Je sens grandir ma peur

Ce qu'on perd avec l'âge sur ce plan-là est compensé par ce qu'on gagne sur d'autres.

Il était trop loin pour que je discerne ses traits, ou sache avec certitude s’il m’observait. C’était une expérience détestable. Peu fréquente mais détestable. Et je n’y pouvais rien. Il ne faisait rien de mal. D’ailleurs, il ne faisait rien. Il ne lisait pas. Il ne parlait pas. Il se contentait de rester assis là. Pour quelle raison ? C’était sans doute ça, le pire. Tout était peut-être dans ma tête. Ces affabulations peuvent être si convaincantes.

Il n'y a qu'une seule question qui importe. J'ai peur. Je me sens un peu fou. Je ne suis pas lucide. Les hypothèses sont justes. Je sens grandir ma peur. Le temps de la réponse est venu. Une seule question en attente d'une réponse.

La biochimie a bien des vertus ; tel est aussi le cas de la littérature et de la philosophie.

On ne peut pas refaire l’histoire a posteriori.

Je suis en train de réaliser, pour la première fois, qu’il y a des degrés dans la mort. Comme il y a des degrés en tout : dans le fait d’être vivant, amoureux, coupable, sûr de son fait. Ces agneaux ne traversent pas la vie les yeux fermés. Ils ne sont pas déprimés ni malades. Ils ne songent pas à tirer leur révérence. Ces agneaux sans queue sont morts, absolument morts, morts à cent pour cent.

Quand j’ai des insomnies,comme là, comme si souvent récemment, j’aimerais bien pouvoir éteindre mon cerveau comme une lampe. Si seulement j’avais une commande d’arrêt comme sur mon ordinateur. Je n’avais pas regardé l’heure depuis un moment. J’étais couchée dans mon lit, à réfléchir, à regretter de ne pas dormir comme tout le monde.

Il me semble que, dans le contexte d’une vie humaine, être triste est une réponse correcte. Sincère. La joie en est une autre. Plus on se dit que nous devrions être heureux, que le bonheur est une fin en soi, moins ça se réalise. Et à propos, ce n’est pas une idée très originale.

Pendant des années, ma vie a été ennuyeuse. Je ne sais pas trop comment la décrire autrement. C’est maintenant que je l’admets. Je ne suis pas déprimée, je ne crois pas. Ce n’est pas ce que je dis. Juste ennuyeuse, terne. Je ressens beaucoup de choses comme étant fortuites, inutiles, arbitraires. Il manque une dimension à ma vie. Il me manque quelque chose.

Connaître quelqu’un, c’est comme travailler à la réalisation d’un puzzle inachevable. On assemble les petites pièces d’abord, et ce faisant on apprend ainsi à se connaître mieux.