Citations sur L'Affaire Alice Crimmins (25)
"Une serveuse de cocktails rousse et attirante", "une femme bien proportionnée" lit-on ici et là. Au fil du temps, Alice Crimmins devient, dans les journaux, une "femme au foyer du Queens à la moralité de hamster", puis "une Circé, une femme amorale". Elle s'évanouit ? On se moque : elle l'a forcément fait exprès, pour éviter de devoir s'expliquer. Elle ne pleure pas assez ? On s'offusque : une mère qui ne pleure pas ne peut pas être tout à fait innocente.
Une ancienne élève d'un établissement catholique du Queens se souvient de l'ambiance qui régnait dans le quartier, à la fin de l'été : "Il y avait toujours trois choses dans la salle de classe de mon école catholique : le drapeau américain, un crucifix et une statue de la Vierge Marie. Chacun de ces symboles servait d'amulette, pour nous protéger contre ses équivalents profanes : le drapeau se dressait contre le communisme ; le crucifix se dressait contre Satan ; et, au début de l'année scolaire 1965, la Vierge Marie se dressait contre Alice Crimmins."
Alors, qu'attend-on pour résoudre l'affaire Crimmins ? Dans ces conditions, Alice Crimmins apparait comme la coupable idéale, expose le journaliste Ken Gross. "Dans l'imaginaire collectif, si ce n'était pas la mère qui avait tué les enfants, alors cela voulait dire que tout le monde était en danger. Mais si c'était elle, alors les gens étaient en sécurité. C'était tellement plus facile de croire que c'était elle."
L'affaire Crimmins a hanté pendant longtemps les couloirs des tribunaux new-yorkais. Sous couvert d'anonymat, un ancien juge affirme que "crimminser" serait même devenu un verbe dans le jargon juridique new-yorkais. Dans quel contexte ? "Crimminser une affaire, ça veut dire balayer sous le tapis les erreurs du procureur ou de la police en faisant condamner un innocent."
Effacée des carnets de détectives, rayée des agendas des avocats et des tribunaux, laissée tranquille par la presse, elle passe alors du côté de la fiction. Le premier roman inspiré par son histoire était sorti en 1975, au moment où elle retournait derrière les barreaux à Bedford Hills. Il était titré 'La maison du guet' et publié par une écrivaine au nom alors quasiment inconnu du grand public, Mary Higgins Clark. L'auteure avait trouvé l'idée du livre, qui deviendrait son premier best-seller, en lisant les journaux.
C'était tellement plus facile de croire que c'était elle.
A une époque où les femmes commençaient à réaliser à quel point elles étaient oppressées, le procès d'Alice Criminels touchait au nœud du problème : le rôle de la mère et son contrôle. Ne mettez pas de loquets sur les portes ! Surveillez vos enfants ! Ne vous envoyez pas en l'air ! Cette affaire est l'une des plus grandes causes féministes de cette époque, mais les féministes sont complètement passées à côté.
" Dans l'imaginaire collectif, si ce n'était pas la mère qui avait tué les enfants, alors cela voulait dire que tout le monde était en danger. Mais si c'était elle, alors les gens étaient en sécurité. C'était tellement plus facile de croire que c'était elle. "
Je voulais juste raconter ma version de l’histoire et tout ce qui l’intéressait, c’était ma vie sexuelle. Je voulais dire que j’étais innocente, il ne m’a pas laissée parler. Il n’arrêtait pas d’insister sur un seul point : la vie sexuelle.
Dans une interview d'elle qu'il réalisera après le procès, Alice Crimmins reviendra sur cette pénible journée face à Anthony Lombardino : "En relisant les transcriptions, je sais que j'ai pu donner l'impression d'être une garce à ceux qui ne me connaissaient pas. Mais il m'a attaquée dès l'instant où il s'est levé. Et ça m'a énervée. Je voulais juste raconter ma version de l'histoire et tout ce qui l'intéressait, c'était ma vie sexuelle. Je voulais dire que j'étais innocente, il ne m'a pas laissée parler. Il n'arrêtait pas d'insister sur un seul point : ma vie sexuelle." (p. 108)