Après un certain temps, les oiseaux avaient compris et ne s'approchaient plus de moi.
C'est difficile à exprimer, à décrire, une solitude aussi absolue.
Et parfois, même si elle est nuisible, une maladie est trop profondément enracinée, et le corps ne peut même plus envisager de s'en débarrasser.
Solitude. Solitude. Il faut avoir un coeur, pour se sentir seul.
Et ses seins, masse fluide emplissant les bonnets de son soutien-gorge comme des feuilles mortes humides qui bloquent l'entrée d'une canalisation.
Essayer de ne pas être vu, ça ralentit le temps.
Père a toujours été plus bestial que moi.
Certaines nuits, il laissait son échine s’affaisser, il se mettait à quatre pattes, il abandonnait raison et langage, et il courait de par la forêt.
Il revenait à l’aube, la gorge, la poitrine et le ventre rouges, entrait par la porte de derrière, se redressait et se mettait debout dans la cuisine. Les os qui craquent, les épaules qui se remettent en place, disait-il.
– Pourquoi tu ne viens jamais à la chasse avec moi, Ada ?
Je riais et je répondais que j’avais mes propres loisirs.
Si nous leur donnons la moindre raison d'avoir peur de nous, ils cesseront immédiatement de penser au fait qu'ils ont besoin de nous. En un instant. Et ils nous forceront à partir. (71)
Peu importe qu’il soit revenu avec une étincelle qui n’était pas là avant. Peu importe qu’il soit devenu cruel, qu’une faim fébrile le domine maintenant. Cela n’a aucune importance, parce que je n’aurai plus à attendre vainement, avec mon coeur vide, avec mes entrailles desséchées.
Il me racontait comment il avait assemblé les différentes parties de moi, et comment il avait tout mis dans un sac, fermé avec une corde, et attendu un orage avant de me mettre dans le trou.
Les étés, par ici, sont faits de longues herbes négligées, d’une uniforme lumière citron, de chaleur qui cuit la terre et qui fait vibrer l’air. Les ombres sont si noires, si profondes qu’elles semblent aussi solides, aussi vivantes que les corps qui les projettent.
Par ici, l’été, même les matins, quand je me lève, je laisse la chaude confusion de mes draps pour aller dehors, sur les pavés de la cour, et j’examine la grille de la bouche d’évacuation.
Entaille, petit trou, petit ravin.
Même par ce temps, une moiteur secrète y scintille.
Moi, elle me fait peur.
Cette canalisation.