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Critique de DianaAuzou


Philippe Pratx -Karmina Vltima novembre 2021
A l'invitation de Philippe, j'ai dit oui avec enthousiasme, d'ailleurs après le soir,Lilith et le scénar je me disais que les temps étaient prêts pour une nouvelle arrivée. Et Karmina Vltima arriva en courant. Un chant, serait-ce un chant du cygne ? de quelle fin parle-t-il ? Je pense qu'il y en a plusieurs.
Pour naviguer dans son monde j'ai pris un fil d'Ariane, une barque pour les flots des mots, une bourse remplie de rêves et d'imagination, espèce d'aumônière sorcière et contrebandière, un élastique pour la souplesse cérébrale et de l'envie plein les poches. Ainsi, chargée de mon baluchon j'ai suivi le chemin attirée par "le charme vénéneux de la fascination."
"Mais c'est une fin de siècle, d'un siècle futur, il y a beau temps que les livres sont morts, et l'univers malade des vivants est une plaie qui se referme." Ah, ça commence mal, me dis-je en me donnant un coup de pouce dans le menton.
Un fils de l'Afrique, un guerrier nous invite à écouter une de ses enfances, "sa mémoire et ses folies" dans son livre, comme un "règlement de comptes." Il quitte les ruines de son village pour dire sa "souffrance et sa solitude" et verser une larme, l'unique de sa vie.
La quête commence, celle d'une renaissance, possible mais improbable, car dans le désordre du cosmos "la désolation y est toujours la rencontre la plus probable."
le prince noir a quelques fidèles compagnons de route : ses livres.
Et le verbe poétique de Philippe Pratx m'emmène vers un monde que je cherche, il me laisse le rêve qu'un jour je pourrais l'apprivoiser, pas pour le dominer mais pour accueillir ses merveilles, ou être prête à accepter les déceptions. "L'inconnu, le nouveau, dans des mondes fascinants et troubles", est-ce un Ailleurs? un Graal ? une quête d'infini ?
Les pages tournent au gré du vent d'automne, la prose se mêle aux vers, les deux gorgées de poésie.
Et le guerrier noir d'Afrique, prince solitaire et mélancolique m'offre son "je" protéique, m'emmène à l'enfance, une aventure oubliée, me dévoile l'invisible et me surprend, me provoque en duel avec, à la pointe de son épée, des mots hermétiques, une langue nouvelle, une danse grisante d'une série de visions, un voyage de révolte et d'ivresse dans le temps et l'espace, sur un un bateau ivre et un vaisseau fantôme. Des voyages "dans la musique infiniment diverse des chimères et des folies, dans la contrée des Brumes."
"L'on a tout perdu lorsqu'on s'éveille. Se réveiller est, chaque jour, savoir que le monde est perpétuellement dans son agonie interminable", rêve et cauchemar, désir de l'un, peur de l'autre, la vie s'empare souvent de notre peur et le cauchemar devient réalité.
A grandes enjambés Philippe Pratx nous fait passer d'un monde à un autre, de celui du songe à celui dont on se méfie, d'un symbole à ses interprétations sans nombre, du pur à l'impur pour finalement nous dire qu'ils ne sont pas contraires qu'ils peuvent se confondre, se substituer, que le monde est ainsi fait.
"Il faudrait une pirogue pour traverser mes larmes" car "l'homme est en exil de sa mémoire."

Les voyages donnent le vertige, laissent souvent un goût amer, et en même temps il y a la soif d'en connaître plus, de faire de ses pas un compas pour embrasser terres mers histoires et rêves, colères force et désillusions et souhaiter de "naître une seconde fois pour un monde meilleur."
Images de légendes et mythes défilent en vitesse, l'habit est triste la marche de l'Humanité tragique.
"Rappelons-leur les faits quand ils nous leurrent de leurs mots
Rappelons-leur leurs mots quand ils les cachent sous d'autres mots
Rappelons-leur sans faillir
Qu'ils ont conduit le monde à l'agonie
Qu'ils ont brûlé le monde l'ont pillé et détruit
Qu'ils ont tout sacrifié des valeurs humanistes
A la soif du profit."
"Le temps est anarchique et convulsif, on y voyage sans gloire, par à-coups, perpétuellement partis autant que perpétuellement revenus de notre destination, de lui aussi nous sommes en exil, et il est notre exil." Et le sablier tourne et se retourne pendant des cycles sans fin.
Chacun sa chimère, son songe et son illusion, l'insolite et le quotidien se donnent la main en amis ou forcés par le destin. Chimère, à la fois accablement et résignation, défense et oppression, mais tragiquement nécessaire à la vie. Nous sommes condamnés à espérer toujours, et le poète, dans sa solitude désespérée et lucide, ouvre sa maison au monde, c'est le drame des rencontres et de leurs inévitables joies.
"Ma maison quand même
cernée du cri des cigales
est restée ouverte."
Baudelairienne et rimbaldienne, fastueuse et décadente, souvent grinçante, soignée, envolée, lyrique, noire et désespérée, éclairée par une lumière qu'il faut aller chercher, la plume de Philippe Pratx invite les mots qui arrivent par vagues ou sur le fil d'une rivière, dans une goutte de pluie ou dans une larme qui tombe, et nous font des clins d'oeil malins doux ou ironiques, même diaboliques, qui nous mènent en bateau, nous grisent, nous donnent de l'espoir et son contraire, et nous invitent au jeu, qui n'en est pas un. Gare à celle ou celui qui lui dira non !
Merci Philippe pour cette nouvelle découverte de ta plume.
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