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Critique de bobfutur


C'est un fort beau livre, impressionnant cadeau de Noël envoyé par Babelio et les éditions De La Martinière à quelques chanceux, dont j'ai le plaisir de faire partie, magie de ces « masse-critique » qui contribuent forcément à un esprit de fidélité à ce site…
De beaux présents comme ceci feraient presque oublier la possible déliquescence de la critique professionnelle, voire du journalisme en général… du moins son bouleversement depuis l'avènement du tout-numérique, de la généralisation d'une certaine forme de gratuité, de l'effondrement des recettes directes de ces métiers, de l'explosion des acteurs, de l'etoile-filantisation de tout et rien, jusqu'à la prise de pouvoir involontaire des amateurs et des stagiaires, grillant la place à tous ces artisans, forçant les plus endurcis à s'adapter, soi-disant « destruction-créatrice » schumpetérienne comme ordre naturel des choses, dogme quasi-religieux d'un capitalisme qui, à l'instar de ses collègues de culte, ne peut se remettre en question…
Je commence par dire cela, car j'ai été photographe professionnel pendant (et il y a) dix ans ; mes études et ma prise d'activité furent concomitantes de l'avénement du digital, dont j'ai été une des victimes consentantes.
Pour le meilleur et le pire, de nombreux professionnels ont cédé leur place à une démocratisation des moyens qu'il est délicat de culpabiliser ; la comparaison est difficile, et forcément entachée de ce psalmodiant « c'était mieux avant », poignées de graviers commodément jetées à la figure entre « boomers » et « millennials », empêchant un véritable examen objectif de ce qui a été créé, au prix de tout ce qui a été détruit…

Sinon, il y a le bouddhisme.

Je prends le temps de la digression, car ce livre est une ré-édition, où l'éditeur a simplement employé quelques moyens supplémentaires, comme l'utilisation d'un papier mat plus épais, permettant une trame plus fine et un meilleur rendu général des photos — bien que cela reste une question de goût : les aficions du papier brillant sont légions, et en impression numérique, certains types d'images « rendent » en effet mieux sur ce type de support… le seul mettant tout le monde d'accord restant le papier « Baryté » utilisé en tirage argentique noir&blanc ( mis à part l'assistant laborantin de corvée de lavage, séchage et d'aplatissage…! ) — ainsi que l'addition de quelques pages supplémentaires ( je me fie aux nombres déclarés sur des sites internet marchands proposant encore les deux versions ), et de la mention « Collector », sous-entendant un tirage nettement moindre…

Je sais… on parle beaucoup d'objets alors qu'il est question d'une spiritualité légèrement à l'opposé de tout ceci…

Juger de la qualité des images ?
Le GOAT(*) Henri Cartier-Bresson, mondialement célèbre, également pour sa discrétion : son rejet des flonflons du commerce et de la réclame, son goût pour l'ascèse, etc. ; bref, dont un compliment devrait être considéré avec le plus grand sérieux, dit de lui :
« La vie spirituelle de Matthieu et son appareil photo ne font qu'un, de là surgissent ces images fugitives et éternelles. »
… ou quand l'Instant Décisif s'inscrit pour des siècles sur le granit du Toit du Monde…

Je rajouterais que Matthieu Ricard démontre beaucoup plus de talent à saisir les visages que les paysages…
Ce livre est bien-sûr composé de ces deux grands « types » de photographies, mais les portraits — et la profonde empathie qui s'en dégage — semblent nettement privilégiés, démontrant un réel humanisme de l'auteur.

Il n'est pas nécessaire de rappeler l'admiration que peut susciter un tel individu, dont l'abondante bibliographie enrichit l'association humanitaire Karuna-Shechen, renvoyant à la gueule des indigénistes ( et autres plattistes ) leur odieux concept d' « appropriation culturelle »…

On doit bien-sûr conserver un oeil critique et ne pas tomber dans la béatitude face à une pensée constituée pour une part de magie, manquant quelque fois de profondeur pour embrasser de manière holistique les problèmes posés à l'humanité, à la planète, mais dont beaucoup d'enseignements peuvent être traduits en langage « laïque » universel.

Mais loin de cet image du « tout beau - tout gentil » que cette culture pourrait nous renvoyer ( de sa vision « kitsch » ), l'auteur nous raconte une histoire finalement très humaine, faite aussi d'exploitation et de domination, où le Bien et le Mal ne sont pas aussi délimités que cela…

Merci


(*) GOAT ou « Greatest Of All Time » : appellation typique aux sports américains, particulièrement sensibles aux honneurs et à la célébration de l'individu, élevant de rares et exceptionnels athlètes au rang de demi-dieu. HCB en aurait bien-sûr frissonné… bien qu'il soit un des rares à pouvoir y prétendre…
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