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Critique de lilicrapota


J'aborde cet ouvrage avec une joyeuse excitation : j'adooooore que masse critique m'adresse des oeuvres avant leur date de parution, et de surplus, celle-ci est éditée dans une de mes collections préférées!
Comme d'ordinaire, je prends le temps de m'imprégner de la 4ème de couverture, de découvrir l'auteur, son oeuvre... Je tique un peu en lisant qu'il s'est inspiré de ce qui leur est arrivé, à sa femme et à lui, il y a 10 ans : aura-t-il le talent de le transfigurer?
La lecture commence par un chapitre 1 autobiographique qui résonne comme un prologue, une sorte de mise en condition, de justification... et lorsque je découvre que le chapitre 2 en est la poursuite, je commence à ressentir la même exaspération que celle qui m'avait saisie à la lecture de "D'après une histoire vraie" : les circonstances sont les mêmes et il est difficile de ne pas faire le parallèle : l'écrivain grisé par son succès précédent se demande s'il pourra un jour écrire quelque chose d'aussi bon. Chez Delphine de Vigan, l'autobiographie glisse progressivement vers le roman, sans même que l'on s'en rende compte. Chez Reinhardt, pas de glissement, la rupture est brusque mais annoncée : il faut quand même attendre la p.75 pour que l'histoire, -celle annoncée par la 4ème de couverture-, commence. Nicolas et Mathilde, miroir parfait de l'auteur et de son épouse, c'est à nouveau son histoire qu'il raconte, le combat contre le cancer, le flottement des corps, de la vie, l'ancrage de leur amour, les errements de l'âme et du coeur, à ceci près que dans son histoire "réelle", il a laissé passer Marie, rencontre opportune qui ravive les mois/années passés. Dans l'histoire de Nicolas et Mathilde, il choisit de la saisir, cette chance-là de vivre cette parenthèse avec Marie, comme une façon de boucler la boucle, d'aller au bout, de ne pas laisser l'inachevé en suspens, d'aller voir la mort de près, pour l'être justement, prêt, lorsqu'elle viendra toquer.
Exorciste, ce roman, sans doute. Pour ma part, je ne sais pas trop quoi en penser. Dans le style, on devine l'urgence des phrases qui n'en finissent pas, ce refus de devoir s'arrêter, ce refus du définitif. de virgule en virgule, de prépositions en juxtapositions, c'est une sorte d'écriture automatique qui suit le fil de la pensée de l'auteur, comme s'il n'avait rien d'autre à quoi se raccrocher. Une sorte d'urgence désespérée, en somme. Ce style en rebutera certains, cela ne fait pas de doute ; mais l'exaspérant ne réside pas dans ces phrases à rallonge et qui essouflent... l'exaspérant se niche dans les interventions impromptues et incessantes de l'auteur dans le fil de son récit. Jamais il ne laisse vivre ses personnages, jamais on ne peut se laisser porter et s'identifier ; non, jamais. L'auteur vient commenter, justifier, expliquer le moindre de ses choix narratifs, rappelant constamment, au fond, que ce n'est rien moins que sa propre histoire qu'il écrit, encore et encore, de miroir en miroir, une mise en abyme à plusieurs étages (le roman se terminant par l'éventualité d'une 3ème histoire, à l'identique des deux précédentes). L'impression que cela me laisse, c'est d'être un chien tenu, justement, en laisse, et constamment freiné dans sa course par un maître qui me ramène à ses pieds :-(

Cette impossibilité de mettre un point final à son histoire, en se projetant continuellement dans de nouvelles façons de la raconter, donc de la vivre, montre que la page n'est pas tournée. La transfiguration, -l'essence de l'art!-, est ratée, l'essai n'est pas transformé. L'idéalisation de son amour pour sa femme malgré les épreuves, la souffrance de ce combat contre le cancer, l'envie quelque peu messianique de sauver le monde, le besoin d'aimer, de se sentir vivant... beaucoup de thèmes sont abordés, mais le seul qui manque, c'est justement celui qui sous-tend l'ensemble du "roman" : la peur de la mort. On sent l'auteur pas encore très "mûr" ; du coup ça manque de distance, le fait que la douleur soit encore bien présente rend ce roman assez impudique. L'excuse donnée, dès les premières pages, c'est d'aider les gens en proie aux mêmes coups du sort. Mais (à mon avis), pour cela ce n'était pas un roman qu'il fallait écrire. le roman, il vient après la digestion, pas pendant ;-)
Je ne peux m'empêcher d'établir (là encore) un parallèle avec l'incroyable et exceptionnel "Clair de femme" de Romain Gary. On retrouve la même problématique de base (femme malade, époux éploré) et la même complète idéalisation de l'amour. On retrouve aussi la "tierce" personne, celle que l'on va aimer (Nicolas avec Marie) pour mieux aimer la première. Mais si chez Reinhardt l'expérience s'arrête là, avec des émotions qui ne dépassent pas celles ressenties par l'auteur, chez Gary il y a transfiguration, transformation, sublimation ; la portée est toute autre.
Ne vous fiez donc pas à la 4ème de couverture, finalement mensongère : il ne s'agit pas de Nicolas et Mathilde, mais de différentes façons d'écrire une même histoire, avec des embranchements, des choix qui diffèrent : Eric et Margot, Nicolas et Mathilde, Fréderic et Marlène ; une façon pour l'auteur de vivre par procuration les choix qu'il n'a pas faits (et qu'il regrette?)
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