypersensible, différent, son père « n'a jamais cru aux diagnostics posés sur son fils. Quand une pathologie se voit attribuer trois noms différents en autant de décennies, quand elle exige deux sous-catégories pour rendre compte de symptômes absolument contradictoires, quand en l'espace d'une génération elle passe de l'inexistence au statut de maladie infantile la plus diagnostiquée du pays, quand deux médecins veulent à eux seuls prescrire trois traitements différents, c'est qu'il y a un problème. »
Théo est astrobiologiste : il recherche la vie sur les planètes lointaines. Il modélise des scénarios de développement de vie et attend le Guetteur, super télescope dont le déploiement permettrait de recueillir des données qui pourraient corroborer l'existence des mondes qu'il a créés, formes de vie à chaque fois plus étranges, plus différentes de celles connues. En attendant, il les a consignés dans le guide Byrne et offre à son fils de les parcourir ensemble. Ce sont les histoires du soir qu'ils partagent tous les deux, explorations de mondes surprenants, qui remettent en cause nos manières de penser.
Théo, contraint par une société très normative et policée, pour ne pas donner de traitements chimiques à son fils, son « triste et singulier garçon » va le faire participer à une thérapie expérimentale : grâce à une cartographie des différentes émotions dans le cerveau, le sujet de l'expérimentation apprend à contrôler ses émotions en tentant de faire coïncider les images de son cerveau avec celles d'émotions positives. Ce traitement va donner des résultats probants et Robin va développer son empathie envers le monde. Non sans en souffrir, car le monde est dans un triste état.
Fidèle en cela à ce qu'était sa mère, Robin va de ses faibles moyens se battre contre la disparition des espèces, le désastre écologique en cours. le monde tel qu'il est décrit dans ce livre n'est hélas pas très différent du notre et l'auteur se livre à une critique féroce de la société américaine, où même la théorie de l'évolution est remise en cause (on peut y visiter « le musée de la création divine et de l'Arche de Noé »), où le président a tous les droits et même celui d'abattre des milliers d'hectares d'arbres en représailles parce qu'il les juge responsables d'incendies, où tout un chacun est fiché et peut être arrêté s'il dit ce qu'il ne faut pas, où la science est coupable de couter trop cher et sacrifiée. Et des milliers d'espèces ont déjà disparu ou vont disparaitre prochainement. Cette vision fait froid dans le dos.
Mais ce roman, en dépit de cet avenir sombre qu'il brosse, est resté pour moi lumineux, illuminé par l'amour, l'amour incroyable que se portent ces deux êtres, ce père et ce fils. Ce père qui doute de lui, qui a peur de faire des erreurs et qui en commet sans doute, ce père resté seul à élever ce fils différent, m'a profondément émue. Il a aimé sa femme comme un fou, il aime son fils également, et lui crée un environnement magique, partageant avec lui de multiples mondes, ne refusant jamais de lui parler, découvrant la nature avec lui, le laissant vivre ses expériences. Leurs échanges sont si beaux, parfois drôles, souvent émouvants. Et Robin, cet être différent, qui à la faveur de ce traitement miraculeux, va devenir si sage, vivant dans l'instant, observateur impénitent du monde qui l'entoure, sensible à la beauté des choses. J'ai eu envie de le protéger, ce petit prince magnifique.

Et j'ai fini ce roman les larmes aux yeux, bouleversée, sidérée.
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Si Théo embarque d'emblée son fils Robin pour une semaine dans la nature en lieu et place de l'école, il l'embarque plus souvent dans l'imaginaire astronomique et les exoplanètes que son travail d'astrobiologiste l'amène à inventer. Théo Byrne est créateur de mondes où la vie est possible, de planètes « où le vivant vivait dans le panache atomisé des geysers ». Un astrobiologiste libéré des préjugés « à la manière d'un enfant, comme si notre exemple unique prouvait que les possibilités étaient infinies ».
Stase qui ressemblait tant à la Terre, Pélagos aux légions de créatures sous-marines ou Falacha l'orpheline sans soleil, les exoplanètes dont Théo se sert sont probablement issues du « guide Byrne des extraterrestres » qu'il a construit peu à peu. Elles lui permettent en tout cas de nourrir la curiosité insatiable de son fils hypersensible, aux troubles sans diagnostics fiables et aux mains capables de s'embrouiller contre son seul véritable ami. Elles lui permettent aussi d'enrichir le lien avec ce fils habité de supers pouvoirs, au nom d'oiseau « dont il suffisait de dire le nom pour que la vie soit plus belle », né « grâce au 1,5% de taux d'échec » du « contraceptif habituel ». Un fils de 9 ans aujourd'hui, perçu comme un miracle par le père quand « toute la chance du monde » s'est écroulée : depuis la disparition de la mère Aly, Robin est au centre de l'attention de Théo.
Leur relation vibre de tendresse, de poésie et de créativité malgré leur désarroi, elle se réinvente sans cesse dans les abysses de l'univers ou les mystères de la nature. Les deux semblent se retrancher derrière la science et ses étoiles comme un bouclier pour leur coeur palpitant et blessé, dans une quête de vie au sein de la Voie lactée insondable tout autant que « l'univers de poche » de Robbie, similaire aussi au vide abyssal laissé par Aly.
En habitué des romans aux contours scientifiques (on pense au père féru de mécanique quantique dans « Le temps où nous chantions », ou à la botanique de « L'Arbre-Monde »), Richard Powers rend la science omniprésente ici. Teintée de simple curiosité de chercheur chez Théo, elle est aussi objet littéraire empreinte de poésie quand le père dessine des planètes au fils, accessible pour le lecteur même si parfois érudite. Une science qui interroge aussi l'état de notre planète, avec la disparition des espèces dont Robin se fera le défenseur en digne héritier de sa mère, et qui représente Théo et Robin « perdus dans un monde qui devenait autre chose à une vitesse accélérée ». Elle apparaitra aussi sous une forme neurobiologique quand il s'agira pour Robin d'expérimenter les techniques du neurofeedback, porteuse avec l'IA de transcendance vers l'au-delà. Une science qui au final sert de liant pour les membres de la famille Byrne.

Voilà un roman qui dénonce le désastre planétaire et relie infiniment petit et infiniment grand dans un vertige cosmique, les pieds ancrés magistralement dans la relation émouvante entre un père et son fils, avec un dénouement tel une sidération ultime pour le lecteur. Ce dernier n'étant pas seulement témoin de leur histoire, le ton du récit déroulé par Théo lui faisant ressentir leur cocon de tendresse et de complicité poétique dès les premières instants. On ne saura peut-être pas si d'autres formes de vie existent dans la Voie lactée, mais les vies terrestres de Théo et Robbie nous permettront de comprendre qu'ici, c'est bel et bien le coeur qui est au centre de l'univers.

« Les oiseaux passèrent au-dessus de nous. Robbie, immobile, les regarda s'éloigner à tire-d'aile jusqu'à n'être plus rien. Il semblait effrayé, minuscule, étonné de se retrouver ici, à la bordure des bois, de l'eau et du ciel. Enfin ses doigts relâchèrent leur emprise sur mon poignet. Comment on pourrait reconnaître des extraterrestres ? On connaît même pas les oiseaux. »
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L'immense auteur américain Richard Powers vient de publier chez Actes Sud son nouveau chef d'oeuvre intitulé "Sidérations." Après "L'arbre-monde", récompensé du prix Pulitzer en 2019, Richard Powers continue son exploration du monde et c'est, cette fois-ci, vers les étoiles et l'espace que se tourne, le regard pleins d'acuité de l'auteur. "Sidérations" est, tout d'abord, une tragédie humaine , une porte d'entrée sur la souffrance de deux êtres, un père Theo Byrne, un astro-biologiste élevant seul son fils Robin qui a neuf ans. Robin est en souffrance, son comportement à l'école où les épisodes de colère, dû aux moqueries de ces camarades, succèdent aux moments de dépression. Robin a perdu sa maman. Theo et Robin sont passionnés par la nature, les êtres vivant qui la composent mais aussi l'univers entier avec cette question ô combien existentielle et longuement débattue de savoir s'il y a de la vie ailleurs dans L Univers. C'est là, la dimension métaphysique de ce roman. Dans cette Amérique du chaos qui n'est pas sans rappeler celle d'un certain Donald Trump, des lois liberticides sont votées et la science attaquée de toutes parts. Une toile de fond angoissante, celui d'un monde qui s'enferme sur lui-même, où les catastrophes naturelles, les maladies s'enchaînent. La mère de Robin était une grande protectrice de la nature qui avait, à de nombreuses reprises parlée devant le congrès américain afin de mettre en garde sur l'effondrement d'une nature épuisée par l'exploitation de l'homme au seul profit de l'argent. Père et fils, face aux injustices, vont se recréer un monde, un infini, un champs des possibles à eux. Theo refuse les psychotropes que l'on veut prescrire à son fils. Un ami neurologue, lui propose un jour une thérapie expérimentale utilisant l'intelligence artificielle pour rééduquer le psychisme de Robin. Au bout de quelques séances, les résultats sont stupéfiants. Mais tout cela a un prix.. "Sidérations" est un roman sur l'acceptation de la différence, sur la nécessaire sauvegarde de la nature, de la biodiversité. Ce duo père-fils est un sommet d'émotion d'une grande justesse. L'amour d'un père pour son fils. Un père prêt à tout pour offrir une vie plus paisible à Robin. Un roman sur le deuil, celui d'une épouse et d'une maman. On est profondément ému par ce roman qui laissera une trace pendant longtemps dans l'esprit et le coeur de ses lecteurs. L'écriture est sublime, l'émotion au rendez-vous, l'histoire plus accessible que son précédent roman que j'ai pourtant adoré. Si vous aimez Richard Powers, vous allez vous régaler.



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« Et à propos, tu sais que les bousiers s'orientent d'après une carte mentale de la Voir lactée ? »
Il me regarda bouche bée. Ce détail paraissait trop bizarre pour être inventé. Il sortit son calepin et prit note de vérifier mes dires quand on serait rentrés. (p.65)
Voici un petit moment magique de Sidérations.
Richard Powers est un excellent conteur, amoureux de la nature, ses descriptions de la faune et de la flore sont superbes, en particulier lors de la première randonnée dans les Smoky Mountains de Théo avec son fils.
L'auteur semble s'être largement inspiré de la vie de Greta Thunberg pour Robin, le héros de Sidérations ; il lui fait d'ailleurs allusion à plusieurs reprises en la rebaptisant Inga Alder. Robin, dit Robbie, un petit garçon de 9 ans, va se révéler en défenseur de la planète, et militant de la cause des espèces menacées et du bien-être animal.
On ressent immédiatement de l'empathie pour son père, Théo, astrobiologiste, gérant du mieux qu'il peut le quotidien avec son fils « inadapté » qui souffre de troubles autistiques ou du comportement. Théo va chercher à apaiser Robbie en lui faisant découvrir les merveilles de la nature, des étoiles, et en l'emmenant avec lui sur des planètes imaginaires pour des voyages fantasmagoriques.
Théo va éloigner son fils des médecins, et de l'école qui ne cessent de vouloir calmer les terribles colères de Robbie à grands renforts de psychotropes, car Robbie est un petit oiseau chétif, gravement blessé par la mort de sa mère, et nous suivons ses pas vers une possible rédemption à l'aide d'un traitement prometteur, le neurofeedback …
À partir de l'introduction du neurofeedback dans le récit, mon enthousiasme est un peu retombé. Il me semble que Richard Powers s'est lancé dans trop de sujets et d'idées à la fois, ce qui complique la compréhension de son message. Quelques incohérences viennent également troubler le récit, ce qui a généré quelques réserves dans mon appréciation finale ...

J'ai trouvé également difficile d'ancrer ce livre dans la réalité, l'auteur brouille les pistes sur l'époque, comme s'il y avait une volonté de dénoncer mais aussi une crainte d'aller complètement au bout du propos.
À la longue, je me suis également perdue dans les descriptions imaginaires du père qui embarque son fils sur d'autres planètes, je les ai trouvées moins magiques au fil du récit, redondantes, et j'ai fini par survoler ces paragraphes.
Le message écologique, transmis par Robbie est très sombre, notre volonté de modeler la terre à notre image, nous fait courir à notre perte. Il faut se réveiller, comme Théo, à moins qu'il ne soit déjà trop tard, et la catastrophe inéluctable ….
Mon bilan est finalement en demi-teinte à la lecture de ce texte, que je ne qualifierai pas vraiment de science-fiction, car si ce livre a des qualités indéniables, la multiplicité des sujets rend le message confus, et m'a un peu égarée…
En revanche, la relation père-fils est magnifiquement décrite, avec beaucoup de tendresse et de hargne, et la fin est un déchirement. Un cri pour notre planète et réveiller nos consciences sidérées qui ne font que constater notre inertie léthargique !
Bon, et puis, je l'avoue, je ne me suis pas complètement remise de la fin de l'histoire, et j'en veux un peu à l'auteur de sa conclusion, l'absence d'espoir pousse plus à baisser les bras qu'à se retrousser les manches … alors je finirais sur une note un peu plus positive avec une pensée de Robbie à méditer :
Qu'est-ce qui est le plus grand, d'après toi ? L'espace du dehors … ? Il m'effleura le crâne du bout des doigts. Ou celui du dedans ? (p.384)
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Dans Sidérations, le message écologique porté par un enfant différent, doté d'une grande sensibilité, qui voit le monde et s'exprime sans filtre sur celui-ci, qui ressent les émotions, l'environnement, le monde intérieur et extérieur sans paravent, est très fort
Cet enfant extrêmement attachant est accompagné par son père astrobiologiste. Ce dernier refuse les traitements médicamenteux proposés par la société pour son fils présentant ce qui semble être des troubles autistiques même si ceux-ci ne sont pas nommés.
Il va donc se diriger vers une science pas encore très utilisée bien que connue depuis assez longtemps, le neurofeedback. Grâce à cette technique, Robin va faire des progrès fulgurants dans son rapport aux autres, sa communication et l'apaisement de ses émotions.
Connecté par l'intelligence artificielle à sa mère morte, elle-même militante pour les droits des animaux et la protection de la nature, il va lui ressembler de plus en plus jusqu'à devenir une part d'elle-même.
Pour Robin, Théo, père attentionné, spécialisé dans la recherche de la vie sur d'autres planètes, va inventer tout un monde d'exoplanètes, constituant le rituel du coucher, l'occasion pour le lecteur de visiter le cosmos et d'appréhender sa place dans l'univers.
Les sorties dans la nature organisées par Théo afin d'apaiser son fils sont prétextes pour l'auteur à de magnifiques descriptions des paysages, de la flore, de toutes les beautés à protéger avant qu'elles ne disparaissent complètement.
Le message, montrant la gestion désastreuse de l'environnement par les Etats-Unis, est aussi politique.
La science y est sacrifiée au nom d'idéaux religieux ou autre...
C'est un roman bouleversant, d'une grande intensité émotionnelle et écrit avec beaucoup d'intelligence que nous propose Richard Powers... et qui m'a donné envie de lire "Des fleurs pour Algernon", livre auquel l'auteur fait référence !

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Prenez un papa dépassé par son fils autiste (peut-être), Des fleurs pour Algernon (Daniel Keyes), l'état de la planète, un clone de Greta Thunberg, un président américain liberticide, mélangez le tout et vous obtiendrez Sidérations, un livre un peu ennuyeux, qui enfonce des portes ouvertes, malgré tout ce que vous pourrez apprendre sur les formes de vie.
Théo Byrne a perdu sa femme et doit élever seul son fils Robin. Il fait de son mieux, mais les crises de l'enfant à l'école posent problème. S'il veut que son fils continue d'être scolarisé, il doit prendre des mesures : des médicaments ? Pas question. Et s'il y avait une autre solution ?
Que Théo n'ait pas envie que son fils subisse un traitement lourd, c'est compréhensible, mais qu'il laisse un chercheur, qu'il n'apprécie pas, intervenir dans son cerveau ?
L'intrigue manque d'originalité, parce que c'est une réécriture du livre Des fleurs Pour Algernon. Y introduire les sujets préoccupants contemporains la rajeunit, un peu. Si vous n'avez pas lu ce dernier, Sidérations vous plaira, sans aucun doute.
J'en attendais sans doute trop et j'ai été un peu déçue, malgré le personnage de Robin, très attachant, et la culture de l'auteur.

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J'ai terminé ce roman il y a déjà deux semaines, ce fut mon avant-dernière lecture de l'an dernier. Et j'ai vraiment du mal à en faire un retour, incapable de déterminer s'il m'a perdue, à cause des innombrables considérations scientifiques bien au-delà de ma compréhension réduite de certains thèmes, ou s'il m'a séduite en raison des aspects émotionnels dont je suis sortie chavirée. Disons que j'ai été excédée autant que charmée.
J'avais lu quelques critiques avant de le voir exposé sur un présentoir à la médiathèque, et comment résister aux sirènes quand leur voix sont celles de Chrystèle-HordeDuContrevent, ou d'Anne-So-Dannso par exemple ? j'ai donc craqué, même si ce livre ne figurait pas dans mes intentions de lecture.

L'histoire est celle d'un petit garçon "différent", Robin, qui outre une sensibilité exacerbée à l'égard de la nature, met parfois son entourage à rude épreuve en piquant des accès de rage aussi violents que soudains, ce qui lui vaut bien des problèmes à l'école, ainsi qu'à son père Theo. Celui-ci tente de lui épargner les "soins" préconisés, soit une médication qui pourrait être très préjudiciable à l'équilibre de son fils selon lui. Il préfère tenter des approches moins conventionnelles, comme l'emmener visiter virtuellement des mondes possibles (ce qui constitue d'ailleurs en partie son travail, mais c'est là que j'ai en partie décroché...), ou passer des week-ends en pleine nature là où il se rendait avec la maman de Robin, morte prématurément dans un accident de voiture. Et quand l'occasion d'une thérapie neurologique très novatrice se présente, Theo et Robin décident de tenter l'expérience.

J'ai vraiment apprécié tous les passages concernant la relation extrêmement forte mais complexe qui unit Robin à son père, et les efforts que ce dernier déploie pour défendre son fils contre ceux qui voudraient le faire rentrer dans les bonnes cases. J'ai également été sensible à l'engagement précoce de Robin dans la défense des animaux en danger de disparition, sa faculté à se lancer de toute son âme dans des projets, peu importe les écueils, il y va à fond. Par contre j'ai failli sauter de nombreux passages où Theo parle de ses recherches, ainsi que ceux ou le neurologue décrit le protocole expérimental où il souhaite inclure Robin. Trop technique pour moi, ça me "gave" vite ! Et en parlant du traitement, je me suis parfois demandé à qui il était vraiment le plus bénéfique, en fin de compte...

L'histoire se passe dans une Amérique légèrement dystopique, mais finalement pas tant que ça, on y retrouve bien des faits déjà actés ou prévisibles au niveau écologique et politique. Ca fait peur, mais on sait d'ores et déjà que nous avons de fortes chances d'aller vers un avenir aussi peu reluisant que celui décrit ici. Les passages décrivant les séjours du père et du fils dans la nature font office de bouffées d'air, enfin au début du moins. Ceux qui se déroulent sur des planètes imaginaires ne m'ont pas tous convaincus, et j'ai trouvé qu'il y en avait un peu trop. et que dire de la fin...? Ben rien, si vous voulez la connaître il faudra faire comme moi, lire l'histoire jusqu'au bout.

Un bilan mitigé bien qu'avec plus de positif quand même, peut-être ne suis-je pas la bonne "cible" pour cette lecture. Je vous engage bien sûr à découvrir les autres retours, pour vous faire une opinion plus précise.
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