Citations sur Une anthologie de la poésie française - Bouquins (9)
LES DJINNS
Murs, ville
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise,
Tout dort. (…)
(V. Hugo)
Extrait de LES DEUX PIGEONS
Amants, heureux amants, voulez-vous voyager?
Que ce soit aux rives prochaines ;
Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau ;
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.
J'ai quelquefois aimé : je n'aurais pas alors
Contre le Louvre et ses trésors,
Contre le firmament et sa voûte céleste,
Changé les bois, changé les lieux
Honorés par les pas, éclairés par les yeux
De l'aimable et jeune bergère
Pour qui, sous le fils de Cythère,
Je servis, engagé par mes premiers serments.
J. de la Fontaine
Beaucoup de ces dieux ont péri
C’est sur eux que pleurent les saules
Le grand Pan l’amour Jésus-Christ
Sont bien morts et les chats miaulent
Dans la cour je pleure à Paris
Moi qui sais des lais pour les reines
Les complaintes de mes années
Des hymnes d’esclave aux murènes
La romance du mal aimé
Et des chansons pour les sirènes
L’amour est mort j’en suis tremblant
J’adore de belles idoles
Les souvenirs lui ressemblant
Comme la femme de Mausole
Je reste fidèle et dolent
Je suis fidèle comme un dogue
Au maître le lierre au tronc
Et les Cosaques Zaporogues
Ivrognes pieux et larrons
Aux steppes et au décalogue
Portez comme un joug le Croissant
Qu’interrogent les astrologues
Je suis le Sultan tout-puissant
O mes Cosaques Zaporogues
Votre Seigneur éblouissant
Devenez mes sujets fidèles
Leur avait écrit le Sultan
Ils rirent à cette nouvelle
Et répondirent à l’instant
A la lueur d’une chandelle.
GUILLAUME APOLLINAIRE
Cà, çà pour le dessert troussez-moi votre cotte
Cà, ça pour le dessert troussez-moi votre cotte,
Vite, chemise et tout, qu'il n'y demeure rien
Qui me puisse empêcher de reconnaître bien
Du plus haut du nombril jusqu'au bas de la motte.
Voyons ce traquenard qui se pique sans botte,
Et me laissez à part tout ce grave maintien,
Suis-je pas votre coeur, êtes-vous pas le mien,
C'est bien avecque moi qu'il fait faire la sotte.
- Mon coeur, il est bien vrai, mais vous en prenez trop,
Remettez-vous au pas et quittez ce galop,
- Ma belle, laissez-moi, c'est à vous de vous taire.
- Ma foi, vous vous gâtez en sortant du repas.
- Belle, vous dites vrai, mais se pourrait-il faire
De voir un si beau c... et ne le f... pas ?
(F. de Malherbe)
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
(P. de Marbeuf)
LEURS YEUX TOUJOURS PURS
Jours de lenteur, jours de pluie,
Jours de miroirs brisés et d'aiguilles perdues,
Jours de paupières closes à l'horizon des mers,
D'heures toutes semblables, jours de captivité,
Mon esprit qui brillait encore sur les feuilles
Et les fleurs, mon esprit est nu comme l'amour,
L'aurore qu'il oublie lui fait baisser la tête
Et contempler son corps obéissant et vain.
Pourtant j'ai vu les plus beaux yeux du monde,
Dieux d'argent qui tenaient des saphirs dans leurs mains,
De véritables dieux, des oiseaux dans la terre
Et dans l'eau, je les ai vus.
Leurs ailes sont les miennes, rien n'existe
Que leur vol qui secoue ma misère,
Leur vol d'étoile et de lumière (1)
Leur vol de terre, leur vol de pierre
Sur les flots de leurs ailes,
Ma pensée soutenue par la vie et la mort.
(P. Eluard)
Ainsi, ce chemin de nuage,
Vous ne le prendrez point,
D'où j'ai vu me sourire au loin
Votre brillant mirage ?
Le soir d'or sur les étangs bleus
D'une étrange savane,
Où pleut la fleur de frangipane,
N'éblouira vos yeux ;
Ni les feux de la luciole
Dans cette épaisse nuit
Que tout à coup perce l'ennui
D'un tigre qui miaule.
LA NEGRESSE BLONDE
Cannibale, mais ingénue,
elle est assise, toute nue,
sur une peau de kanguroo,
dans l'île de Tamamourou !
Là, pétauristes, potourous,
ornithorynques et wombats,
phascolomes prompts au combat,
près d'elle prennent leurs ébats !
(…)
Or des Pierrots,
de blancs Pierrots, de doux Pierrots
blancs comme des poiriers en fleurs,
comme la fleur
des pâles nymphéas sur l'eau,
comme l'écorce des bouleaux,
comme le cygne, oiseau des eaux,
comme les os
d'un vieux squelette,
blancs comme un blanc papier de riz,
blancs comme un blanc Mois-de-Marie,
de doux Pierrots, de blancs Pierrots
dansent le falot boléro,
la fanfoulla, la bamboula,
éperdument au son de la
maigre gusla,
autour de la
Négresse blonde.
(G. Fourest)
(à Georges Auric)
Il se peut qu’un rêve étrange
Vous ait occupée ce soir,
Vous avez cru voir un ange
Et c’était votre miroir.
Dans sa fuite Éléonore
A défait ses longs cheveux
Pour dérober à l’aurore
Le doux objet de mes vœux.
À quelque mari fidèle
Il ne faudra plus penser.
Je suis amant, j’ai des ailes
Je vous apprends à voler.
Que la muse du mensonge
Apporte au bout de vos doigts
Ce dédain qui n’est qu’un songe
Du berger plus fier qu’un roi.
(M. Jacob)