Etrange roman que voilà. L'ambiance y est étouffante, terreuse, humide, poisseuse. J'ai beaucoup aimé cette atmosphère teintée de magie, reliée à la Terre. On ne sait pas trop si Ada est humaine; en fait on ne sait pas trop ce qu'elle est. Elle entretient des liens très étroits et corporels avec son environnement. Elle est un peu magicienne, comme son père. Les habitants qu'ils soignent, les cures, ont des maux étranges, et les soins qu'ils reçoivent sont tout aussi étranges.
Sachez ainsi qu'on plonge dans les entrailles de chacun et de chacune assez régulièrement. On est dans un body horror assez doux, paradoxalement. Ce n'est jamais trop hard, ni too much, cela ne choque jamais vraiment. C'est corporel, organique, viscéral, au sens premier du terme. J'ai aimé le contraste offert par l'écriture et le point de vue d'Ada : la plume est à son image, un peu planante, écorchée, naïve. Les décors sont minimalistes, assez bruts. C'est cohérent, mais de ce fait l'immersion est courte, d'autant que le livre n'est pas très long. La construction du roman est intéressante, car plusieurs témoignages de cures parsèment le récit d'Ada, comme pour apporter un éclairage supplémentaire sur ce qu'il se déroule. Chaque témoignage fait d'ailleurs bien ressentir le parler propre à chaque personnage qui s'exprime.
Et tout ça pour dire quoi ?
Jusque dans la terre est une histoire d'amour. Enfin, amour. C'est surtout une histoire de désir sauvage, de sensualité, de corps. Et puis surtout, c'est une histoire somme toute très humaine qui nous est racontée. le final est surprenant, car magie ou pas, le fond des récits est souvent bassement terre à terre… Et finalement, le plus dérangeant et malaisant réside là, dans ces dernières pages.
Si cela est réussi, je regrette néanmoins un propos assez court et pas suffisamment féroce pour moi. On passe le temps du bouquin plongé dans les entrailles des uns et des autres, mais selon moi ce roman ne va pas assez loin, ne prend pas suffisamment aux tripes pour laisser une marque pérenne dans l'esprit. C'est un peu dommage.