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Critique de mh17


Connaissez-vous Picabia ?
Francis Picabia (1879-1953) a passé sa vie à dépasser les bornes. Il vivait à cent à l'heure, Il adorait les bolides, la fête, l'opium. Dandy, séducteur invétéré et pourtant toujours fidèle à son égérie Gabriële Buffet avec qui il eut quatre enfants, il demeure insaisissable. Il ne s'est jamais laisser enfermer dans une école, un machin en-isme. Ils participa pourtant activement à tous les mouvements modernes. Il fut post impressionniste à succès, fauviste, futuriste, cubiste, dadaïste, surréaliste...Mais à chaque fois il prend le contre-pied de l'école dans laquelle la critique veut l'enfermer. Il fuit l'ennui et il se réinvente sans arrêt sous une autre forme. Terriblement anxieux, sans doute bi-polaire, il peignait quand il était euphorique et écrivait quand il était « neuneu ». Il trichait moins avec lui-même dans ses poèmes à la fois tragiques et drôles, pleins d'inventivité et en même temps limpides.

“Ne travaillez pas, n'aimez pas, ne lisez pas, pensez à moi ; j'ai trouvé le rire nouveau qui donne le laissez-passer. Il n'y a rien à comprendre, vis pour ton plaisir, il n'y a rien, rien, rien que la valeur que tu donneras toi-même à tout. »

Jésus-Christ Rastaquouère paraît à compte d'auteur en 1920, aux éditions Au Sans Pareil avec le label Dada. A l'époque un Rastaquouère désigne de manière péjorative un Sud-Américain "basané" qui étale ostensiblement sa richesse acquise d'une manière louche. Picabia coche toutes les cases. Cet ouvrage parfaitement inclassable est soigneusement composé : une dédicace « à toutes les jeunes filles », une introduction de l'indispensable Gabriële, une entracte d'une minute, sept chapitres subdivisés en court textes aux formes disparates. On y trouve des poèmes magiques, des aphorismes formidables et désopilants, des considérations philosophiques sur l'art, encore des entr'actes avec des histoires de mauvais goût pleines d'humour noir. Et puis trois dessins épurés de Georges Ribemont-Dessaigne. C'est très classieux comme disait l'autre. Picabia dézingue à tout va les institutions, la religion (« Il faut communier avec du chewing-gum, de cette façon Dieu vous fortifiera les mâchoires »), l'armée, la justice, la politique, le mariage, l'art... Comme Nietzsche qu'il a beaucoup lu, Picabia méprise la morale chrétienne mais contrairement au philosophe allemand, il rejette tout autant l'art. Il rejette tout ce qui est sacré, les corsets, l'autorité et tous les conformismes qui créent des cases dans lesquelles on enferme la personnalité et l'originalité des gens. Il peste contre le bon goût, la morale, la pureté : « La peinture est faite pour les dentistes. » En art, il déteste ceux qui se répètent, il préfère fuir : « L'art que j'aime est l'art des lâches ». Et puis c'est au récepteur en fonction de sa personnalité de choisir ce qui lui plait sans se laisser influencer. « Toutes les croyances sont des idées chauves ». Il se moque des critiques, des intellectuels, de l'esprit de sérieux, de l'oeuvre idéale. Il ne se prend pas au sérieux du tout, il ne s'aime pas, il se « déguise en homme pour n'être rien » et "fuit le bonheur pour qu'il ne se sauve pas".
Vraiment, je recommande !
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