Songeur, la poire ajouta finalement :
-" je ne redeviendrai plus jamais comme j'étais avant! Tu vas devoir t'y faire car je ne veux pas.
- Passe à autre chose l'exhorta soudain Louisa. Arrête de te mortifier tu n'es pas responsable de tout! Avance. La perpétuité réelle n'existe pas, et tu ne la mérites pas "
Il resta plus d’une heure debout, immobile, face au lit du couple. Il toisait la jeune femme qui dormait nue, sa hanche découverte. Puis il examina l’homme à ses côtés. Sa grande idée lui vint ici, comme une évidence ; comme les pièces d’un puzzle qu’il avait sous les yeux depuis des années et qu’il parvenait enfin à assembler. On en parlerait. Une apothéose.
Il avait tant changé ! Il n'avait plus grand-chose de l'enfant angélique sur les photos et n'avait gardé de l'adolescent que son air triste. Son corps était plus rondouillard, lui qui paraissait très sportif à l'adolescence. Mais en l'observant plus attentivement, elle reconnut ses beaux yeux bleus, et ses cheveux blonds.
Elle se mit à craindre les hommes, elle qui ne les avait jamais fuis. La présence de ses patients masculins, même si elle les connaissait, lui devenait de plus en plus désagréable. Là encore, rien n'était conscient, le problème était physique. Mais il fallait qu'elle travaille, qu'elle masque... qu'elle demeure professionnelle.
Les fois suivantes, en revanche, les choses se compliquèrent. Même seule dans l'ascenseur, elle se sentait atteinte de claustrophobie. L'angoisse étreignait sa poitrine et l'empêchait de respirer. Elle était mal... La sensation d'étouffer, inexplicable, et qu'elle s'efforçait de contrôler... de rationaliser, sans résultat.
Elle réussit ! Rien n'avait changé chez elle ; ce salaud ne l'avait pas transformée ni diminuée. Jamais il n'aurait ce pouvoir...
On s'en était pris à sa fille, on avait usé d'elle contre son gré, on lui avait fait du mal. Elle aurait voulu être aussi forte qu'elle, mais entendre tout ça était trop dur. Déborah s'en voulait de faire ainsi souffrir sa mère.
ELLE RACONTAIT SON AGRESSION comme si elle en avait été le témoin. Étrangement, elle en revoyait chaque détail avec un regard extérieur, comme une scène dont elle aurait été la spectatrice. Comme si ce n'était pas elle qui avait vécu tout ça. Une autre femme. Une autre Déborah.
Vous ne pouviez rien faire face à un couteau, lui assura la Poire. Même un homme entraîné ne s'y risque pas.