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Critique de florigny


Alec et Meg Chipstead, nouveaux propriétaires de Wyvis Hall, splendide demeure géorgienne, découvrent en inhumant leur chien dans le petit cimetière ancestral réservé aux animaux de compagnie, le cadavre d'une jeune femme et d'un bébé. Une enquête est ouverte (quantité négligeable dans l'histoire), tandis que paraît dans un quotidien londonien, un entrefilet qui fait remonter en surface des souvenirs vieux de 10 ans chez Adam, Shiva, Rufus. Ces trois hommes, bien installés dans leur vie, se sont connus au temps de leurs études, ont séjourné ensemble à Wyvis Hall, rebaptisé par eux Trapellune, anagramme de « nulle part », et se sont juré, après les évènements dramatiques qui s'y sont déroulés, de ne jamais chercher à se revoir ni même à se contacter.


Eté 1976 : un été qui a marqué les esprits locaux en raison d'une canicule aussi rare qu'exceptionnelle sur le Suffolk. Adam, alors âgé de 19 ans s'apprête à entrer à l'université à la rentrée, quand il hérite de Wyvis Hall. Etudiant désargenté, dans l'impossibilité financière d'entretenir un tel bien, Adam décide de le vendre et se rend sur place en compagnie de son ami Rufus, étudiant en médecine, pragmatique et volontiers cynique, pratiquant « la chasse aux femmes », pour rencontrer un agent immobilier. Mais là : « Ils avaient déjeuné au bord du lac, allongés dans l'herbe. le caractère magique du lieu les avait gagnés à leur insu ; ils avaient été ensorcelés par la chaleur, la luminosité, les senteurs du jardin et le silence qui enveloppait tout. Ils avaient sans doute aussi perçu autre chose : un ingrédient indéfinissable qui les exaltait, sans doute lié à un passé archaïque, ou bien à une promesse d'avenir ». Adam et Rufus ont découvert le jardin d'Eden et décident d'y séjourner. Des amis ou vagues connaissances se joignent à eux, Shiva, vendeur en pharmacie qui souhaite intégrer une faculté de médecine, et sa compagne Vivien, d'origine autrichienne, fascinée par l'Inde, qui porte le kamiz, le salwar et le dupetta.


Il manque encore Zosie, la dernière à entrer en scène. Elle marche sur la route de Nunes en compagnie de son sac à dos qui contient un vêtement, une ceinture en cuir et quelques piécettes. Elle ne sait ni d'où elle vient ni où elle va, porte une bague en or, sa seule possession. Ces errances suffisent à Rufus pour l'intégrer au sein de la communauté. Zosie paie son gîte et son couvert en s'offrant à Rufus avant de devenir le grand amour d'Adam. C'est une jeune femme blessée, psychologiquement vulnérable. Elle vient d'abandonner son nourrisson à l'adoption.


Tout ce petit monde s'organise sur le mode d'une communauté auto-subsistante. Trapellune-jardin-d'Eden, offre en abondance à ses membres des récoltes de fruits et de légumes gorgés de soleil. L'été brûlant se déroule dans une atmosphère permissive, désinhibée. Les corps se libèrent, se mélangent. Toutes les expériences sexuelles sont naturelles, encouragées par la marijuana. L'été 76 est un temps suspendu, rien d'autre n'existe que Trapellune, sa liberté, sa chaleur, jusqu'au moment où l'automne laisse les terres grillées, où les premiers orages éclatent en annonçant la perte du paradis.


Roman à la lenteur hypnotique, roman générationnel, l'Eté de Trapellune est envoûtant. Ruth Rendell, au sommet de son art, offre des descriptions d'une beauté et d'une justesse à pleurer. Chaque phrase mérite d'être apprise par coeur, tellement la portée de ses observations psychologiques est universelle. Tout au long de l'histoire, le passé et le présent des 3 protagonistes principaux sont enchevêtrés, tant ils ont de mal à oublier cet été 1976, qui 10 ans plus tard, a encore des conséquences sur leur vie sous forme de séparation conjugale, alcoolisme, dépression, tant le poids de la culpabilité est lourd à porter. Mais il ne faut pas oublier pour autant que Ruth Rendell est une experte du roman psychologique noir foncé. C'est donc dans les dernières pages que se déploie son immense talent qui explicite aussi le titre anglais de L'été de Trapellune.
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