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Critique de MarianneL


Les cauchemars macabres d'un esthète monstrueux.

Visitant le musée du parc d'Ueno, Mizuki Ranko, reine des variétés de Tokyo, surprend un aveugle aux lunettes noires qui caresse longuement une sculpture de marbre qui la représente, de façon si insistante et répugnante qu'elle ressent la brûlure de ces caresses jusque dans sa chair.

«Il y avait quelque chose de troublant à vous donner le frisson que de voir un homme, ne disposant que du toucher, admirer la statue nue de la femme qu'il aime. Ses cinq doigts, menaçants comme les pattes d'une araignée, rampaient à la surface du marbre poli. L'homme s'attarda longtemps sur les lèvres semblables à des pétales de fleur. Puis les paumes caressèrent le reste du corps, la poitrine… le ventre… les cuisses…»

Quelques jours plus tard, un aveugle aux doigts arachnéens remplace son masseur habituel, et le contact de ses mains laisse à Mizuki Ranko une sensation visqueuse durable et terriblement déplaisante.

Attirée implacablement dans un guet-apens, elle se retrouve séquestrée dans un lieu obscur, atroce et indescriptible, sous l'emprise de ce psychopathe fasciné par les corps féminins, piégée comme une souris à la merci d'un chat monstrueux.

«Elle venait de parcourir quelques mètres lorsque l'obscurité se fit soudain plus épaisse en même temps qu'elle ressentait un imperceptible souffle d'air. En se retournant, elle constata que le miroir était revenu à sa place et qu'il n'y avait maintenant plus trace de lumière.
Ranko frissonna. Une immense solitude l'envahit, elle se sentit abandonnée de tous et se demanda si elle reverrait un jour le monde des vivants.»

«Point d'inspecteurs, ni de détectives dans cette histoire», «La bête aveugle» n'est pas une enquête policière, contrairement aux célèbres romans de l'auteur tels que «Le lézard noir» ou «Inju : La bête dans l'ombre».
À l'opposé des êtres aux corps difformes du «Démon de l'île solitaire», le héros pervers et psychopathe de «La bête aveugle», esthète de l'horreur, est obsédé par les corps féminins aux formes parfaites.

Publiée initialement en 1931, portée à l'écran en 1969 par Yasuzô Masumura, et traduite en français par Rose-Marie Makino-Fayolle pour les éditions Philippe Picquier en 1992, l'histoire dérangeante de ce monstre qui attire et s'empare des femmes comme des proies, passant des pulsions sexuelles à la cruauté nue dans un irrépressible et extrême mouvement d'attraction - répulsion, semble réunir les obsessions majeures d'Edogawa Ranpo en un un récit macabre, érotique, aussi dérangeant qu'inoubliable.

Une soirée sera consacrée à l'oeuvre d'Edogawa Ranpo à la librairie Charybde le 17 septembre 2015, à l'occasion de la parution du «Démon de l'île solitaire» aux éditions Wombat, en présence de sa traductrice Miyako Slocombe et de Stéphane du Mesnildot, écrivain, critique aux Cahiers du cinéma et spécialiste d'Edogawa Ranpo.

Retrouvez cette note de lecture et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/08/09/note-de-lecture-la-bete-aveugle-edogawa-ranpo/
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