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EAN : 9782226475619
736 pages
Albin Michel (17/08/2022)
4.38/5   20 notes
Résumé :
Deux hommes venant de chemins différents se retrouvent au même moment au même endroit, incarnant sans le savoir - mais peut-être que si - la convergence des luttes. L'un blanc, l'autre noir.
Une odyssée sans concessions aux allures de farce macabre, politique et polémique, où Jennifer Richard poursuit le contre-récit de l'Histoire officielle.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Drôle d'assemblée ! Jennifer Richard invite son lecteur à une bien curieuse réunion dans « une dimension parallèle »… Une soirée où tous les invités ont des points communs : ils ont réellement existé et sont morts assassinés pour leurs idées, leurs convictions. On retrouve parmi eux Jaurès, Zola, Lumumba, Sankara, Kabila, Lincoln, J. F. Kennedy, Geronimo et Ben Barka (les deux très brièvement), Martin Luther King, Malcom X, Che Guevara, Oussama ben Laden, Saddam Hussein, Pier Paolo Pasolini, beaucoup d'autres dont un bon nombre inconnus du grand public, et une seule femme : Rosa Luxembourg. Un narrateur à la troisième personne intervient la plupart du temps, mais Ota Benga, le pygmée qui est l'organisateur et l'animateur de cette « Amicale des insurgés », intervient à la première personne pour nous narrer sa propre histoire. Les discussions vont bon train entre les participants : congratulations, contradictions, engueulades. Certains se connaissent, d'autres non, même quand ils appartiennent à la même époque. Il faut dire que Jennifer Richard nous promène sur trois continents. Nous irons ainsi en Belgique, en France et en Angleterre, dans plusieurs pays africains, mais essentiellement au « Congo belge », ainsi que dans plusieurs États américains. Entre 1896 et 1916, nous rencontrerons, en plus de certains des invités, de nombreux personnages ayant eu, de près ou de loin, un rôle à jouer dans l'exploration, la colonisation et le commerce dans les pays africains, ainsi que dans la ségrégation, l'exploitation ou les prémisses de l'émancipation des Noirs : Stanley, Brazza, Mark Twain, Léopold II et son inénarrable maîtresse française, des missionnaires britanniques et américains noirs ou blancs avec leurs épouses, etc., et beaucoup d'Africains dont notre Histoire officielle ne mentionne pas même les noms, « ceux qui ne comptent pas ». Ota Benga conversera aussi fréquemment avec Roger Casement, « diplomate et militant indépendantiste irlandais », qui tient une place importante dans cette terrible aventure.
***
Pas besoin d'avoir lu les deux premiers volets de la trilogie pour apprécier Notre royaume n'est pas de ce monde. le roman s'appuie sur des faits réels et l'autrice a puisé dans une impressionnante documentation (voir la bibliographie). Albin Michel la présente comme une Franco-Américaine d'origine guadeloupéenne. Elle semble parfaitement au fait des événements et connaît assurément très bien l'histoire de la colonisation en Afrique comme celle des Noirs américains. Entre les chapitres qui font revivre la grande Histoire s'intercalent, en italique, les conversations de la réception, ce qui permet au lecteur de souffler un peu après certaines des horreurs relatées ici. Pour ma part, j'en connaissais quelques-unes, mais bien peu, et je me rends compte avec un peu d'étonnement que je sais plus de choses sur l'histoire des Noirs américains que sur celle des Africains. L'écriture est limpide, précise, et le récite évite l'écueil du didactisme pesant. J'ai beaucoup aimé le ton : malgré l'horreur de ces faits révoltants, l'autrice ne se départ jamais d'une certaine ironie et d'un humour plus ou moins appuyé. Les prises de bec entre Martin Luther King et Malcom X sont savoureuses, par exemple. Je ne suis pas près d'oublier l'image de Jaurès consultant frénétiquement les pages Wikipédia sur son portable pour savoir de qui on parle… Il se charge ensuite d'apporter des précisions qui valent pour son interlocuteur comme pour le lecteur ! Un très bon roman et une incitation à lire les deux précédents.
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Quelque part, dans une salle d'une dimension parallèle, sont réunies des personnes ayant toutes reçu une invitation à participer à la réunion de l'Amicale des insurgés. « Mort suspecte ? Mort précoce et violente ? Vous pensez avoir été assassiné ? le cas échéant, vous estimez l'avoir été pour vos idées ? Sortez de l'ombre ! » (p. 10)


Les convives sont Pierre Savorgnan de Brazza, Jean Jaurès, Malcolm X, Paolo Pasolini, Martin Luther King, Saddam Hussein, Rosa Luxemburg, etc. Leur hôte est Ota Benga, un Pygmée, né au Congo. Sa famille a été tuée par la Force publique de Léopold II, roi des belges. Il a été réduit en esclavage. Il a ensuite été déraciné et emmené en Amérique, par un missionnaire : Samuel Philippe Verner. Il a été alors l'attraction phare de l'Exposition universelle de Saint-Louis, puis enfermé dans le zoo du Bronx. Il indique à ses invités qu'il va leur raconter son histoire, qui est aussi la leur. le coeur en est la période de 1896 à 1916 et est enrichi d'évènements qui se sont déroulés entre 1800 et 2022.


Ota Benga déroule l'histoire de la colonisation et de l'impérialisme. Il décrit les horreurs que le peuple africain a subies et qui ont conduit, en 1904, à la naissance de la Congo Reform Association. Cette organisation avait pour objectif de dénoncer les crimes commis par les fonctionnaires belges, sous l'autorité de Léopold II. L'un de ses fondateurs, Roger Casement, est présent dans la salle et, même s'il a fait avancer la cause, il souffre de l'échec de son combat. Il lui est difficile de revivre ces évènements par la voix d'Ota Benga. Il n'a jamais oublié les mains et les pieds coupés des Africains, immortalisés par l'appareil photo de Alice Seeley Harris, une missionnaire britannique, révoltée, elle aussi, par le comportement des colons.


Au fil de son récit, Ota Benga s'adresse aux personnes de l'assemblée qui ont vécu les évènements. Dès qu'un nouveau nom est cité, Jean Jaurès dégaine son téléphone portable et lit la page Wikipedia de la personnalité concernée. Au début de ma lecture, je consultais la liste des personnages, intégrée à la fin du livre et je lançais une recherche internet au sujet de ceux qui n'étaient pas référencés. Par la suite, j'ai compris que ce n'était pas nécessaire : j'ai laissé Jean Jaurès le faire à ma place et j'ai délaissé la technologie. Les interventions de ce dernier sont pleines d'humour et d'humanité. Il participe, activement, à la conférence, tentant de comprendre les faits qui ont mené à la guerre. Il interpelle souvent son ami Émile Zola. Alors que tous les protagonistes ont, réellement existé, nous sommes dans une dimension parallèle, à laquelle j'ai, entièrement, adhéré. Je ne m'étonnais pas que des héros discutent avec des dictateurs, alors que les premiers étaient déjà morts quand les seconds sont nés. J'ai découvert la vie de personnages réels, dont le nom m'évoquait, parfois, une plaque de rue, sans que je ne connaisse ni leur vie, ni leur métier, ni leurs actions.


Notre royaume n'est pas de ce monde est une fresque d'une richesse historique phénoménale, qui entraîne, irrémédiablement, un changement en nous. Elle m'a fait beaucoup réfléchir sur la colonisation et ses horreurs, ainsi que sur sa responsabilité sur l'état de notre monde actuel. J'ai aussi éprouvé un sentiment de culpabilité collective. Pourtant, malgré des scènes très sombres, mais hélas authentiques, mon humanité était réconfortée par celle de ces hommes et ces femmes qui se sont battus pour la justice et la fin des exactions, alors qu'ils savaient, qu'ils devinaient que leur lutte les mènerait à la mort. Enfin, les touches d'humour adoucissent l'ambiance et permettent de reprendre notre souffle, c'est un roman magnifique et captivant pour lequel j'ai eu un coup de coeur immense.


Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
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« Ici, le meurtre et le pillage; là-bas le mensonge; là-bas où l'écho des pleurs et des grincements de dents n'arrive pas, on se paie de grands mots: progrès, civilisation, humanité! Mais c'est, au contraire, le triomphe de la barbarie. Ce Haut-Chari, c'est la condamnation atrocement motivée de notre colonisation même, en une mise au jour hideuse de tous ses vices et de toutes ses fautes »

Notre royaume n'est pas de ce monde, Jennifer Richard @editionsalbinmichel @jdayrichard #rentreelitteraire2022

Je viens de tourner la dernière page d'un livre percutant et remarquable, brillamment écrit et documenté, dans un style unique et virtuose!

Comment parler de la colonisation? Des mains coupées au Congo belge? du sort des Afro-Américains? du traitement accordé aux défenseurs de causes? Des contestataires? de l'esprit de révolte?

C'est ce que l'autrice réalise avec brio en imaginant une réunion dans l'au-delà, organisée par Ota Benga, Pygmée d'Afrique, réunion à laquelle sont conviés les sacrifiés de l'Histoire de 1896 à nos jours, qu'ils soient du côté des encensés de l'Humanité comme des désavoués… jugez-en donc par vous-mêmes!

« le choix n'a pas été facile pour dresser la liste des invités. Vous n'avez pas les mêmes idées, vous n'avez pas mené les mêmes vies, ni les mêmes combats. D'ailleurs, vous avez peut-être remarqué que tous ici ne sont pas des enfants de choeur…
Jean Jaurès jette alors un oeil discret sur Pasolini, qui lance un regard réprobateur à Kabila, qui toise Ahmed Abdallah, qui souffle la fumée de son cigare en direction de Saddam Hussein, qui se tourne à son tour vers le mystérieux Libérien en treillis. Thomas Sankara observe Khadafi, qui lui adresse un sourire sibyllin. Personne ne repère Oussama Ben Laden, au dernier rang, enveloppé dans les mille replis de son manteau en poil de chameau. »

À travers la gestion du Congo belge par Léopold II, gestion cruelle et vorace, c'est toute l'idée de la colonisation/« occupation » qui est remise en question, analysée et présentée sans fard!

« Ils font toujours comme ça, les soldats, quand ils nous attrapent, quand il n'y a pas de caoutchouc, quand ils sont fâchés ou quand ils sont avec les démons. Ils coupent. Moi, ils ne m'ont pas coupé parce que je suis fort et que je peux récolter beaucoup de caoutchouc. Mais ma petite fille, elle ne pouvait rien faire. Elle était inutile. Ils l'ont prise, comme ça, et ils ont coupé sa main et son pied devant moi, devant sa mère, et devant ses frères. Elle a eu très mal. Elle a beaucoup crié et elle a beaucoup pleuré. »

Il est bien sûr aussi question des Afro-Américains, de l'oeuvre de Booker Taliaferro Washington, du combat de WEB du Bois, Malcolm X, Martin Luther King… du sort que l'Amérique a réservé aux populations autochtones, à ses anciens esclaves…

Mais il est aussi question de la Terre et du traitement que lui accorde l'Humain.

« Autrefois se mêlaient vallées et bois. Ils accueillaient girafes et éléphants, offraient une halte aux oiseaux migrateurs et un havre de paix à toutes sortes d'animaux qu'il se plaisait à dessiner pour les enfants de la mission. Il n'y avait plus rien à dessiner. La forêt avait été rasée, et la terre creusée à une centaine de mètres de profondeur ne présentait plus à la vue qu'une cuvette poussiéreuse. »

Pourtant, entre ces lignes sombres, ces exactions sans appel, cette inhumanité sans nom, se cache un message de paix et d'espoir… 🌟 un message à retenir et à transmettre… pour le monde de demain qui se construit dès aujourd'hui 🌍

« Ce qui compte, c'est que personne ne doit mourir de faim sur une planète qui regorge de ressources; que la possession ne saurait justifier la destruction des peuples, des animaux et de la flore qui les entoure, ni la pollution de l'eau qui nous abreuve, de l'air que nous respirons; que l'amour et la fraternité doivent être le ciment des relations, et non le contrat et le commerce; que nous avons des obligations et des droits dans nos communautés et que nous tous qui vivons ensemble et ensemble existons, d'où que nous venions, nous sommes la matière première de nos rêves et de nos espérances. »

Une oeuvre fondamentale!
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Cet ouvrage débute par une réunion au sommet: une partie des plus grands noms de l'Histoire ont été convoqués par Ota Benga, pygmée d'Afrique.
Parmi ces grandes figures se trouvent Martin Luther King, Emile Zola, Che Guevara et tant d'autres…
Si ils ont été rassemblés c'est pour entendre un récit, celui de la contre-Histoire de ce qu'il se serait réellement passé, notamment au Congo, dès 1896.

Ce roman nous envoie directement au coeur de l'histoire et de la politique et donne la parole à ceux que nous avons adoré ou peut-être acculé. Il est hors du temps et sa dimension grandiose lui donne une mesure presque fantaisiste. Néanmoins, les faits racontés sont bien issus d'une vérité, celle qu'a souhaité défendre l'auteure.

La plume est noble et élégante, le langage soutenu est en corrélation directe avec les époques traversées et les convenances relatives à celles-ci. Il s'agit d'aborder l'Histoire et la politique, le rythme lent est donc tout à fait adapté.

J'ai vécu cette lecture comme une forme d'éveil cérébral et d'ouverture à d'autres « vérités ». Comprendre les enjeux politiques, économiques de l'époque et réaliser tristement à quel pour l'humain n'avait pas sa place à cause d'eux, m'a rappelé que, depuis toujours, nous recommencions sans cesse les mêmes erreurs!

C'est un ouvrage très riche qui mène a la réflexion que j'ai découvert ici! Un récit où ceux qu'on a blâmé en leur temps n'étaient pas forcément les vrais bourreaux et où les Grands Hommes finissent toujours par être abattus à cause de leurs convictions et leurs combats. Qu'ils vous semblent justes ou pas…
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Voilà une lecture très pointue.
Il faut beaucoup de culture et connaître un minimum L Histoire pour comprendre et apprécier ce livre.
La plume est élégante.
Un ouvrage riche, intéressant, qui pousse à la réflexion mais qui, selon moi n'est pas à la portée de tous.
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critiques presse (1)
Marianne_
15 novembre 2022
Notre royaume n’est pas de ce monde est l’histoire de victoires avortées mais qui disent l’importance de mener le combat. C’est un livre dense, très informatif où la fiction, quasi-inexistante, rayonne pourtant dans la mise en dialogue d’hommes et de femmes qui ont tenté le tout pour le tout pour contrer les ravages du capitalisme.
Lire la critique sur le site : Marianne_
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Il n'y a pas de réel commerce avec les indigènes, dites-vous ? Je vous le confirme. Les boîtes de conserve dont vous parlez, que les bateaux déversent par milliers dans le port de Matadi... Savez-vous qu'elles sont vides ? Ce n'est même pas du corned-beef que l'on vend aux indigènes, ce sont des boîtes de corned-beef. Les rebuts de tissus des manufactures métropolitaines que vous voyez arriver en Afrique sont invendables, de même que toute la quincaillerie qu'on leur envoie. Que ferions-nous des grelots, sonnettes, pipes, flûtes, pots de fer troués, vases ébréchés, aliments périmés... ? En exportant en Afrique la camelote la plus médiocre et la plus surévaluée possible, et en l'échangeant contre des produits très sous-estimés, les sociétés gagnent sur les deux tableaux, à l'import et à l'export.
(p. 311)
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J'ai vu des espaces vides là où se tenaient avant des villages. J'ai vu des rassemblements de quelques cases où s'élargissaient autrefois des villes. J'ai vu des tombes, des charniers et des pendus. Des balafres et des moignons, des plaies et des os brisés, des ventres gonflés, des dos striés, des yeux jaunes, des yeux rouges, des yeux blancs. J'ai vu des hommes castrés, des femmes stériles, des enfants au regard de vieillard, au regard de bête, au regard de zombie. J'ai vu des esclaves et des otages, des alcooliques et des prostituées. Des gens qui ne vivent que parce qu'ils sont nés. Et puis j'ai vu les gens qui, sans être morts, ne vivaient plus. Des gens qui dormaient par milliers, au milieu de la route, dans les champs, au pied des arbres, et qui ne se réveilleront jamais. [...] Voilà ce que l'Europe a réussi à faire au nom de la civilisation : elle a plongé un pays entier dans le coma. Les dieux africains étaient forts, ils étaient capricieux, colériques et cruels. Mais l'homme blanc est tout cela à la fois, et il exerce ses pouvoirs en plein jour, sans artifice, sans formule magique et sans cérémonie : il a la puissance du commerce.
(p. 370)
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Vous aviez la vie, énonce Casement d'une vois sentencieuse, vos persécuteurs blancs ne font que posséder. Telle est la distinction entre le "sauvage" et l'homme civilisé. Le sauvage est, l'homme blanc a. L'un vit et jouit de l'existence, l'autre détruit et meurt d'envie.
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Une femme insatisfaite est le pire ennemi qu’un homme puisse affronter.
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