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Critique de PatriceG


Non ce n'est pas la première fiction de Maël Renouard, il chemine gentiment, en dehors du star-système, mais sûrement, et le jour où il éclatera de son talent aux yeux de l'opinion, eh bien celle-ci aura indubitablement un temps de retard.
Et avec ce Historiographe du royaume, il en prend résolument le chemin. C'est un littéraire philosophant et on se régale à le lire, toujours sur un sujet inattendu, un sujet balisé par des empreintes qui ne lui sont pas inconnues qui relèvent à la fois de son expérience personnelle et de sa culture
Personnellement, j'aime !..Il a tout d'un grand, et je doute qu'il reste au niveau du Tambour


Celle dont je ne me souviens jamais de son nom qui est écrivain et critique littéraire sur France 2, je vais toujours chercher vers Canterbury, Barbery, je ne suis pas alzheimer, il s'agit de Olivia de Lamberterie, qu'elle me pardonne, me laisse deux choses qui sont distinctes dans ma mémoire : la perte touchante de son frère qu'elle a si bien racontée et son idée de page 69 ou de cet ordre là, peu importe. La perte de son frère me touche non pas directement parce que je n'ai pas de frère, mais parce que comme elle j'ai perdu l'être cher et je sais ce que cela veut dire ; elle a attendu trois pour publier, c'est le délai minimal qu'il faut dans ce cas pour éviter de trop céder à l'émotion et au pathos, même si la prise de notes est nécessaire car sinon c'est un autre ennemi qui prend la place, l'oubli (au niveau du détail narratif, bien sûr). Un jour un quidam avait reproché publiquement à Angot d'avoir écrit son Inceste 10 ans après la chose, je l'invite à comprendre tout simplement ! Et j'en arrive à cette page 69 pour Olivia de Lamberterie, c'est le nombre qui lui faut pour décider si elle décide de poursuivre la lecture d'un livre ou pas. Bon, il est possible que dans sa formulation ce soit un temps professionnel qu'elle observe pour ne pas s'attirer de critiques éventuelles à son tour, mais quand même ! Moi au bout de 2 ou 3 pages, quand un livre me tombe des mains, même si je m'efforce d'éviter cela, c'est rédhibitoire. Ici en refeuilletant L'Historiographe du royaume, je tombe par hasard à la page 69 et je lis ceci :

" Dans ma chambre, je pris une feuille de papier, un crayon, et je m'installai à l'étroite table de bois, aux jointures élargies par la sécheresse. Un cendrier était posé dessus, un cendrier Martini en forme de triangle, dont la présence ici me fit sourire, et me transporta un instant dans le souvenir de mes années à Paris, au Quartier latin. Toi aussi, tu es en exil, lui dis-je en pensée ; et je notai cette esquisse de poème :
Ô figurine !
Aie pitié du géant qui te tient entre ses doigts, et te mène où il veut.
Car entre les doigts du calife, il n'est qu'une humble pièce de bois sculpté, semblable à toi.
Ô joueur !
Aie pitié du calife qui te plie à son vouloir,
Car entre les doigts du puissant maître des mondes,
Il est docile et vulnérable comme la plus faible des pièces, celle que les sages ont appelé "roi"

Je n'en fus pas satisfait ; mais une seconde inspiration me fit, presque aussitôt, écrire de nouveaux versets :

Le joueur prend le pion entre ses doigts et le pousse, dans la case blanche et la case noire ;
(Page 70) le calife prend le joueur entre ses doigts et le pousse, dans la grâce et la disgrâce ;
Le maître des mondes prend le calife entre ses doigts et le pousse, dans le jour et dans la nuit ;

Je m'arrêtai un instant ; je songeai au dernier verset ; j'hésitai, puis j'écrivis ces mots :
Mais nul ne prend le maître des mondes entre ses doigts et ne le pousse, dans l'être et le non-être !

Je pliai le papier, et le rangeai au fond de mon parte-feuille."

Bon on a bien compris que je n'ai pas attendu la page 69 avec Maël Renouard. ici c'est comme lorsque je vais en Bretagne, je suis déjà à Alençon et qu'est-ce qui pourrait me raviser, en tout cas pas le manque de résolution, dans la langue de maître Renouard, ça s'appelle le talent.


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