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Critique de motspourmots


On ne sort jamais indemne d'un roman de Richard Powers. Au-delà de la lecture, il parvient à nous plonger dans une véritable expérience, peut-être parce que ses écrits sont construits en trois dimensions de façon à projeter son lecteur dans un autre espace. C'est encore plus évident ici puisqu'il parvient à nous faire prendre conscience de notre qualité d'infiniment petit à l'échelle de l'univers, malheureusement dotés d'une énorme capacité de nuisance. Comme dans L'Arbre-Monde, il est question de notre rapport au vivant. Mais cette fois, le choix de l'auteur de baser son intrigue sur la relation entre un père et son fils permet de resserrer toutes les interrogations autour d'une réalité palpable et d'une émotion évidente.

Le père c'est Théo Byrne, astrobiologiste animé par la quête des traces du vivant ailleurs que sur la Terre. Il élève seul son fils Robin depuis la mort d'Alyssa. Âgé de 8 ans, Robin est sujet à des troubles du comportement assez préoccupants, pouvant mener à des colères difficiles à maîtriser. Théo nourrit sa curiosité insatiable en lui racontant d'autres planètes et en encourageant son intérêt pour les animaux et la végétation qu'il prend plaisir à dessiner. Mais après un énième rappel à l'ordre de l'école et une injonction à le faire "prendre en charge", Théo choisit d'accepter de faire participer Robin à un traitement expérimental, exempt de toute chimie et basé sur le feedback neurologique permettant de "rééduquer" les perceptions et les émotions. Des recherches qui laissent espérer des applications prometteuses, d'autant que chez Robin, les résultats sont fulgurants. Mais...

Mais, Richard Powers n'a pas souhaité écrire un livre de science-fiction, juste utiliser la science, comme souvent pour mieux donner à voir la complexité de notre condition. Il met en scène un background politique qui aurait vu la victoire des tenants du statu quo, préférant jouer l'opposition entre communautés plutôt que l'harmonie entre humains qui pourrait être un premier pas vers une meilleure prise en compte de l'ensemble des êtres vivants. L'esprit d'Alyssa qui était juriste pour la défense de la cause animale est le troisième personnage de l'histoire, celui qui imprègne tout le livre et que l'on voudrait voir imprégner tous les autres esprits. Robin semble absorber toute la souffrance du vivant tandis que Théo demeure impuissant à le soulager, sidéré par le peu d'écho dans la population face aux menaces grandissantes, épidémies, émeutes, catastrophes climatiques.

Comme d'habitude, la matière de l'écrivain est très dense. Ici, neurologie et cosmologie viennent nourrir sa verve littéraire et éclairer les pas du lecteur. Sans oublier la littérature puisque les références sont nombreuses, à commencer par Des fleurs pour Algernon (et hop ! sur ma liste). Les descriptions des planètes racontées par Théo à Robin sont de toute beauté et l'interrogation autour de la finalité du vivant interpelle. Richard Powers emmène encore très loin, obsédé par le désir d'une prise de conscience massive qu'il appelle de ses voeux par la voix d'Aly qui "affirmait souvent (...) que si une masse critique de gens, si modeste soit-elle, retrouvait la conscience du lien qui nous unit, l'économie deviendrait écologie. On voudrait d'autres choses. On trouverait un sens à la vie dans le monde."

Aucune leçon chez Richard Powers mais une immense générosité à offrir des angles de vue, à inviter à se mettre à la place d'autres êtres vivants pour mieux les comprendre, à utiliser la littérature pour ce qu'elle est : un fabuleux outil projectif, mêlant sensations et réflexion. A chacun d'en faire ce qu'il souhaite.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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