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Critique de EvlyneLeraut


Un monument !
La pierre angulaire d'une littérature hors pair !
Michel Quint est un grand auteur. Après le magnifique et renommé « Effroyables jardins » au succès international, « La Printanière », dès ses premiers pas, est un roman qui marquera les lecteurs et sera vite sur le podium des grands succès.
Contemporain, la beauté douloureuse, il y a ici des notes chères à Amélie Poulain. La tendresse vertueuse rayonne dans l'écriture qui encense le verbe et la littérature. Patrick Modiano est le fil rouge et pour cause.
Très proche de nous, dans l'ère des gilets jaunes, Lille lève son voile, ses ruelles, rings de boxe et la complétude. Nous sommes en 2019, rappelez-vous cette époque trouble, instable mais cruciale.
Étienne Vancauwenberghe est un célibataire, la cinquantaine, professeur de français. Déchu par ses pairs, cours à domicile, petite sacoche vieillie, la solitude pour compagne.
On aime son langage, sa capacité intellectuelle à nous faire aimer un texte. Double de Michel Quint, lui qui a fait des études littéraires.
Étienne est pris dans les mailles d'une manifestation.
« Je suis entré dans cette apocalypse en jaune et noir avec un sourire imbécile et des joues bouffies de larmes. »
Il va être pris à partie par un black bloc en voulant protéger un couple âgé, vulnérable, qui ne cherchait qu'à acheter des ingrédients pour confectionner un gâteau pour la venue pavlovienne de leur fils chaque dimanche. Mais ce dernier ne vient jamais. Ses parents le désirent seul, sans son compagnon.
Ce passage est la clé du récit, par lui, tout commence.
Une fille très jeune, agile, guerrière des temps modernes, va secourir Étienne. Frapper de toutes ses forces le black bloc, et s'enfuir vite. Pourquoi ? Étienne n'aura de cesse de la rechercher. Il la devine boxeuse «à sa dextérité pugilistique et ses chaussures de ring ».
Étienne va déambuler dans Lille. Enquêter dans les clubs de boxe. de fil en aiguille, il va rencontrer des alliés, surtout des femmes principalement, dans sa quête.
Fortuitement, il fait connaissance avec la mère adoptive de la Printanière. C'est ainsi qu'il nomme cette jeune femme. Crescendo, turbulences et douleurs infinies, elle est décédée brutalement d'un accident sur un ring, le soir dans la pénombre et le silence d'un ring de boxe endormi. Il ne pourra exaucé le voeu de la revoir en vérité.
Tout s'écroule. Étienne est troublé, la chute d'Icare. La tragédie de la perte. Il va poursuivre sa déambulation. La Printanière : Mado, était elle-même en recherche de sa mère biologique. 
« Mado adoptée ! Si j'avais pu me douter ! Et après ? Elle est morte et les dieux se foutent de nous, des instincts maternels, et des rencontres lumineuses, et de l'humanité occupée à essayer de jouer à être humaine. »
Elle, l'humanitaire, l'altruiste, la bohème des pavés, guerrière côté face, fragile côté pile, oisillon tombé sur les cordes en plein secret.
L'écriture de Michel Quint est un cahier du jour. On ressent cette fièvre de la littérature, des nuances et des subtilités. L'histoire enfle. le délitement douloureux de la Printanière est un chant triste, désespéré. Mais les coeurs sont vaillants, camarades. L'obsession cardinale de remonter le temps pour Étienne est un but et sa propre renaissance.
Le tournoi de sa vie même.
« On parle la bouche pleine, par refus de perdre du temps, envie de dire, qu'on ne soit plus des étrangers devant la mort de Mado, qu'on partage cette douleur, même à part inégales. »
Mado, bébé abandonné sur les marches d'un ring de boxe. Cercle des finitudes dans une salle en plein silence, dans le sombre des lâchers-prises.
Étienne va s'affronter. le rocher de Sisyphe, affres sur dos, les mélancolies des regrets infinis.
«Être à l'écoute d'un type qui se tait. Tout Modiano est dans cet échange. Mon père parlait sans arrêt mais ne disait rien. »
Le récit est l'Alcazar. Initiatique, l'épiphanie verbale. Étienne d'ombre et de lumière va apprendre. Quoi ?
Ne rien dire de plus. Cette jeune fille « La Printanière » regain et orpheline, touchante, macrocosme de cette trame majestueuse.
Michel Quint sait révéler les mondes secrets que les tourments blessent à jamais. Les filiations perdues dans les méandres de Lille et en soi-même. Ce livre dévorant d'empathie est un marque-page pour nos hivers mélancoliques.
La littérature, vous savez : l'éminente.
Une fierté éditoriale. En lice pour le prix Renaudot des Lycéens. Et c'est une grande chance !
Publié par les majeures Éditions Serge Safran éditeur.
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