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Critique de SZRAMOWO


Quand j'ai vu les 67 critiques alignées sur le livre de Yasmina Reza, j'ai failli renoncer, puis finalement en les lisant je me suis dit pourquoi ne pas en ajouter une 68ème ?
Comme dirait mon ami l'Ecclésiaste, s'il était encore parmi nous, «vanitas vanitatum omnia vanitas», j'ai donc cédé à ce mouvement naturel et humain.
Un peu comme les héros de Heureux les heureux. Yasmina Reza nous entraîne dans un microcosme qui ressemble à celui dans lequel nous évoluons chaque jour. Nous y retrouvons nos parents, nos amis, nos enfants, les enfants de nos amis, le travail, les loisirs, notre appartement ou notre maison, celle des autres, ce que nous croyons, et ce à quoi nous ne croyons pas ou plus, la religion, les courses au supermarché le soir ou le week-end, les médecins, la mort, la vie, enfin tout quoi !
Odile et Robert Toscano, Lionel et Pauline Hutner, Vincent Zawada et sa mère, Marguerite Blot la prof d'espagnol et son prof de maths d'amant Jean-Gabriel Vigarello, fan des Beatles qui a poussé en graine (en mauvaise graine), Rémi Grobe le consultant qui a réussi,
L'avertissement de Jorge Luis Borges, en exergue du roman, nous tient lieu de viatique pour ce voyage, «Heureux les aimés et les aimants et ceux qui peuvent se passer de l'amour. Heureux les heureux
Gare à ce qui est vendu comme de l'amour au départ et qui, peu à peu, se transforme en «vie domestique accomplie » : engueulades au supermarché pour avoir acheté un morceau de morbier et oublié que les enfants préfèrent le gruyère insipide ; conflits pour obtenir l'extinction de la lampe de chevet de son épouse chérie qui veut continuer à lire alors que l'on tombe de sommeil ; exaspérations des Hutner devant les réactions téléphonées des Toscano qui se « moquent de notre côté fusionnel » et se gaussent de notre «image de couple confit dans un bien-être asphyxiant ».
Tout ce petit monde est relié, par la supposée amitié « Les Toscano sont nos amis de toujours bien qu'il ne soit pas si facile de maintenir une amitié de couple à couple » dit Pascaline Hutner, «Il aurait fallu que nous puissions nous voir séparément ....ou peut-être même de façon croisée.» l'adultère pointe son nez....
Les états d'âme du couple ne sont rien comparée à leur angoisse face à la lubie de leur fils Jacob. Fan de Céline Dion, il a commencé par l'imiter et avec le temps a finit parse prendre pour elle...
L'avocate Odile Toscano se rend à Wandermines, elle défend une association de défense des victimes de l'amiante, elle a demandé à Rémi Grobe de l'accompagner, elle le présente comme un collaborateur, une couverture idéale pour cacher leur escapade à Douai « Je me suis couché sur elle, je l'ai embrassée, déshabillée, on a fait l'amour avec la gueule de bois et c'était juste la bonne dose de douleur.»
Que dire de Chantal Audouin la «décoratrice d'événements» à la morale défaillante, « quand on rencontre quelqu'un, on ne s'intéresse pas à son état-civil.», elle s'éprend d'un secrétaire d'état, Jacques Ecoupaud, à l'occasion d'un salon à Bercy « la performance française des auto-entrepreneurs. »
Il se présente comme un libertin et un soir lui impose la présence de Corinne, mais Chantal est déçue, «J'attendais le marquis de Sade et j'avais un type vautré qui disait Eh ben, rapprochez-vous les filles !»
Finalement après avoir appris par Thérèse, la femme légitime de Jacques, qu'elle n'est pas sa seule maîtresse, elle commet une tentative de suicide. En sortant du cabinet du docteur Igor Lorrain, elle rencontre « un long jeune homme brun qui a de beaux yeux clair, toujours souriant; Un québécois.» Il prétend s'appeler Céline....
Jeannette Blot, la mère d'Odile, est mariée à Ernest, une figure de la banque française sorti de l'ENA en 1965.
le jour de ses soixante-dix ans, sa fille Odile lui déclare « tu ne t'habille pas Maman, tu te couvres de textiles », et la convainc de refaire sa garde-robe. La séance d'essayage tourne au drame « On ravale toutes ses larmes pendant des années et voilà qu'on pleure sans raison dans un salon d'essayage de Franck et fils ».
De même la leçon de conduite avec sa belle-soeur Marguerite se termine par « La voiture se cabre, percute et racle la barrière blanche. Puis s'immobilise. »
Yasmina Reza nous propose une analyse sociologique d'un clan, d'une tribu, d'une caste où les gens se connaissent et sont reliés par des liens visibles ou officieux.
Ces relations tressent un canevas social dans lequel l'auteur nous promène, nous faisant jouer le rôle d'observateur et de moraliste, n'hésitant pas à jouer avec nos peurs, notre voyeurisme, nos envies, nos dégouts.
Dans l'histoire il y a trois médecins, un cancérologue, Philippe Chemla, un psychanalyste Igor Lorrain et un Cardiologue le Docteur Yaoun, ce n'est pas un hasard s'ils représentent les trois pathologies les plus dévastatrices en France.
Au fil de la lecture, le lecteur effectue des retour arrières, se remémorant les personnages qu'ils a vu décrits dans des postures diverses, chacun est tour à tour, père, mari ou amant, mère, femme ou maîtresse, prof d'Espagnol ou amante, secrétaire médicale ou amante,
partenaire de poker et ami, ami de l'amant, ami de la maîtresse...
A la fin, les pièces d'un puzzle dont la logique a été éparpillée dans les 21 portraits de ce livre qu'on lit avec gourmandise et sans retenue, permettent de dresser une carte complète des parcours, des liens et des entrelacs de ces personnages à la fois sympathiques, pathétiques et détestables.
On peut aussi lire ce livre comme un manuel de savoir vivre, dans la mesure où il agit comme un miroir, déformant certes, mais sans concession, de nos errements de pauvres humains à la recherche du bonheur.
Loula Moreno, l'actrice adulée, cite Pavese :
"les fous, les maudits ont été enfants, ils ont joué comme toi, ils ont cru que quelque chose de beau les attendait"

Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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