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Critique de gaelpoezevara


« Les Fleurs bleues » de Raymond Queneau, roman paru en 1965, est un souvenir de fac, et un très bon souvenir.
Celui, d'abord, d'une lecture drolatique, ponctuée de Sarrasins de Corinthe, de houatures, de Châtiau, de « à quoi Nasser ? », de va et vient dans le temps avec leurs lots d'anachronismes jouissifs. Lire Queneau, ça a souvent kekchose d'amusant !
Et si je sentais bien que derrière l'amusement, le premier degré de la loufoquerie des personnages, des calembours ou des jeux d'écriture phonétique, se cachait un aspect de l'oeuvre sans doute plus profond, je ne perçais pas le mystère.
Queneau aimait comparer ses romans à des oignons dont le lecteur doit ôter progressivement les pelures. C'est ce que fit pour nous, avec verve et brio, Mme Mourier-Casile, lors d'un magistral cours magistral. A chaque pelure enlevée, les yeux nous picotaient, à la fois de rire, de plaisir et de jubilation devant la complexité du livre révélée.
Le cofondateur de l'Oulipo réalise un exercice de style éblouissant, savant et érudit, dont les multiples tiroirs s'ouvrent sur un roman philosophique, nourri par les pensées d'Heidegger et Hegel. Réflexion sur l'individu en proie à l'angoisse, à la culpabilité, ce roman met en oeuvre, au sens littéral, les instances de la psyché, incarnées par les trois personnages principaux : Cidrolin, le moi, vivant en 1964 ; le duc d'Auge, qui se promène dans différentes époques et représente le ça et ses pulsions ; enfin Labal, l'envahissant surmoi.
Cidrolin et Auge apparaissent et disparaissent au rythme du sommeil de l'un et de l'autre, interrogeant ainsi les frontières du rêve et de la réalité, l'ambivalence du « rêvé » et du « révélé », l'opposition entre « je pense » et « je rêve ». L'apologue de Tchouang-tseu nous revient en mémoire : qui rêve de qui ? Queneau joue avec la psychanalyse, l'interprétation des rêves, mais grâce à l'humour, au burlesque, garde ses distances.
Le pari est réussi. On suit le fil de l'histoire malgré les bizarreries, on s'intéresse aux personnages, bien qu'ils soient flous, et on s'interroge sur la construction arithmétique d'un récit qui renverse les codes du roman.
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