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Critique de YANCOU


YANCOU
03 décembre 2018
"Chacun de ces malheureux déjà mangés par la nuit est unique au monde." C'est Jérôme Prieur qui l'écrit dans ce livre entièrement dédié à ce qu'il appelle "sa vieille guerre", revenue à lui, tel un post-scriptum (lire 14 de Jean Echenoz pour comprendre), lorsque l'écrivain, en plein déménagement, remonte de sa cave une boîte à reliques de la guerre de 14 contenant un objet qui ressemble à un obus. Ce qui lui explose au visage n'est heureusement pas cet obus, que la police emporte et déclare inoffensif, mais les souvenirs - en pagaille. Comme ce Maurice, un grand-oncle "anticonformiste" qui, en 1915 et âgé de treize ans seulement, s'échappe de son internat pour aller voir la guerre de près. C'est d'ailleurs ce que Jérôme Prieur s'efforce de faire dans ce livre-enquête : regarder la guerre de près, dans le détail, car la guerre c'est le chaos, la mort, mais aussi la vie, cet "incurable désordre" décrit par Kafka dans une de ses lettres à Felice Bauer, une vie dont il fallait "beaucoup s'approcher pour voir quelque chose". Voir, réfléchir, s'approcher au mieux de la vérité, écrire, dire, montrer, c'est là toute l'oeuvre littéraire et documentaire de Jérôme Prieur qui n'a de cesse de sonder l'histoire du XXe siècle : un livre sur Proust, un documentaire sur Hélène Berr (Une jeune fille dans Paris occupé, 2013), un autre sur les Jeux de 1936 dont un passionnant livre a été tiré (Éditions de la Bibliothèque, 2017), etc. Il nous apprend ainsi que "le premier film documentaire sur la guerre" - réalisé en 1916 - "a été aussi un grand film de fiction". C'est ce fossé - pour ne pas dire tranchée - entre désinformation et vérité, que Jérôme Prieur essaie de mettre en lumière, oscillant entre souvenirs familiaux et enquête fouillée, dans une suite funèbre d'arrêts sur images stupéfiants, tenant de donner une identité aux trop nombreux soldats inconnus que la nuit, celle de la mort mais aussi de l'oubli, a dévorés.
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