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Critique de Marie-Nel


Il y a peu, grâce aux conseils avisés de ma bibliothécaire, je découvrais Bernard Prou avec son premier roman Alexis Vassilkov ou la vie tumultueuse du fils De Maupassant que j'avais déjà beaucoup aimé. Avec ce deuxième roman, il me confirme son talent de conteur. Il sait emmener le lecteur dans son histoire et la rendre tellement prenante que j'ai eu du mal à la lâcher. Et maintenant que je l'ai finie, je le regrette presque, tellement j'aurais aimé encore un peu rester avec les personnages.

Je ne vais pas trop revenir sur le fond de l'histoire, le résumé le fait déjà bien assez à mon avis. J'ai trouvé l'idée de départ très originale. Combien de fois il m'est arrivé de tomber dans un vieux livre acheté en brocante sur un vieux papier, parfois un mot doux, une fois une liste de courses…je trouve que ça rend le livre très vivant. Ici, le propriétaire des livres a sciemment laissé dedans des papiers qui sont des traces laissées par le passé tumultueux du propriétaire. Oreste est un bibliophile et à la demande de la petite-fille du Docteur Saint-Marly, il doit expertiser la bibliothèque de celui-ci. Il ne sait pas encore vers quels chemins cela va le mener. le docteur a eu l'idée de créer un véritable jeu de piste entre tous ses livres en laissant dedans des documents qui permettront à Oreste de reconstituer le passé de la famille Saint-Marly. Une phrase représentant le début d'un roman est laissé à chaque fin de roman permettant ainsi de suivre la progression. D'ailleurs, Bernard Prou propose au lecteur de trouver chaque roman en donnant la solution à la fin, j'ai bien aimé ce petit jeu.
Revenons à notre histoire, Oreste tombe sur une drôle d'ordonnance où le docteur écrit au préfet en lui donnant les noms de personnes. Si je vous dis que cela s'est passé au milieu de la seconde guerre mondiale, vous comprendrez vite que ce n'est ni plus ni moins que de la délation. Pourquoi a-t-il fait ça ? Vengeance ? Méchanceté ? Qu'est-ce qui amène ce docteur, père de quatre enfants, à donner le nom de ces personnes ? Ce qui me semblait au départ une « simple » délation par intérêt ou bêtise va se révéler bien plus complexe que cela. Elle va surtout avoir des conséquences inattendues et se retourner contre son auteur, ironie du sort comme on dit.
J'ai beaucoup aimé suivre Grégoire Saint-Marly, son vécu, afin de mieux comprendre l'homme qu'il est. Et suivre ensuite ses enfants, Maurice, Laure, Marie et Charles. Une famille touchée par la guerre, qui sera profondément meurtrie. On va suivre également d'autres personnes, celles-là même qui sont sur l'ordonnance du docteur, afin de comprendre également ce qu'ils sont et ce qu'ils deviendront après. Dans toute cette fresque de personnages, Bernard Prou n'oublie personne dans le panel qu'il pouvait y avoir à ce moment là…des Français, des Allemands, des Juifs, des résistants, des collabos, des soldats, des profiteurs de situation, des magouilleurs, des amours interdits…la liste est longue, comme on peut se l'imaginer à cette époque. Les caractères de chacun sont bien décrits dans ce qu'ils ont de bons mais aussi de plus vils. Certains m'ont profondément touchée et quand je me dis que tout ceci a réellement existé, ça fait froid dans le dos. Dans ce cas là, j'espère surtout que l'humanité ne connaîtra plus de tels drames. Ça fait pourtant encore bien peur quand on voit de nos jours encore des actes de racisme ou des plus vils. Quand l'humain apprendra-t-il de ses erreurs passées ? Avec des histoires de ce genre, la vengeance et la méchanceté font bien souvent mauvais ménage…
J'ai passé un très bon moment avec cette lecture qui a eu le double emploi de me divertir et de m'apprendre des faits que je ne connaissais pas encore. Et pourtant, j'ai déjà lu beaucoup de romans se passant pendant cette période, le sujet en soi est connu, ce qui est intéressant à voir, c'est comment le sujet est traité et ce qu'il apporte de nouveau sur ce sujet. Ici, tout se passe à Pau majoritairement, en zone libre jusque novembre 1942. Il est intéressant de voir comment s'est organisée la résistance ou la vie de tous les jours tout simplement. J'ai ainsi appris comment certains résistants communiquaient entre eux, pratique que des bergers leur ont transmis. Et plein d'autres détails parsemés dans l'histoire et qui ont leur importance.

Et bien sûr, tout cela sublimé par le style de l'auteur, fluide, détaillé, sans lourdeurs dans les descriptions des personnages et des lieux, au vocabulaire riche et varié, c'est vraiment un plaisir de lire un écrit de cette qualité. Bernard Prou est un écrivain à suivre, assurément. En tout cas, ça l'est pour moi. Je sais qu'il est en pleines corrections de son troisième roman qui doit sortir cet automne, j'ai déjà hâte d'y être et de plonger à nouveau dans un autre ouvrage signé de cet auteur. N'hésitez pas à le découvrir que ce soit avec ce roman ou avec le précédent, je ne pense pas que vous serez déçus.
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