C'était aux confins du désert, au terme de la piste carrossable ; le jour, un 15 juin ; et l'heure, celle du marché à Bir-El-Kzaïm, quand l'air tremble.
Donc sur la place, on boit le zrigue. La Mauritanie absorbe son soleil quotidien, le mouton a des odeurs rudimentaires et Alamed Ould Alamed joue de la tidinit. Personne ne tend l'oreille vers le désert...
Et pourtant le vent des sables porte déjà la rumeur d'un curieux équipage.
Mais à Bir-El-Kzaïm, on boit le zrigue. Le fondouk, sombre sous le feu insolent, inerte et suspendu. À l'ombre d'un mur de banco, les anciens racontent. L'ex-goumier, le passeur d'âmes et l'estafette de la mission militaire n'en finissent pas de polir le passé. "Le commandant de cercle avait une tache de son, juste entre les deux yeux, oui mes fils. Et c'est à cet endroit précis qu'est venue se loger la balle qui fut le signal de la Révolution. Vingt-six grammes de maillechort et la fin du règne du commandant Garnier. Oui, mes fils." Le passé a plus d'importance que l'avenir et les petits-fils ne tendent pas l'oreille vers le désert.
Pendant ce temps la piste du Sud pousse lentement vers les hommes une de ces vieilles gloires de la General Motors qui portent jusque dans les sables leurs ridelles de misère.
À Bir-El-Kzaïm, comme ailleurs dans le monde, personne n'attend l'événement qui doit bouleverser les nations. Il va surgir sans être soupçonné.
Pendant ce temps, le désert travaille. Le véhicule est vieux et tracassier. On le soupçonne d'avoir fait d'un bout à l'autre la guerre du Fezzan. Il roule au pas, conduisant de dunes en dunes vers les maisons de banco les treize premiers personnages de cette extravagante histoire.
Mais ces agissements sont toujours demeurés dans l'ombre parce que nous avons appris à nos dépens, par le passé, qu'une intervention ouverte de l'une ou l'autre des fédérations menait tout droit à la guerre, non seulement entre autochtones et extraterrestres, mais entre le Cygne et l'Aigle.
C’est toujours le fou qui se lasse le premier de ses grimaces.
Passy stupéfait se demande s'il est plus désespérant pour un animal fabuleux d’exister sur un monde qui n’existe pas, ou de ne pas exister sur un monde qui existe…
Le vrai danger est de se méprendre sur son péril. En évaluer la mesure exacte, c'est déjà le circonscrire dans le temps et l'espace.
Une seule note soufflée simultanément par dix instruments identiques porte plus loin que dix sonneries désunies. Il doit en être ainsi de vos pensées : une seule clameur, une seule vague et aucune digue ne pourra vous contenir.
Tant il est vrai que l'on reste ignorant de ce que l'on sait tout le temps qu'on est pas convaincu de ses propres connaissances.
C'est au prix de mille heures d'entraînement que l'archer lance sa flèche au but. Mais ce résultat acquis, qu'il vienne à négliger la pratique quotidienne de son art, et le trait s'égare et la proie se dissipe.