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Georges Ribemont-Dessaignes (Illustrateur)
EAN : 9782911188237
61 pages
Allia (19/05/1998)
3.93/5   21 notes
Résumé :
"Qui est avec moi est contre moi."
Francis Picabia

Francis Picabia (1879-1953), fut à la fois peintre, poète, pamphlétaire, et animateur de la revue 391 qu'il publait à Barcelone, Zurich ou Paris au gré de ses incessants voyages. Très tôt il se lança dans entreprise systématique de négation de l'art, illustré de dessins de Georges Ribement-Dessaignes, Jésus-Christ rastaquouère est l'oeuvre phare de Dada à Paris. Ce livre inconoclaste, scandaleu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Connaissez-vous Picabia ?
Francis Picabia (1879-1953) a passé sa vie à dépasser les bornes. Il vivait à cent à l'heure, Il adorait les bolides, la fête, l'opium. Dandy, séducteur invétéré et pourtant toujours fidèle à son égérie Gabriële Buffet avec qui il eut quatre enfants, il demeure insaisissable. Il ne s'est jamais laisser enfermer dans une école, un machin en-isme. Ils participa pourtant activement à tous les mouvements modernes. Il fut post impressionniste à succès, fauviste, futuriste, cubiste, dadaïste, surréaliste...Mais à chaque fois il prend le contre-pied de l'école dans laquelle la critique veut l'enfermer. Il fuit l'ennui et il se réinvente sans arrêt sous une autre forme. Terriblement anxieux, sans doute bi-polaire, il peignait quand il était euphorique et écrivait quand il était « neuneu ». Il trichait moins avec lui-même dans ses poèmes à la fois tragiques et drôles, pleins d'inventivité et en même temps limpides.

“Ne travaillez pas, n'aimez pas, ne lisez pas, pensez à moi ; j'ai trouvé le rire nouveau qui donne le laissez-passer. Il n'y a rien à comprendre, vis pour ton plaisir, il n'y a rien, rien, rien que la valeur que tu donneras toi-même à tout. »

Jésus-Christ Rastaquouère paraît à compte d'auteur en 1920, aux éditions Au Sans Pareil avec le label Dada. A l'époque un Rastaquouère désigne de manière péjorative un Sud-Américain "basané" qui étale ostensiblement sa richesse acquise d'une manière louche. Picabia coche toutes les cases. Cet ouvrage parfaitement inclassable est soigneusement composé : une dédicace « à toutes les jeunes filles », une introduction de l'indispensable Gabriële, une entracte d'une minute, sept chapitres subdivisés en court textes aux formes disparates. On y trouve des poèmes magiques, des aphorismes formidables et désopilants, des considérations philosophiques sur l'art, encore des entr'actes avec des histoires de mauvais goût pleines d'humour noir. Et puis trois dessins épurés de Georges Ribemont-Dessaigne. C'est très classieux comme disait l'autre. Picabia dézingue à tout va les institutions, la religion (« Il faut communier avec du chewing-gum, de cette façon Dieu vous fortifiera les mâchoires »), l'armée, la justice, la politique, le mariage, l'art... Comme Nietzsche qu'il a beaucoup lu, Picabia méprise la morale chrétienne mais contrairement au philosophe allemand, il rejette tout autant l'art. Il rejette tout ce qui est sacré, les corsets, l'autorité et tous les conformismes qui créent des cases dans lesquelles on enferme la personnalité et l'originalité des gens. Il peste contre le bon goût, la morale, la pureté : « La peinture est faite pour les dentistes. » En art, il déteste ceux qui se répètent, il préfère fuir : « L'art que j'aime est l'art des lâches ». Et puis c'est au récepteur en fonction de sa personnalité de choisir ce qui lui plait sans se laisser influencer. « Toutes les croyances sont des idées chauves ». Il se moque des critiques, des intellectuels, de l'esprit de sérieux, de l'oeuvre idéale. Il ne se prend pas au sérieux du tout, il ne s'aime pas, il se « déguise en homme pour n'être rien » et "fuit le bonheur pour qu'il ne se sauve pas".
Vraiment, je recommande !
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J'avais trois quarts d'heure à perdre, un matin d'août, à Lille ... aller boire un café ? ... Mais avant, passer dans une librairie ... Sur un bristol, la petite note manuscrite en trois couleurs (rouge, bleu, vert) d'un.e libraire, attachée par un trombone à ce petit bouquin ; le dernier du magasin :
« « Je ne donne ma parole d'honneur que pour mentir » Picabia tire à gros boulets sur la famille, la religion et toutes les entraves - Dada vaincra ! Découvrez le livre préféré de Gainsbourg : « Celui qui n'a pas lu Jésus-Christ rastaquouère est vraiment le dernier des cons ». Ne vous laissez pas insulter si facilement !». *
Bon, d'accord ! Certaines chansons de Gainsbourg sont, à mon avis, de véritables chefs-d'oeuvre, mais le bonhomme m'a toujours semblé n'être qu'un provocateur facile/habile et un con sentencieux (Sorry pour les fans).
Dans ce recueil dadaïste (1920) ; c'est-à-dire foutraque, naïf, nihiliste, absurde, insurgé et mélancolique ... sans oublier poétique, Picabia s'en prend effectivement à la religion, à toutes les religions. Mais surtout il secoue le cocotier du réel et des conventions. Il trifouille dans la plaie béante des idées reçues, ou l'on trouve pourtant de lumineuses pépites:
P.21 « Il n'y a rien à comprendre, vis pour ton plaisir, il n'y a rien, rien, rien que la valeur que tu donneras toi-même à tout »
p.22 « La réalité jette vos rêves sur le fumier ? Il faut enjamber ce fumier et entrer de plain-pied dans ce que j'appelle l'infamie rastaquouère »
p.35 « Je surpasse les amateurs, je suis le sur-amateur ; les professionnels sont des pompes à merde »
p.36 « Ce sont les mots qui existent, ce qui n'a pas de nom n'existe pas. le mot lumière existe, la lumière n'existe pas »
p.60 « Je fuis le bonheur pour qu'il ne se sauve pas » (Gainsbourg's inspiration ?!).
Allez, salut.
P.S. : * J'ai gardé le bristol comme marque-page, et j'ai laissé le trombone à un type qui jouait du bandonéon dans la rue ♪ ♫ ♪ ... à Lille, un matin d'août, où j'avais trois quarts d'heure à perdre.
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Des impressions mitigées à la lecture de ce tout petit volume dadaïste. Il faut admettre que je suis bien loin de mes 18 ans et de ma fascination pour le courant surréaliste. Paradoxalement, il m'aurait fallu un peu plus d'innocence.
D'ailleurs, comment ai-je pu passer à côté de Jésus-Christ Rastaquouère à cette époque?! j'aurais adoré... un peu moins aujourd'hui.
Malgré quelques sourires et de nombreux échos à l'absurdité du monde actuel (et j'en suis très friande, évidence que l'absurdité du monde et de son chemin étaient déjà visibles il y a un siècle), difficile de garder le fil (et c'est bien l'un des principes de dada...) avec plaisir.
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Ce livre est incroyable! A la surface il est teinté à tire-larigot de dérision et il est en profondeur imbibé de nihilisme. Sans oublier qu'il tire à boulets rouges sur toutes les conventions sociales tels que le mariage, la religion, la guerre etc.. J'ai connu cet ouvrage grâce à Gainsbourg qui possédait une édition originale.
pour finir voici quelques joyeusetés issues de ce bouquin iconoclaste : "Je ne donne ma parole d'honneur que pour mentir" "Notre phallus devrait avoir des yeux, grâce à eux nous pourrions croire un instant que nous avons vu l'amour de près"
Un de mes livres de chevet.
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Lire Dada, comme écrire Dada, ouvre un instant la braguette cervelière. Picabia parle aux jeunes filles. C'est donc à moi qu'il s'adresse, puisque quand Picabia parle, il parle aussi son contraire. Que me dit-il ? Il ne me dit rien qui vaille, il dégomme autorités, arts, famille, religion, patati, patata, il déverrouille toutes les ceintures de chasteté. de temps en temps un éclat de rire surgit, puis cela semble de la plus haute importance, puis c'est à nouveau ailleurs. Etre Dada, c'est être par principe là où on ne vous attend pas. Y a-t-il plus à comprendre ? Non, bien sûr. Comprendre n'a aucun intérêt. Il faut se laisser aller, c'est tout, et communier au chewing-gum.
Lien : https://www.lie-tes-ratures...
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
J’avais un ami suisse, nommé Jacques Dingue, il vivait au Pérou, à 4.000 mètres d’altitude ; parti il y a quelques années pour explorer ces régions, il avait subi là-bas le charme d’une étrange indienne qui l’avait rendu complètement fou en se refusant à lui. Il s’était affaibli petit à petit et ne quittait même plus la cabane ou il s’était installé. Un docteur péruvien, qui l’avait accompagné jusque-là, lui donnait des soins pour guérir une démence précoce qu’il jugeait incurable !
Une nuit, une épidémie de grippe s’abattit sur la petite tribu d’Indiens qui hospitalisait Jacques Dingue ; tous sans exception furent frappés et sur deux cents indigènes, cent soixante dix-huit moururent en peu de jours ; très vite, le médecin péruvien affolé, avait regagné Lima… Mon ami fut, lui aussi, atteint par le mal terrible, immobilisé par la fièvre.
Or, tous les Indiens morts possédaient un ou plusieurs chiens, lesquels n’eurent bientôt d’autre ressource pour vivre que de manger leurs maîtres; ils déchiquetaient les cadavres, et l’un d’eux apporta dans la hutte de Dingue la tête de l’Indienne dont celui-ci était amoureux… Il la reconnut instantanément et sans doute en éprouva-t-il une commotion intense, car il fut subitement guéri de sa folie et de sa fièvre; ses forces lui revinrent, alors prenant la tête de la femme de la gueule du chien, il s’amusa à la lancer à l’autre bout de la pièce en criant à l’animal d’apporter; trois fois le jeu recommença, le chien rapportait la tête en la tenant par le nez, mais à la troisième fois, Jacques Dingue l’ayant lancée plus fort, elle se rompit contre la mur, et à sa grande joie, le joueur de boule put constater que le cerveau qui en jaillit ne présentait qu’une seule circonvolution et affectait à s’y méprendre la forme d’une paire de fesses !…
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MON SOURIRE


“ Toutes les plantes m’appartiennent, c’est pour cela que je n’aime pas la campagne ! ”.

Il est une espèce d’oiseaux d’une grande rareté et bien difficile à connaître, car ces oiseaux ne se posent jamais ; la femelle pond ses œufs dans les airs à une grande hauteur et l’éclosion des petits a lieu avant qu’ils n’aient eu le temps d’arriver jusqu’à terre ; volant sans cesse, ignorant le repos, les battements de leurs ailes sont semblables aux battements de notre cœur ; arrête signifie mort. Ces oiseaux existent partout, ils ont, semble-t-il, toujours existé, mais d’où proviennent-ils, de quelle planète ? La connaissance de leur origine préoccupe beaucoup de cerveaux…

p.33
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Dans aucune œuvre, que ce soit peinture, littérature ou musique, il n’y a de création supérieure ; tous ces travaux sont semblables. L’œuvre la plus idéale est celle répondant davantage à certaines conventions qui vous paraissent neuves parce que vous ne les connaissez pas ou parce qu’elles ont été plus ou moins oubliées. Il n’y a ni erreur, ni déviation ; notre cerveau est une éponge qui s’imbibe de suggestions, c’est tout.
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TOUT EST POISON EXCEPTE NOS HABITUDES

Il faut communier avec du chewing-gum, de cette façon Dieu vous fortifiera les mâchoires; mâchez-le longtemps, sans arrière-pensée; puisqu'il aime votre bouche, qu'il sache à quoi elle sert! Vos langues tièdes ne sont pas à dédaigner, même pour un Dieu. Songez aux ridicules illusions que vous cherchez à vous donner les uns aux autres; les corsets que vous portez sont des pièges à souris. Vous êtes tous des morceaux de glace et vous voulez me faire croire que cette glace brûle et se consume comme le soleil. Votre coeur fond, tout simplement, et le liquide tiède qui s'en échappe ne sert qu'à faire flotter un tout petit corps froid et sale que vous nommez âme. La réalité jette vos rêves sur le fumier? Il faut enjamber ce fumier et entrer de plain-pied dans ce que j'appelle l'infamie rastaquouère. (p.30)
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Les cloches des églises, le bruit des vagues, le calme plat de la mer, les clairs de lune, les couchers de soleil, l'orage, sont autant de schampoing pour le pénis aveugle; notre phallus devrait avoir des yeux, grâce à eux nous pourrions croire un instant que nous avons vu l'amour de près.
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Videos de Francis Picabia (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Francis Picabia
Francis PICABIA – Au prisme de son écriture (France Culture, 1978 L’émission « Relecture », par Hubert Juin, diffusée le 24 février 1978 sur France Culture. Invités : Olivier Revault D'allonnes, Jean Jacques Brochier, Gabrielle Buffet Picabia, Marc Le Bot et Bernard Delvaille.
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