Je me précipite. Mon précieux snowboard est là, à peine visible trente mètres plus bas dans une étroite crevasse. Quand je relève les yeux vers elle, je vois un sourire qu'elle s'empresse de dissimuler. Finalement, nous ne nous sommes pas comprises. Elle ne s'en rend peut-être pas compte, mais c'est une déclaration de guerre.
P25 : "Je referme la porte d'un coup et je reste là, le souffle court. Je savais que je me heurterais à ce problème en revenant ici. Il y a trop de portes que je ferais mieux de ne plus ouvrir".
P50: "J'étais déçue, mais je m'étais dit qu'il était sans doute trop occupé. Et trop mâle. Un mec, çà n'écrit jamais plus que le nécessaire."
P334 : "Je ne peux pas arrêter de tenir à toi, Milla. Et je pensais que tu tenais à mpoi toi aussi.
Je n'ai pas le temps pour tout çà. "
Chaque année c'est la même chose. Le glacier rend ses cadavres.
L'immense masse de glace , là-haut ,est une rivière gelée qui coule si lentement que l'on ne s'en aperçoit pas. Des victimes de toutes les époques se côtoient dans les profondeurs vitreuses. Certaines émergent à la surface , d'autres au front du glacier. Impossible de savoir qui sera la prochaine à réapparaître.
"Vous entrez dans une zone de haute montagne. Danger : crevasses, avalanches ! N'avancez qu'à vos risques et périls !" L'avertissement était répété en six langues, mais nous sommes passés sous les barrières pour monter dans la poudreuse.
- Il n'y a pas que le fait de gagner dans la vie.
- Et qu'est-ce qu'il y a d'autre ?
- Les amis, la famille, la vie, quoi !
Quelle idée stupide. Je n'avais pas à me retrouver là dessous. Pourquoi n'avons nous pas enterré tout simplement une balise comme tout le monde? Je rassemble mes forces et j'essaie encore, en poussant vers le haut des deux mains. De la neige me tombe dessus et dans la bouche. Je la recrache en toussant, vraiment paniquée maintenant. Et je comprends soudain que tout se déroule comme Saskia l'avait prévu.
Il n'y a pas que le fait de gagner dans la vie.
Il n’y a pas que le fait de gagner, dans la vie.
Et qu’est-ce qu’il y a d’autres ?
Les amis, la famille, la vie quoi !
Je suis emprisonnée dans mon tombeau sombre et glacé. J’essaie toujours de gratter la glace, qui semble aussi dure que du granit. Je Gratte si fort que je dois être en train de m’écorcher les doigts, ils sont trop engourdis pour que je le sente mais ça ne sert à rien
Mon dieu, que ça m’a manqué. Cette blancheur lumineuse. Le poids familier de mon snowboard sous le bras, comme d’autres femmes portent un sac à main.