AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de AugustineBarthelemy


Tolède, en plein coeur d'un été torride, Léonor de Récondo se rend au Museo del Greco. Elle s'est fixé un rendez-vous important : séduire Doménikos Theotokopoulos, le temps d'une nuit, dans cet espace rendu intime par le coucher du soleil, Léonor veut avouer son amour à Le Greco. Et pourquoi pas, si les caméras le permettent, le lui faire.

Comme avec le très sensible Manifesto, Léonor s'attache, dans ce court récit, à ériger l'art comme un pont entre la vie et la mort, un dialogue permanent entre ces deux états, relié par l'amour. Car à travers le parcours de le Greco, ce natif de la Crète qui quitte son pays d'origine pour gagner la renommée à Venise puis en Espagne, c'est aussi l'image du père qui est convoquée. de la première visite du musée, quinze ans plus tôt, accompagnée de son père, qui lui a appris à lire une image, au pays lui-même, l'Espagne, cette terre perdue lors du coup d'État franquiste, jusqu'à un petit carnet oublié dans un tiroir et retrouvé par hasard après son décès, tout ici ranime le spectre du père.

Alors le désir est trop grand de déclarer sa flamme, Léonor s'arme de son violon et s'engouffre dans ce musée, sous les yeux amusés des gardiens. Première déception : la pénombre ne lui permet pas de s'imprégner des oeuvres. Elle ne pourra pas s'abîmer dans la contemplation des toiles, s'abreuver de la beauté de ses tableaux. Son admiration ne fera pas sortir Doménikos de son sommeil de quatre siècles.

Qu'importe, elle déambule dans ce lieu censé reconstituer la demeure du peintre. Elle le sait, sa passion finira par le faire sortir de l'obscurité. Et son arme, fatale, qui le fera succomber : son violon. Dans le silence de la nuit, dans la touffeur nocturne, les mains de la violoniste sont un envoûtement : elles font naître des accords, les notes s'enchaînent, la musique se crée, comme les grandes mains délicates du Greco, des pinceaux comme des extensions, des couleurs éclatantes sur une toile, et un tableau qui naît. Et derrière les mains du peintre, celle du père, des ciseaux comme des extensions, de la pierre comme matière, et une sculpture apparaît.

Alternant les passages biographiques de la vie du Greco et le récit plus personnel d'une recherche des origines, La leçon de ténèbres se pose comme un dialogue entre les vivants et les morts. Léonor de Récondo crée pour nous un instant suspendu, nous invite le temps d'une nuit dans un espace intime, où deuil et création se lient. Et le tout toujours avec cette plume pudique, ici un peu teintée de romantisme, pour exprimer la séduction d'une danse éternelle entre les vivants et leurs fantômes.
Lien : https://enquetelitteraire.wo..
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}