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Critique de read_to_be_wild


« Ici, le meurtre et le pillage; là-bas le mensonge; là-bas où l'écho des pleurs et des grincements de dents n'arrive pas, on se paie de grands mots: progrès, civilisation, humanité! Mais c'est, au contraire, le triomphe de la barbarie. Ce Haut-Chari, c'est la condamnation atrocement motivée de notre colonisation même, en une mise au jour hideuse de tous ses vices et de toutes ses fautes »

Notre royaume n'est pas de ce monde, Jennifer Richard @editionsalbinmichel @jdayrichard #rentreelitteraire2022

Je viens de tourner la dernière page d'un livre percutant et remarquable, brillamment écrit et documenté, dans un style unique et virtuose!

Comment parler de la colonisation? Des mains coupées au Congo belge? du sort des Afro-Américains? du traitement accordé aux défenseurs de causes? Des contestataires? de l'esprit de révolte?

C'est ce que l'autrice réalise avec brio en imaginant une réunion dans l'au-delà, organisée par Ota Benga, Pygmée d'Afrique, réunion à laquelle sont conviés les sacrifiés de l'Histoire de 1896 à nos jours, qu'ils soient du côté des encensés de l'Humanité comme des désavoués… jugez-en donc par vous-mêmes!

« le choix n'a pas été facile pour dresser la liste des invités. Vous n'avez pas les mêmes idées, vous n'avez pas mené les mêmes vies, ni les mêmes combats. D'ailleurs, vous avez peut-être remarqué que tous ici ne sont pas des enfants de choeur…
Jean Jaurès jette alors un oeil discret sur Pasolini, qui lance un regard réprobateur à Kabila, qui toise Ahmed Abdallah, qui souffle la fumée de son cigare en direction de Saddam Hussein, qui se tourne à son tour vers le mystérieux Libérien en treillis. Thomas Sankara observe Khadafi, qui lui adresse un sourire sibyllin. Personne ne repère Oussama Ben Laden, au dernier rang, enveloppé dans les mille replis de son manteau en poil de chameau. »

À travers la gestion du Congo belge par Léopold II, gestion cruelle et vorace, c'est toute l'idée de la colonisation/« occupation » qui est remise en question, analysée et présentée sans fard!

« Ils font toujours comme ça, les soldats, quand ils nous attrapent, quand il n'y a pas de caoutchouc, quand ils sont fâchés ou quand ils sont avec les démons. Ils coupent. Moi, ils ne m'ont pas coupé parce que je suis fort et que je peux récolter beaucoup de caoutchouc. Mais ma petite fille, elle ne pouvait rien faire. Elle était inutile. Ils l'ont prise, comme ça, et ils ont coupé sa main et son pied devant moi, devant sa mère, et devant ses frères. Elle a eu très mal. Elle a beaucoup crié et elle a beaucoup pleuré. »

Il est bien sûr aussi question des Afro-Américains, de l'oeuvre de Booker Taliaferro Washington, du combat de WEB du Bois, Malcolm X, Martin Luther King… du sort que l'Amérique a réservé aux populations autochtones, à ses anciens esclaves…

Mais il est aussi question de la Terre et du traitement que lui accorde l'Humain.

« Autrefois se mêlaient vallées et bois. Ils accueillaient girafes et éléphants, offraient une halte aux oiseaux migrateurs et un havre de paix à toutes sortes d'animaux qu'il se plaisait à dessiner pour les enfants de la mission. Il n'y avait plus rien à dessiner. La forêt avait été rasée, et la terre creusée à une centaine de mètres de profondeur ne présentait plus à la vue qu'une cuvette poussiéreuse. »

Pourtant, entre ces lignes sombres, ces exactions sans appel, cette inhumanité sans nom, se cache un message de paix et d'espoir… 🌟 un message à retenir et à transmettre… pour le monde de demain qui se construit dès aujourd'hui 🌍

« Ce qui compte, c'est que personne ne doit mourir de faim sur une planète qui regorge de ressources; que la possession ne saurait justifier la destruction des peuples, des animaux et de la flore qui les entoure, ni la pollution de l'eau qui nous abreuve, de l'air que nous respirons; que l'amour et la fraternité doivent être le ciment des relations, et non le contrat et le commerce; que nous avons des obligations et des droits dans nos communautés et que nous tous qui vivons ensemble et ensemble existons, d'où que nous venions, nous sommes la matière première de nos rêves et de nos espérances. »

Une oeuvre fondamentale!
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