Isis

Nos corps entrelacés, le rythme de notre souffle se ralentit. Une musique résonne en moi, je me sens danser devant le regard hypnotisant de Nataraja. Nous nous basculons d’avant en arrière, nos mouvements de bassins nous offrent une pénétration lente et, subitement, je me sens partir. Nous fusionnons parfaitement. Nos âmes se libèrent, s’enlacent. Nous ne formons qu’un. Des spasmes de joie me foudroient, un orgasme violent se propage alors en nous et nous irradie d’un amour infini…
 

Avant mon enlèvement, j’étais célibataire et n’avais jamais connu de relation durable. Je papillonnais, de petites expériences à petites expériences, et de ce fait, à vingt-sept ans, je n’avais jamais réellement connu l’amour au sein du couple. La méditation m’a nourrie et m’a transmis un amour si pur qu’aucun de mes partenaires n’était en mesure de me suivre.

Le tantrisme est une méthode pour nous ouvrir à l’amour inconditionnel. Une expansion de la conscience. Il nous permet de maîtriser ces énergies et, ainsi, redevenir fluide, nous reconnecter à la source originelle.

J’ai vu le monde depuis mon âme, j’ai compris que mon corps est une enveloppe renfermant mon être le plus subtil. Je me suis sentie nourrie, purifiée par un amour et une paix dépassant largement ce que l’humain est en capacité de concevoir. Quand je me suis à nouveau retrouvée prisonnière de mon corps charnel, quand ma conscience s’est à nouveau retrouvée limitée, ma dépression et mes angoisses avaient diminué. J’étais heureuse, comblée.

J’ai perdu toute notion du temps, je ne sais pas combien de semaines se sont écoulées depuis l’avion. J’ai souvent pleuré et pensé à mes cousins, à Joann, à mes collègues. Je les ai imaginés inquiets, avant de me rappeler que mes disparitions leur sont habituelles. Je suppose qu’ils me pensent encore dans les bras d’un amant, prise de passion entre une nouvelle éventuelle aventure et mon travail prenant.

Je suis restée seule dans cette cave sombre, faiblement éclairée par le couloir d’où s’étendaient les lumières de l’étage. Dans ce lieu sans vie, ni bruit, je n’ai pas vu le jour depuis qu’ils m’y ont emmenée. Je ne sais plus si le soleil est levé, si nous sommes en journée ou en pleine nuit. Ils ne m’ont quasiment pas adressée la parole et ont toujours refusé mes questions. Je ne sais rien d’eux hormis qu’ils semblent à l’aise dans cette situation : je ne dois pas être la première. Je les ai insultés, menacés de les envoyer en justice et, pourtant, ils sont restés imperturbables. Ils sont restés distants, se sont contentés de me garder enfermée, bien attachée, et de m’apporter ce dont j’avais besoin : nourriture immangeable et seaux d’eau savonneuse pour la toilette, en attente de mon « futur Maître ».

— Au repas, d’un coup, sans rien contrôler, c’est arrivé une deuxième fois. Cet état m’a à nouveau transportée, je ne pouvais plus bouger, ni parler. Mon égo n’était plus, je me sentais dissoute. Je quittais mon fardeau, sans peur, j’étais libre. J’affichais certainement un sourire béat. Je n’étais qu’amour. Cette fois-ci, j’ai vu la vie que je menais ; notre société malade et ses règles improbables, notre mode de vie effarant. J’ai eu un fou rire intérieur en observant, avec un recul colossal, l’humain.

Une ouverture à l'esprit et aux sens.

Le fait qu’une chose soit négative ou positive ne veut pas dire que cette chose soit bonne ou mauvaise. L’être humain a naïvement jugé tout cela, en a faussé l’interprétation. Rien n’est bon, rien n’est mauvais en soi.

Nous avons fait l’amour durant des heures, sans violence. Nous nous sommes embrassés et avons enchaîné les gémissements de plaisir dans un égrégore d’amour si pur que, dans une jouissance démesurée, je me suis surprise à lui murmurer « je t’aime ».
Il m’a ensuite embrassé le cœur et m’a confortablement serrée dans ses bras afin que nous nous endormions.