La Jeune Fille aux oracles

Louis XIV mourut en 1715. Il survécut à trois héritiers au trône. C’est son petit-fils qui lui succéda sous le nom de Louis XV.

Note historique

La Voisin fut brûlée vive en place de Grève le 22 février 1680.
Elle n’avoua pas sous la torture, refusa de faire amende honorable à Notre-Dame et l’on raconte qu’elle a repoussé le prêtre avant d’être attachée au bûcher.

Note historique

Les preuves accusant Mme de Montespan et certains autres membres de la haute noblesse ont été gardées à part dans un coffre scellé que le roi en personne a brûlé. Cependant, Mme de Montespan perdit à jamais les faveurs du monarque après l’affaire des Poisons et mourut en exil. On raconte que Mme de Maintenon, la nouvelle favorite qui devait lui succéder, se serait secrètement mariée avec le roi après la mort de la reine. Sa présence auprès de Sa Majesté inaugura un règne de piété, de conformisme et de violente persécution religieuse.

Note historique

La Voisin et les sorcières de Paris ne sont pas des personnages de fiction. Leur vie et les crimes qu’elles ont commis ont été révélés à travers les aveux qui leur ont été arrachés sous la torture, lors de la célèbre affaire des Poisons. Les rapports d’interrogatoires ont donné lieu à maintes controverses parmi les historiens qui ont cherché à prouver la participation ou la non-participation de certaines favorites dans des complots, des affaires d’empoisonnement et de sorcellerie. Certains disent avoir la preuve de l’existence d’un réseau de sorcières liées les unes aux autres par un pacte, d’autres récusent cette thèse. Il m’est apparu, quant à moi, qu’il s’agissait plutôt d’une organisation à mi-chemin entre les « corporations » qui organisaient les commerces traditionnels et une sorte de franchisage. C’est donc ainsi que je l’ai dépeint.

Note historique

Si les murs de ce pavillon pouvaient parler, ce sont des milliers de secrets qu’ils révéleraient.

Chapitre 32

À chaque instant, le mensonge et le vide de mon existence me sautent aux yeux. (...) La sincérité, voilà ce qui manque à ma vie. En ce bas monde, il n’y a qu’une seule femme sincère, et c’est pourquoi je suis hanté par le souvenir de ce moment de passion folle et exquise.

Chapitre 32

Votre frère, si je peux me permettre, Mademoiselle, est un monstre au cœur de pierre, dit-il en regardant au fond de son verre, comme s’il espérait y voir des images apparaître. Il y en a plein comme lui de nos jours. Si j’avais la plume d’un Molière, je pourrais en faire un personnage comique. Tel est le rôle de l’art, n’est-ce pas ? Rendre les monstres comiques, afin de pouvoir les supporter et faire de nos petits chagrins autres pleurent avec nous.

Chapitre 31

Je quittai la maison de la sorcière encore sous le coup des découvertes que je venais d’y faire. La Voisin n’était pas une débutante, elle n’était pas une simple ménagère qui garde de la mort-aux-rats dans son placard. C’était une empoisonneuse professionnelle, peut-être la plus grande d’Europe.

Chapitre 30

Je L’odieux abbé achevait la cérémonie en s’adonnant à un acte d’une indécente intimité sur la femme allongée en guise d’autel. Cependant que j’observais son corps pâle, presque terreux, frémir à la lumière des cierges, ses cheveux glissèrent de son visage, et je la reconnus. La femme qui avait commandé cette messe noire et qui servait d’autel n’était autre que Mme de Montespan.

Chapitre 23

Je sortis les objets habituels : la nappe aux motifs cabalistiques, la baguette à tête de dragon, les petites bougies qui dégageaient un étrange parfum et le vase rond qu’on emplit d’eau. Je la fis toucher le vase pour « faire apparaître l’image » et me livrai à toutes les petites astuces que j’avais inventées pour rendre le moment le plus mystérieux possible. Mais l’image dans le verre était difficile à interpréter. Un homme en habit clérical célébrait la messe dans une étrange chapelle. Sur le mur derrière lui figurait une croix… mais renversée. Il se tournait brièvement et, à son profil, je reconnus aussitôt le nez boursouflé du sinistre abbé Guibourg. Cependant qu’il posait le calice sur une nappe, je vis, à la faible lueur des grands cierges noirs qui l’encadraient, que l’autel sur lequel était tendue la nappe était le ventre nu d’une femme. Diverses personnes, que j’avais du mal à distinguer, s’entassaient autour de cet autel humain et du célébrant. Une femme sortit de l’ombre, un bébé prématuré dans les bras. Guibourg trancha sa gorge et versa son sang dans le calice avant de l’éventrer comme un vulgaire poisson pour prendre ses entrailles. — Oh ! mon Dieu, murmurai-je, une messe noire. Cette vision d’horreur m’avait coupé le souffle. Mon cœur se mit à battre à tout rompre. La femme qui avait apporté l’enfant s’éloigna de l’autel et je pus enfin voir son visage. C’était la Voisin.

Chapitre 23