Pour rappel, il faut partir des chiffres, du concret, glanés ici et là sur le site du ministère de la Santé et de la Prévention et de Santé publique France. Les conséquences de la consommation excessive d'alcool sont l'un des tous premiers motifs d'hospitalisation en France. L'alcool constitue la deuxième cause de mort évitable (après le tabac, bien sûr) et tue environ 49 000 Français et Françaises par an, pour un coût social estimé à 118 milliards d'euros. Plus globalement, la consommation excessive d'alcool peut conduire à de l'absentéisme, à la perte de l'emploi, à l'isolement et aux violences intra comme extra familiales.
La jeune Astrid, lycéenne, en sait quelque chose, des ravages de l'alcool. Sa mère, avec qui elle habite seule, son frère et sa soeur ayant été placés en famille d'accueil, a la main facile. Alcoolique depuis de nombreuses années, Emilie Frontenac frappe sa fille et l'insulte. Les voisins parlent dans ce quartier d'une ville de banlieue parisienne : on trouve la petite Astrid bien courageuse. Mais dès le début du roman, Emilie Frontenac est retrouvée brûlée vive dans son appartement. Jasmine, la narratrice, et Tom, son supérieur, héritent de l'enquête : la mort de l'alcoolique est-elle accidentelle, ou Astrid, emportée par un accès de colère, a-t-elle tué sa mère ?
Véritable roman de procédure policière,
La Jeune fille et le feu, plutôt qu'axer son développement sur la multiplication des coups de théâtre, préfère le rythme lent et pour autant véridique de l'enquête de terrain. Jasmine et Tom questionnent la jeune fille sans vouloir la brusquer, tant ils savent qu'interroger une adolescente doit se faire avec des pincettes. Peu d'indices dans cette enquête, et peu de témoignages, mais avant tout des interrogatoires et des filatures pour mieux cerner la personnalité d'Astrid : manipulatrice ou résiliente ?
Le roman colle parfaitement à la réalité du terrain,
Claire Raphaël, dont ce n'est pas le coup d'essai, étant ingénieure dans la police scientifique. Au-delà de l'intrigue elle-même, l'auteure multiplie les turpitudes d'un quotidien dans un commissariat de police : problèmes de drogue et découverte de plants de cannabis, déposition pour un viol, arnaques en tous genres… Et, plus généralement, réflexions sur la place de la police et ses capacités d'action, comme lorsqu'Astrid est convoquée au commissariat et s'y rend sans une once de peur car « elle avait appris, comme tous les mômes du cru à ne pas avoir peur d'une institution dont ils connaissent l'impuissance, dont ils connaissent les comédies qui n'impressionnent désormais même pas les plus jeunes ».