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Critique de Nastasia-B


Voici le premier tome d'un grand, grand classique anglais, malheureusement trop peu connu en France. Il y a probablement plusieurs raisons à cela : d'une part, le fait qu'il soit difficile à trouver dans une édition physique qui ne soit pas un fac-similé des éditions très anciennes.

Je signale que l'édition de 1999 chez Desjonquières en deux volumes est absolument excellente mais malheureusement épuisée. L'autre raison pour laquelle, ce roman épistolaire est peu lu, donc peu connu en France, est sa taille gigantesque.

Question taille, il ne faut pas vous attendre à moins que Les Misérables ou La Guerre et la Paix, par exemple, c'est de ce gabarit-là. Donc, fatalement, cela en rebute certains.

Pourtant, pourtant, si je vous dis, sans équivoque, sans aucune espèce de réserve que l'un des plus grands chefs-d'oeuvre de la littérature française du XVIIIème est une copie, oui, une simple, une vulgaire copie, presque une contrefaçon de ce roman, peut-être serez-vous surpris.

Si je vous annonce à présent que le chef-d'oeuvre en question n'est autre que les fantastiques Liaisons Dangereuses, là, cela va peut-être vous en boucher un coin et faire redescendre de quelques marches le statut de son auteur.

En fait, si Choderlos de Laclos a un grand talent, c'est d'avoir compris que le roman de Richardson était vraiment trop long et qu'il y avait donc forcément, par moments, des longueurs ou des temps morts. Il en a donc proposé une sorte de Reader's digest et sa version est sans nul doute plus tonique.

Mais c'est tout. Tout le reste, il l'a généreusement pompé dans Richardson, jusqu'à son titre, jusqu'à sa fameuse lettre de la Marquise de Merteuil où elle dit « Ce n'est pas ma faute » un certain nombre de fois.

Le Vicomte de Valmont est une recopie quasi intégrale de Robert Lovelace, même jusqu'à des formules demeurées célèbres comme « J'espère qu'on me comptera pour quelque chose, etc. ».

L'une des nuances importantes apportées par Laclos provient du fait que Clarisse Harlove, l'héroïne (Clarissa Harlowe dans l'original) serait l'équivalent de la Présidente de Tourvel. On la lit beaucoup dans ce roman tandis qu'on lit peu la Présidente dans les Liaisons.

L'autre nuance importante est qu'il n'y a pas, stricto sensu, de Marquise de Merteuil ici, plusieurs personnages jouent alternativement ce rôle en ayant parfois des intentions un peu plus louables. Il peut s'agir du frère et de la soeur de Clarisse (James et Arabella), un peu plus tard de la Sinclair et de ses nymphes ou même, par moments, de la grande copine de Clarisse, Miss Anne Howe, personnage pourtant positif et attachant.

Cette Miss Howe, avec son effronterie et son caractère bien trempé est, à n'en pas douter, une grande source d'inspiration pour Elizabeth Bennet dans Orgueil et Préjugés de Jane Austen (de même que Clarisse est sans doute une espèce de modèle également pour la soeur aînée d'Elizabeth, Jane Bennet).

Donc, vous vous dites certainement que ce roman a fait des petits et même de sacrés beaux petits. Mais ce n'est pas tout, je suis convaincue que la Mrs Dalloway de Virginia Woolf ne s'appellerait pas Clarissa s'il n'y avait pas eu au préalable le roman de Richardson. On sait combien Virginia Woolf connaissait ses classiques et son personnage de sacrifiée est selon moi un clin d'oeil évident à la Clarissa de Richardson.

Waouh ! Ça commence à faire une belle famille, vous ne trouvez pas ? (Et je ne parle même pas de Rousseau qui lui aussi est allé mettre son nez dedans pour ses romans.) Eh oui, mais si l'on excepte la petite limitation que j'ai mentionnée plus haut, à savoir quelques longueurs qui auraient pu être rabotée, le roman est génial. Premier roman psychologique digne de ce nom et très grande réussite.

Personnellement, je ne suis pas vraiment fan de l'Abbé Prévost dans ses propres écrits, par contre, rien que pour cette traduction qu'il nous a offerte et qui a fortement inspiré qui vous savez, je lui suis extrêmement reconnaissante.

Sa traduction est imparfaite (les notes de l'édition Desjonquères y suppléent admirablement, je trouve) mais elle a une saveur XVIIIème inimitable qu'aucun traducteur actuel ne saurait peut-être restituer, donc, j'aime autant son imparfaite traduction.

L'histoire, en deux mots (ce qui est compliqué vu la longueur de l'oeuvre), est celle de Clarisse Harlove (bon, ça, vous vous y attendiez, je suppose) jeune fille à marier, d'une beauté et d'un esprit incomparables, le tout doublé d'une vertu et d'un sens moral à toute épreuve.

Le problème, c'est qu'un libertin majeur s'est entiché d'elle et que sa famille, pour la soustraire aux assauts dudit libertin, veut tout faire pour accélérer son mariage avec un triple crétin des environs mais dont la réputation est sans tache.

Clarisse ne peut se résoudre à ce mariage forcé et est tiraillée de toutes parts… Vous comprendrez aisément que je ne souhaite pas en dévoiler davantage. D'ailleurs, tout ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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