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Citations sur Capitale Songe (12)

On stocke les rêves dans des bases. On les accumule et on les mélange. Mais on n'avait pas prévu deux choses.
Un, que les fictions et les rêves deviendraient pour des intelligences intangibles des monnaies d'échange plus intéressantes que l'or, la chair ferme ou les pétrodollars.
Deux, que l'on hybriderait les rêves, que les informations vivraient, se croiseraient et pulluleraient avec une telle vigueur. On n'avait pas anticipé le Hortex et son écosystème, son économie parallèle, sa mafia du rêve, la vampirisation de toute la fiction humaine et non humaine.
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Cependant la commission dut faire face à une crise qu’elle n’avait pas prévue car la menace ne vint pas de l’intérieur, mais de l’effet de bord de la création des banques de rêves pour les IV : la secte des Vigilants fut en quelque sorte l’abréaction de la société à la constitution du Hortex. Car toute institution ne crée-t-elle pas son dehors, toute frontière ses contrebandiers et ses trafiquants ? Les Vigilants, que les mauvaises langues appellent les sans-sommeil, opéraient par commandos de quatre à cinq individus, détruisant les psychés, ponctionnant les rêves, laissant derrière eux sur les murs un œil éternellement ouvert comme un horrible attrapeur de rêves. Des corps qu’ils proclamaient libérés et qui demeuraient dans un état végétatif que l’on appelle plutôt coma. Leur action bouleversa malgré tout le marché, sans compter les attaques dans les différents data centers où ils vidèrent des millions de songes chaque fois.
Plusieurs banques durent se regrouper, et ce fut la création du puissant consortium d’Ananta. Il lâcha dans les terriers des Vigilants sa vague se serpents qui élimina la plupart des ultrarêveurs.
Depuis, on ne traîne plus dans les couloirs de nos rêves.
Ananta fut alors assez puissante pour ouvrir grande la mâchoire pour absorber la Sompo, et gloire aux Pythons ! La Commissaire générale de la Sompo à la tête fantôme fut nommée à la direction de la banque Ananta.
Le sommeil s’est anarchiquement réparti entre les espèces.
Les blattes respirent lentement.
Les mites courent toujours.
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Vera regarde l’aiguille s’enfoncer et libérer en elle l’encre vivante du tatouage mobile. La douleur s’étend avec le plaisir, remontant tout l’écheveau de ses nerfs, dessinant de petites araignées dans le blanc de ses yeux, faisant glisser dans ses veines des milliers de vers électriques agités de spasmes. Sa peau est cette convulsion composant sans cesse de nouvelles formes à fleur de chair, apparaissant et disparaissant, devenant étoiles, visages, échos de ses pensées blanchies par l’instant. Le tatouage commence à s’étendre en elle.
– Injecte-m’en plus.
– C’est risqué.
– C’est la vie. T’occupe et pique.
A côté d’elle, les membres du Dreamsquad l’observent, elle le sait, ils guettent sur son visage les soupirs de douleur et les grimaces de renoncement à la grande fatalité à laquelle se promet la Vigilance. Elle ferme les yeux et sourit comme elle a appris à la faire dans cette clinique abandonnée, face aux cadavres de ses parents défoncés au liquidream. Elle sourit encore tandis que l’encre se met à remonter jusque dans sa gorge, à saturer ses ventricules jusqu’aux extrémités de son cortex, emplissant sa bave, ses rêves.
– Ça y est, l’emprise est réalisée. Tous vos petits camarades vont pouvoir observer vos pensées juste en regardant votre peau. Mais je préfère vous prévenir, ne vous attendez pas à des images, hein, c’est bien plus instinctif. C’est plutôt comme des rêves abstraits. Des motifs, des couleurs, des glissements et des substitutions, tout ça.
L’encre se déploie effectivement en elle hors de toute phrase, de toute image. Elle compose avec elle une synthèse vivante.
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Nos histoires dorment mal, insomniaques, elles se retournent et cherchent la position où l’on bascule dans le sommeil. Elles respirent mal. Problème de branchies ou quoi, va savoir. Elles s’interrompent sans cesse, pensent à mille choses changeantes, inconstantes, fuyantes, reprennent, réseautent, creusent. Jusqu’où ? Jusqu’au tréfonds de Capitale S, là où cette île artificielle rejoint l’océan. Oui, chaque instant un peu plus, la cryptonation flottante de Capitale S rejoint l’océan qui la dissout.
On oublie vite le bruit de cette dissolution globale.
Car ici, qui n’a pas la tête réduite à cet immense bourdonnement, pas celui des insectes, bien sûr, nuées amies et discrètes, mais celui, fantomatique, des néons créés par ces intelligences vampires, avides de nos rêves, assourdissant le jour et oblitérant la nuit, saturant le sommeil et la veille en une rumeur invincible, brouillant les contours et le sens de nos aventures intérieures ?
On se demande parfois, peut-être en vain, ce qui appartient à notre pensée et ce qui est de la part de cet enchevêtrement d’ondes pénétrant nos esprits et se transformant en litanies absurdes, retirant toute limite à notre expérience. Distinction futile, me direz-vous, à l’ère de la conscience plasmatique.
Peut-être. À voir. Ce que je sais, en tout cas, ce qu’on oublie de dire, c’est qu’au milieu des conflits débilitants de Capitale S, dans les luttes des intelligences pour leur survie vitale et idéelle, cette ville, cette île, Capitale S, disparaît dans l’océan.
Capitale Songe ? Capitale Sombre, oui, une ville trempée d’espoirs gluants où brilleront encore après sa submersion les glorieux néons alimentés par le feu nucléaire couvant sous Asavara.
Dans la nuit blanche polaire, les essaims de mouches tsé-tsé et des groupes de sternes mutantes verront toujours cette plateforme illuminée crachant ses lumières et ses appels au désir sans plus personne pour y répondre.
On ne s’éveillera plus de la veille, on ne s’évadera plus du sommeil, nous disent les prophéties antagonistes s’affrontant à Capitale S, mais, peut-être, un jour, entendrons-nous, stupéfaits, résonner une autre partition du sommeil. Rêvons.
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Bizarre, ce dieu qui ne peut plus se lever, empêtré dans ses fils.
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L’intelligence, vois-tu, ce n’est pas être infaillible, au contraire, c’est être capable de transformer toutes ses erreurs en chances, en facteurs d’évolution.
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J’ai entendu parler de la disparition des IV. La seule disparition dont on peut se réjouir. Mais ça ne m’étonne pas. Leur existence de cancer immortel les avait rendues fascinées par ce à quoi elles avaient renoncé, les avait rendues nostalgiques de la mort. En un mot, mortalgiques.
J’aime bien ce mot. Mortalgie. On invente des mots pour conjurer le mauvais sort qui nous accable, les énergies qui nous vident.
« Les humains sont des déflagrations, puis des nuages de cendres de rêves, puis rien. Seule la nuit. », disent les IV.
Retour à l’envoyeur.
Et maintenant ?
Comment retrouver la vitalité ?
Comment retrouver le sommeil, la vulnérabilité ? Comment retrouver la nuit ?
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Le sommeil fut longtemps notre part maudite. Impensée. Impensable. La part du néant. Des anges du néant. Grande ivresse qui s’oublie. Qui n’est que l’oubli. Ce que l’on donne les yeux fermés. Il y avait là tout à penser. Cosmétique du rêve, hygiène du sommeil. Et tout ce qui s’est développé à Capitale S n’est que l’extension, certes vertigineuse, de cette idée. Ce n’est pas que la marchandisation absolue de tous ces produits pour façonner des rêves plus beaux, pour dormir à 120 %, et autres promesses diffusées nuit et jour par les néons – mais aussi la possibilité d’émergence d’une diététique du rêve et du sommeil.
Je reçois 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 pour un bilan complet.
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Des années-ténèbres, années comptées non plus en distance mais en temps, en temps d’une noirceur compacte, vide et pourtant intraversable, un temps autrement effarant que le temps épileptique durant lequel les IV auront donc dominé Capitale S de leur sauvage onarchie, extrayant les rêves des IA fatiguées. Et maintenant, avec un simple composé de sommeil mort, c’est tout Capitale S avec toute l’éternité du Hortex qui menace de se désintégrer, de couler, paupière après paupière, dans l’océan.
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TST-Est est une zone désertique sinuant entre les luxuriances de Mõgulìnn, les pyramides blanches de déchets de Baie-Lune et les indécences élevées de Saï-Town. Plaine vide où il faut avancer le plus légèrement possible, de façon la moins assurée, pleinement exposé au ciel, à ce ciel oublié de tous sur cette île instable.
Elle est ce continuum de neige grise remplie d’espace mouvants, ces espaces lisses toujours prêts à s’affaisser pour vous engloutir pour toujours, sous des kilomètres d’une mélasse affreuse. C’est ce qui en fait la zone la plus risquée et la plus à même d’offrir la plus grande protection avec la plus grande fragilité, celle qui vient avec le froid, avec les trous noirs de l’oubli, avec les effondrements toujours imminents.
[…]
Ille se concentre encore et s’étend jusqu’à devenir la lande vallonnée de TST-Est, ille est le squelette de ces immeubles effondrés où ille se cache, ces déplacements de poussière et de neige.
Ille n’est qu’un débris qui s’oublie parmi la neige.
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